— J’aurai le contact demain, après mon travail, dit-elle. Eux travaillent par télex. Je pense que dès le soir, nous aurons une réponse. Mais c’est cette piste qui m’inquiète. Si vraiment elle n’est plus entretenue du tout, vous ne passerez pas, même avec quatre roues motrices. Il faudrait attendre la saison sèche.
— Tant pis, dit Malko, nous terminerons à pied s’il le faut.
Elle le regarda, avec un sourire admiratif.
— Bravo. J’espère que vous n’aurez pas à le faire. Je pense qu’il faut que vous preniez un battement de sécurité. Vous agirez de nuit. Donc, fixez le rendez-vous avec l’avion pour le surlendemain de la soirée où vous agirez.
C’était sensé. Malko approuva. Il se levait pour s’en aller lorsque Cristina poussa un cri.
— Lieve hemel[17] ! Il est minuit et quart.
Plus question de partir. Ce serait trop bête de se faire remarquer. Malko allait proposer de coucher sur le divan lorsque Cristina lui jeta un regard éloquent. Elle se leva, s’approcha et posa ses lèvres sur les siennes.
— Vous aviez un crédit depuis hier soir ! dit-elle.
Si jamais elle avait eu des inhibitions, l’alcool les supprimait totalement. Cinq minutes plus tard, ils se retrouvaient enlacés sur un grand lit protégé par une moustiquaire très romantique. Cristina fut nue en un clin d’œil. Gardant seulement ses escarpins blancs.
Elle vint s’agenouiller sur le lit en face de Malko, prit ses seins entre ses mains, les lui offrant et dit :
— Caresse-moi. Là.
Il effleura les pointes marron et dures. Cristina ferma les yeux, ses mains allèrent à sa recherche et entreprirent un massage très doux. Lui se mit à martyriser amoureusement ces extrémités vulnérables, les faisant rouler entre ses doigts. Cristina gémissait de bonheur. Craignant de lui faire mal, il relâcha sa prise. Aussitôt la voix rauque de la créole exigea :
— Plus fort, tu vas me faire jouir.
Se pliant à son caprice, Malko continua comme elle le souhaitait. Sa respiration haletante et les ondulations involontaires de son bassin exprimaient mieux que toutes les paroles le plaisir de Cristina. Finalement, elle poussa un cri étranglé, projetant sa poitrine vers Malko.
Puis, tout naturellement, elle se pencha et sa bouche l’emprisonna, continua l’œuvre de ses mains. Enfin, elle se releva et l’entraîna hors de la moustiquaire, en face d’une grande glace. Posant un pied sur le lit, elle attira Malko et parvint à se faire prendre debout, dans cette position inconfortable, le regard rivé à leur image sur le lit où elle tomba en riant les mains en avant. Il la pénétra de nouveau, comme un animal couvre sa femelle, les mains crispées sur ses hanches.
Les ongles crochés dans la moustiquaire, Cristina hurlait chaque fois qu’il se ruait en elle. Quand il l’inonda, de nouveau elle cria, déchirant un pan de moustiquaire.
Puis, ils restèrent foudroyés, couverts de sueur, tentant de reprendre leur respiration. C’est Cristina qui revint vers Malko à demi assoupi et lui fit de nouveau l’offrande de sa bouche. Patiemment jusqu’à ce qu’il ait envie d’elle. Il la reprit, alors qu’elle était à plat ventre et ils recommencèrent à faire l’amour avec moins de violence. Cristina souleva son torse pour qu’il puisse lui prendre les seins à pleines mains. Aussitôt, elle se mit à trembler et jouit avec le même cri d’animal blessé.
Malko parvint à se retenir et ce n’est que beaucoup plus tard qu’il se répandit en elle pour la seconde fois. Il avait l’impression de sortir d’un bain, tant il avait transpiré. La moustiquaire était en loques.
— Viens, dit Cristina.
