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— Vous avez des informations sur Hussein Forugi ?

L’Américain secoua la tête.

— Rien, j’avais chargé un de mes informateurs, un journaliste d’ici, de gratter un peu, il a fait chou blanc. Ce type tourne entre la Résidence des Iraniens, l’ambassade et le Centre culturel. Aucune vie privée connue. Tous ses contacts se font au Centre culturel. Maintenant que vous avez rencontré Wild Bill, pensez-vous qu’il soit utile ?

La clim’ s’arrêta d’un coup panne de générateur. Et ils étaient en plein soleil, face au palais de Justice, dans un des rares gratte-ciel de Freetown. La chaleur allait vite devenir insupportable.

— Pas dans un premier temps, fit Malko.

— Bill est vraiment dingue, conclut l’Américain. Mais il hait les Libanais et il est gonflé. En plus, en cas de coup dur, rien ne le lie à la Company. J’ai le feu vert de Langley pour l’employer, si vous en avez besoin.

— Son amie, Yassira, m’a donné une piste à creuser.

Il lui résuma l’histoire de la maîtresse de Forugi. Jim Dexter rayonnait.

— Rugi va vous trouver qui c’est. Hier soir, elle était en panne d’essence… Comme le téléphone ne marche pas, elle n’a pas pu nous prévenir.

— Où puis-je la voir ?

— Elle sera au Mammy Yoko cet après-midi. Je lui ai donné le numéro de votre chambre, elle vous y rejoindra vers cinq heures.

— Pourquoi dans ma chambre ?

— Plus prudent. Il y a toujours des gars du CID qui traînent dans le hall. Elle est vachement connue.

Il s’essuya le front, la température montait d’un degré par minute. Il se leva.

— Je descends avec vous.

Au rez-de-chaussée, le Marine de garde était au bord de la syncope. Il faisait presque plus chaud que dans la rue.

Une Mercedes 280 stationnait en face de l’ambassade. Le chauffeur noir en sortit et vint parler à voix basse à Jim Dexter qui secoua négativement la tête.

— C’est votre chauffeur ?

— Non, dit l’Américain, celui du ministre de l’Intérieur. Mais il arrondit son salaire en faisant le taxi pendant que son patron travaille. Bon, je passerai au Mammy Yoko vers 18 heures. Au bar en contrebas du lobby.

Un Noir en saharienne profitait de l’ombre, appuyé à la 505 de Malko. Il s’écarta avec un sourire poli.

* * *

Malko tourna lentement autour du rond-point où se dressait le gigantesque cotton-tree[26] multi-centenaire qui marquait le centre de la ville, en face du palais de Justice décrépi, et descendit Siaka Stevens Street pour prendre à droite dans Howe Street. Il s’arrêta un peu plus loin à un carrefour en face d’un parc pouilleux, Sewa Park. Il avait l’intention de voir un peu ce qui se passait autour du fameux Centre Culturel iranien.

— Deux vautours perchés sur les ruines d’une maison contemplaient la grande bâtisse jaune de trois étages qui évoquait plus une prison que la culture avec ses ouvertures grillagées et ses volets fermés. Un panneau d’affichage exposait quelques photos d’atrocités irakiennes qui semblaient plonger les passants dans une joie sincère… Une seule porte, étroite, où veillaient plusieurs Noirs coiffés de la calotte musulmane… Une somptueuse Mercedes 500 verte était arrêtée en face du Centre, un chauffeur au volant.

Au moment où Malko allait repartir, un homme ressortit du Centre, accompagné par les courbettes des gardiens, escorté par un barbu de petite taille, qui débordait d’obséquiosité.

Le cœur de Malko battit plus vite. La taille, la perruque, les traits torturés ! C’était Karim Labaki. Ce dernier remonta dans sa voiture qui démarra en trombe, effrayant les vautours.

