Выбрать главу

Il aperçut Malko au moment où ce dernier lui expédiait une poignée de sable en plein dans les yeux… Il tituba, s’essuyant de son bras gauche… Le pied de Malko partit comme un missile, visant la main qui tenait le fusil… L’impact arracha l’arme, déclenchant un nouveau coup, qui creusa un entonnoir dans la plage… Malko plongea et ramassa le shot-gun Beretta. Il appuya l’extrémité du canon sur la gorge de son agresseur qui s’apprêtait à se jeter sur lui.

— On se calme ! dit-il. Si je me souviens bien, il y a encore cinq cartouches là-dedans…

L’homme au Beretta essuyait ses yeux pleins de sable en rugissant des injures. Malko l’examina. Etrange personnage. Tout son avant-bras gauche était tatoué d’un Christ en croix bleu. Le droit offrait une statue de la Vierge Marie… Son jean retenu par une ceinture de cow-boy disparaissait dans des bottes texanes… Le visage marbré de plaques rouges, les cheveux gris très courts et les yeux enfoncés lui donnaient un air nettement inquiétant.

— Bill Hodges ? demanda-t-il.

— Vous savez foutrement bien qui je suis ! grommela l’Irlandais. Qu’est-ce que vous attendez pour me foutre les tripes en l’air ?

Il avait la voix d’un homme qui s’est gargarisé avec de la fonte en fusion. Plus un accent bizarre, entre le Texas et New York… Fixant Malko avec une haine pas possible.

— Calmez-vous, dit Malko, je ne suis pas libanais et je ne vous veux aucun mal…

Wild Bill lui jeta un regard méfiant et stupéfait.

— Who the hell are you ?

Malko baissa le shot-gun et lui tendit la main.

— Malko Linge. Je viens de la part de Jim.

Les traits de l’Irlandais se détendirent.

— Jim ! Mais alors vous êtes un des « boys[22] »…

— Si vous voulez…

Wild Bill eut une mimique affligée :

— Merde ! J’ai failli vous tuer. Je suis vraiment désolé. Mais je ne pouvais pas savoir…

— Vous accueillez toujours les gens comme ça ? demanda Malko, en s’époussetant.

Wild Bill enleva encore quelques grains de sable de son œil gauche avant de répondre.

— Non, mais j’ai piqué une Libanaise à un gars. Depuis, ils font tout pour la récupérer. Ils ont envoyé des flics que j’ai virés, puis ils sont venus eux-mêmes. Ils m’ont menacé… Moi, William Hodges, comme si j’avais peur d’un enculé de Libanais ! Et j’ai appris qu’ils voulaient l’enlever. Alors, dimanche a la messe, j’ai prévenu mon copain Songu qui dirige la police : « Si ces enculés viennent, je vais m’en payer deux ou trois. » Il a répondu : « Dieu reconnaîtra les siens… » Faut dire qu’il n’aime pas les Libanais. Alors j’ai cru que c’était eux… J’avais laissé ouvert pour qu’ils ne se méfient pas.

« Venez, on va se réconcilier.

— Je ne suis pas fâché, remarqua Malko.

L’irlandais lui envoya une claque dans le dos à lui faire cracher ses poumons.

— Tiens, vous mériteriez d’être irlandais…

Ils regagnèrent le jardin. Deux domestiques noirs apparurent, craintifs, et l’Irlandais se mit à les houspiller en créole. L’un d’eux disparut et revint s’installer derrière le bar, avec une veste blanche. Malko tendit le shot-gun à l’Irlandais qui le jeta sur un canapé et lança :

— S’ils arrivent, nous serons deux pour les recevoir. Je vomis les Libanais… Ils viennent tout de suite après le crapaud. Figurez-vous que j’avais dit à mes boys que si on égorgeait un Libanais et qu’on répandait son sang dans la terre, cela faisait pousser les diamants… Ces cons m’ont cru, mais ils ont pas osé essayer… Ils sont trop gentils.

Il ouvrit une bouteille de Moët, remplit deux coupes et choqua la sienne contre celle de Malko.

Tout l’arrière du bar était tapissé de billets de cinq livres émis par l’état éphémère du Biafra.