Il la suivit sur la véranda. La lune était haut dans le ciel et d’innombrables étoiles piquetaient la nuit. Il faisait nettement moins chaud que dans la chambre. Ils restèrent plusieurs minutes le visage levé vers les constellations qui semblaient clignoter. Malko se sentait merveilleusement bien en compagnie de cette femme qui savait être une complice et une femelle en même temps. Il n’y avait aucune affectation dans sa façon de faire l’amour. C’était instinctif, naturel.
Cristina noua ses bras autour de sa nuque.
— Je suis contente que tu sois venu ce soir, dit-elle. Sinon, nous n’aurions peut-être jamais fait l’amour.
Malko se réveilla en sursaut. Cristina était penchée sur lui, maquillée, habillée, souriante, un plateau de petit déjeuner à la main.
— Il est sept heures, dit-elle, je vais bientôt aller au bureau.
Lui aussi avait à faire. Il allait lui répondre lorsqu’il entendit frapper à la porte. Cristina alla ouvrir et revint, tenant une lettre à la main.
— C’est Mama Harb qui m’envoie ça, annonça-t-elle.
En une fraction de seconde, Malko fut totalement réveillé. Cristina avait ouvert la lettre et la lisait. Il vit toute la joie s’effacer de son visage et sa gorge se serra.
— Qu’y a-t-il ? Ils l’ont exécuté ?
Elle baissa les yeux vers lui.
— Non, pas encore. Mais ils avancent l’exécution. C’est pour demain dans la nuit.
— Demain !
— C’est un caporal qui a servi sous les ordres de Julius qui le lui a appris, expliqua Cristina. Je le connais. Il a toujours de bonnes informations parce qu’il est secrétaire de Bouterse à Fort Zeelandia.
Malko était atterré. Non seulement, il ne pourrait pas s’envoler de Pokigron comme prévu, mais il devait réaliser en moins de quarante-huit heures ce qui était prévu pour être étalé sur six jours. Autrement dit, travailler sans filet.
C’était à la limite de l’impossible.
Chapitre IX
Cristina revint s’asseoir sur le lit, avec un pauvre sourire.
— Nous avons de la chance, dit-elle, que je le sache maintenant. Je vais communiquer tous les changements d’un coup à mon contact. Évidemment, cela ne leur laisse pas beaucoup de temps pour s’organiser.
— Pourvu qu’ils puissent disposer de l’avion ! dit Malko.
Le fil qui le reliait à la vie s’appelait Cristina. Il aurait été trop dangereux pour lui d’avoir un contact direct avec l’antenne des Services hollandais à Paramaribo, certainement sous la surveillance des Surinamiens. Quant à la CIA, c’était pire. Il était passé plusieurs fois, près de l’ambassade US dans Sophie Remondstraat, logée dans le haut building de Paramaribo, sans même oser tourner la tête. Les « impérialistes » étaient la cible numéro Un des Cubains et de leurs amis.
Les pensées se catapultaient dans sa tête. Ce qui devait être monté comme un mouvement d’horlogerie allait reposer sur de l’improvisation. Il n’y avait rien de plus dangereux. Il sauta du lit et commença à s’habiller à toute vitesse. Il n’avait plus une minute à perdre.
— Je vais prévenir Herbert Van Mook, dit-il. Il faut que je te voie ce soir.
— Je passerai au Torarica. Et je suis sûre que j’aurai de bonnes nouvelles.
Ils sortirent ensemble de la villa. Pas rasé, encore courbattu après sa courte nuit, Malko décida de ne même pas passer à l’hôtel. Si Van Mook ne mettait pas tout en route immédiatement, c’était foutu. La traversée au ralenti de Paramaribo fut un supplice. À cause du marché, la voie le long du fleuve grouillait d’animation. Malko mit près de quarante-cinq minutes pour se dégager des embouteillages. Réalisant qu’il ignorait encore tout des modalités du transfert de Julius Harb.
Combien d’hommes ? Combien de véhicules ? Quelle heure ? Dans quel état physique se trouvait-il ?