Trois cents mètres plus loin, la Mercedes stoppa dans East Street. Malko, en la dépassant, eut le temps de voir Karim Labaki entrer dans une sorte d’épicerie. Il faisait son marché. Inutile d’attirer l’attention. Il retraversa toute la ville, par le bas, longeant King Jimmy Market, débordant de couleurs et d’activité. Malgré leur pauvreté, les Sierra Leonais semblaient manger à leur faim.

Grâce à l’unique feu rouge de la ville en état de marche, il eut tout le loisir d’admirer la petite ambassade d’Iran, à l’entrée de Murray Town, superbe bidonville coloré. Aucun signe de vie. Pas d’antennes radio, pas de voitures dans la cour. Il ne restait plus qu’à attendre la très mystérieuse Rugi, en souhaitant qu’elle ait trouvé assez d’essence pour venir au Mammy Yoko.

* * *

Le coup frappé à la porte était si léger que Malko crut avoir rêvé. Il avait pris un verre à la piscine, observant quelques Libanais acharnés à draguer des hôtesses de l’air avec la délicatesse de bulldozers. Il faisait si chaud qu’il était impossible de rester au soleil… Heureusement, une climatisation anémique maintenait dans la chambre une température supportable. Il écarta le battant.

Ce qu’on voyait d’abord, chez Rugi Dugan, c’étaient ses cils. Immenses, recourbés, fournis, ils donnaient à tout son visage une allure romantique et sensuelle et elle en jouait admirablement… À travers eux, elle examina Malko et demanda d’une voix timide :

— Vous êtes l’ami de Jim ?

— Oui, dit Malko, entrez.

Elle se glissa comme un chat, le frôlant de sa croupe ronde à peine protégée par une robe de jersey. Comme toutes les Noires, elle était étonnamment cambrée et une petite poitrine courageuse perçait le jersey aux bons endroits. Parfumée aussi, avec des bagues, des bracelets de toutes les couleurs et un sac qui devait coûter trois siècles de salaire.

Les yeux marron remontaient en amande vers les tempes, la bouche était petite, charnue et le nez à peine épaté.

Une fille superbe… Ils s’observèrent quelques instants puis elle jeta son sac sur le lit avec un sourire, s’assit et croisa les jambes. Malko se dit que Rugi était à la hauteur des fantasmes les plus débridés. Elle semblait complètement allumée et son regard disait assez son goût des hommes. Elle fit cliqueter ses bracelets et dit :

— Jim m’a dit que je pouvais vous aider, mais je ne sais pas comment…

— Vous avez des contacts avec les Libanais ?

Elle eut une moue amusée et méprisante.

— Eux voudraient bien en avoir avec moi, mais je ne les aime pas beaucoup… Ils achètent les femmes et je ne suis pas à vendre.

— Vous connaissez Karim Labaki ?

Son sourire s’accentua.

— Comment ne pas le connaître ! Il est partout, il possède tout. Mais il aime plus les garçons que les femmes… Comme pas mal de Libanais d’ici. Vous voulez faire des affaires avec lui ?

— Non, dit Malko. Pas vraiment. Je m’intéresse aux Iraniens.

— Ah bon.

Cela ne paraissait pas la passionner. Malko lui raconta l’histoire de Forugi, et de sa maîtresse sierra-leonaise.

Rugi éclata de rire.

— Ce n’est pas possible ! J’ai rencontré Hussein Forugi dans une réception diplomatique. Il avait l’air d’un mal blanc, il était dans un coin à boire de l’orangeade. Quand je me suis approchée de lui, il s’est enfui comme si j’étais le Diable.

— Ça, c’est pour la parade, fit Malko. Les Iraniens ont une vie sexuelle, comme tout le monde. Vous pourriez trouver cette femme ?

— Je pense, dit-elle. Et ensuite ?

— J’aimerais la rencontrer… Avec vous. Elle sait peut-être des choses intéressantes.

Une lueur amusée passa dans l’œil de Rugi.

— Il vaudrait mieux la voir seule… Je vais essayer de vous la dénicher. Je connais un type qui me renseignera. Je laisserai le message à Jim.

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26

Fromager.