Surprenant le regard de Malko, Wild Bill soupira :

— Ils m’avaient payé avec ça… Bienvenue à Lakka. Je vais vous présenter ma beauté.

Il se retourna aussitôt et hurla :

— Yassira !

Quelques instants plus tard, une jeune femme apparut, drapée dans une longue robe d’hôtesse blanche aux incrustations d’or, l’air apeuré. Malko s’attendait à voir une brune : Yassira était blonde comme les blés avec d’immenses yeux bleus ; le corps était plus oriental, avec ses seins épanouis, ses hanches en amphore et une chute de reins somptueuse. La bouche, grande et bien dessinée, s’ouvrit sur des dents régulières.

— Bonjour monsieur ! fit-elle d’une voix timide.

Bill Hodges adressa un clin d’œil à Malko.

— Vous comprenez pourquoi je ne veux pas la rendre à son porc de mari… Ce n’était pas tes copains, ajouta-t-il.

— Je comprends.

Ils burent le Moët en silence. Yassira s’était servi un Cointreau. L’Irlandais reposa son verre et lança :

— Bon, vous allez m’expliquer pourquoi vous êtes venu. Yassira, je te retrouve dans ta chambre.

Docilement, la Libanaise s’éclipsa, emportant son verre de Cointreau.

Malko ne voulait pas finasser. Wild Bill Hodges avait été dans trop de coups pourris pour qu’on le mène en bateau.

— Je travaille bien pour la CIA, dit-il. Nous avons des raisons de penser que les Iraniens préparent une action terroriste à partir d’ici. Avec la complicité d’un Libanais chiite, Karim Labaki.

— Labaki !

Il manqua s’étrangler.

— C’est l’oncle de Yassira. Un enculé. Qu’est-ce qu’il fout là-dedans ?

— Je l’ignore encore.

L’irlandais fit le tour du bar et se planta devant Malko, martelant !

— Même si je ne gagne pas un leone, je suis avec vous. Du moment qu’il faut faire chier ces fumiers de Libanais. Mais attention, Labaki est un Big Shot ici, il faut faire gaffe.

— Je sais, dit Malko.

Il raconta à l’irlandais toute l’histoire, mais sans lui parler des Israéliens. Bill Hodges remplissait inlassablement sa coupe de Moët et la vidait. Peu à peu, son regard devenait vitreux. Il bâilla à se décrocher la mâchoire.

— Je suis sûr que je peux vous aider, conclut-il, mais c’est l’heure de la sieste. On va continuer cette discussion tout à l’heure… Je vais vous installer.

Il se retourna vers le couloir menant aux chambres et appela :

— Seti !

Une fille aussi brune que Yassira était blonde surgit du couloir. De longs cheveux cascadaient sur ses épaules, entrelacés de fils d’or, de grands yeux noirs impénétrables illuminaient un visage rond et sensuel. Pakistanaise ou indienne. Elle posa sur Malko un regard lourd et effronté.

— Mon ami veut se reposer, dit-il. Conduis-le dans la chambre jaune.

Une lueur lubrique flottait dans ses petits yeux gris. Il s’apprêtait visiblement lui aussi à une sieste active.

Décidément, la visite au mercenaire irlandais était pleine de surprises…

Qui était cette Seti ? Vraisemblablement l’ancienne maîtresse de Wild Bill. Qui méritait bien son surnom. Malko examina la jeune fille, tout en finissant sa coupe de Mœt.

Elle était pieds nus, avec un pantalon bouffant en soie presque transparente, un bracelet à la cheville et un boléro de soie grège très ajusté.

— Venez, dit-elle.

Au bout du couloir, elle s’effaça pour laisser entrer Malko dans une chambre tendue de soie jaune où se dressait un lit à baldaquin.

— Voilà, dit-elle. Reposez-vous bien.

Au moment où elle se retournait, un cri traversa la cloison. Un cri de femme, rauque, bref, qui se prolongea en un halètement caractéristique. Malko sentit son sang se transformer en plomb brûlant… Il croisa le regard de Seti.

вернуться

22

Agents de la CIA.