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— Merci d’être venu, fit le journaliste. Je ne veux pas me rendre à l’hôtel. J’y ai fait porter mon message. Le Mammy Yoko appartient à Labaki, vous savez, ici, nous sommes tranquilles…

— Vous avez appris quelque chose ?

Eddie Connolly eut un petit rire poli.

— Indeed, yes !

Il alluma une cigarette pour faire monter les enchères.

— Je crois avoir trouvé la trace des deux hommes que vous recherchez, avança précautionneusement le Noir. Bien que je ne sache pas leur nom.

— Où sont-ils ?

— Cachés chez Mr Labaki. Il les fait passer pour des Palestiniens, mais un garçon que je connais a reconnu la photo que vous m’avez donnée. Une fois par semaine, la Mercedes les emmène au Centre Culturel iranien. Pour une conférence religieuse, paraît-il. Justement le jour où Mr Forugi est présent… Voilà, ce n’est pas beaucoup, fit-il humblement, mais c’est très difficile avec Labaki. Il fait peur à tout le monde.

— Vous ne savez rien de plus sur ces deux hommes ?

— Non.

— Ni combien de temps ils vont rester ?

— Non plus. Il n’a parlé d’eux à personne. L’immigration ignore leur présence. Mais personne ne va chercher de problèmes à Mr Labaki.

L’information d’Eddie Connolly confirmait ce que Malko soupçonnait depuis le début. Expliquant pourquoi le Libanais avait voulu se débarrasser de lui. Même le Président Momoh ne pourrait le soutenir si les USA mettaient vraiment la pression. C’était une information vitale. Il sortit de sa sacoche une liasse de billets de vingt leones épaisse de dix centimètres et la mit dans la main du journaliste.

— Je veux en savoir plus sur ces deux hommes. Ce qu’ils font, quand ils vont quitter la Sierra Leone et comment. Ils ont besoin de papiers, de passeports. On doit pouvoir s’en procurer ici.

— Bien sûr, approuva Eddie, avec très peu d’argent… Mais si Mr Labaki apprenait ce que je fais, il me ferait renvoyer du ministère de l’Information et je n’aurais plus de job… Enfin, je vais essayer. Dès que j’ai quelque chose, je vous laisse un message au Mammy Yoko.

Malko le regarda regagner sa voiture. Profitant de la douceur délicieuse de l’air, écoutant le bruit de la mer, il aurait aimé se trouver là avec Alexandra et partir se baigner dans ces vagues tièdes. Seulement, il était confronté à une machination mortelle, et traqué par les gens les plus puissants du pays. Avec comme seule aide un fou comme Wild Bill Hodges.

La lutte contre la montre avait commencé. Il fallait débusquer les deux Chiites libanais et les neutraliser. Seul moyen de réussir sa mission puisqu’il ignorait tout de leur opération. Son cœur battit soudain plus vite. Une voiture approchait très lentement. Elle stoppa à quelques mètres de lui. Ses phares s’éteignirent mais personne n’en sortit. Il demeura figé, s’attendant à chaque seconde à en voir jaillir des tueurs.

Lentement, il s’accroupit derrière la 505 et tira de sa sacoche le Colt 45, armant le chien. Le cliquetis lui parut faire un bruit d’enfer.

Chapitre VIII

Le cœur battant, Malko guettait le véhicule arrêté. Un bruit de moteur dans son dos : une autre voiture arrivait en sens inverse. Elle fit demi-tour et se gara derrière lui. De nouveau, les phares s’éteignirent, mais personne ne sortit.

Un picotement de peur parcourut la colonne vertébrale de Malko. Il essuya contre son pantalon sa paume moite, puis, lentement, pointa le Colt 45 sur le véhicule le plus proche. Si c’était une embuscade, autant frapper le premier. Il se trouvait à un bon kilomètre de la civilisation et ne pouvait espérer d’aide de personne. Le bruit du ressac continuait, monotone et rassurant. Il essaya de distinguer une cible à travers le pare-brise de la voiture arrêtée en face de lui.

Impossible. Ses yeux étaient accoutumés à l’obscurité, et il était presque certain que la place du chauffeur était vide. Ce véhicule n’était quand même pas conduit par un fantôme !

Son arme toujours braquée sur le pare-brise de la mystérieuse voiture, il se retourna et éprouva un nouveau choc l’autre voiture semblait également vide ! Il n’avait pourtant entendu aucun bruit de portière et se serait aperçu d’une sortie quelconque. Il scruta la plage autour de lui sans rien apercevoir. Impossible de prolonger cette situation étrange. Il se redressa et glissa le long de la 505 jusqu’à la portière demeurée ouverte.

Aucune réaction.

D’un bond, il fut à l’intérieur et mit le contact. Courbé sur la banquette afin d’offrir une cible minima.

Il enclencha la première, assura le Colt dans sa main droite et mit plein phares au moment où il démarrait, le pouls en folie.

Le faisceau blanc balaya l’avant de l’autre voiture, l’éclairant comme en plein jour. Le bras tenant le Colt 45 retomba brusquement, et Malko explosa d’un fou rire nerveux. Béat, le conducteur était étalé sur son siège, la main appuyée sur une tête crépue qui montait et descendait entre ses jambes. Malko était encore secoué par son fou rire quand il se gara dans le parking du Mammy Yoko. Surprise : Jim Dexter l’attendait dans un des fauteuils du hall. Visiblement soucieux. L’Américain le prit par le bras.

— Allons au bar.

Malko lui fit le récit de sa fausse peur et de l’information communiquée par Connolly. L’Américain se détendit à peine.

— Lumley Beach, c’est la chambre d’amour des Libanais. Ça coûte moins cher que le Mammy Yoko et quelquefois, ils balancent la fille sur la plage et filent sans payer… Mais n’y allez pas trop. C’est plein de voyous, la nuit, qui détroussent les amoureux.

— Pourquoi êtes-vous là ?

— Sheka Songu est passé me voir. Il m’a raconté ce qui est arrivé. Vous l’avez échappé belle, et cela pose un problème. Personne ne peut rien contre Karim Labaki, à Freetown. Et ce type est un vrai tueur.

— Je m’en rends compte, fit remarquer Malko. D’abord Charlie, et maintenant cette malheureuse Seti. Nous avons levé un gros lièvre… Sinon, il ne prendrait pas le risque de s’attaquer à un Blanc.

— Vous avez sûrement raison, approuva le chef de station. Mais je me trouve devant un problème moral. Le « finding » du Président donne l’ordre de lancer une action préventive, mais j’ai l’impression que nous n’en avons pas les moyens. Je n’ai pas envie de vous enterrer en Sierra Leone.

— Un homme prévenu en vaut deux, dit Malko. Mon enquête avance. Eddie Connolly travaille sur ces deux terroristes chiites et j’espère obtenir d’autres informations.

Il devait également revoir Wael Afner, l’israélien, mais, cela, Jim Dexter n’avait pas à le savoir.

— Il faudrait connaître quelle est l’articulation exacte entre Forugi et Labaki, fit l’Américain. Pour ma part, je suis persuadé que c’est Forugi qui tire les ficelles. Pour le compte des Services Spéciaux de Téhéran. Seulement, à ce jour, je n’ai rien pu obtenir sur lui. On ne le voit pratiquement jamais, il n’a aucun contact avec personne… Même Songu n’a pas d’informations à son sujet. Son chauffeur est iranien et habite dans leur résidence de Hillcot Road.

— Il y a une petite chance avec l’histoire de la standardiste sierra-leonaise qui serait sa maîtresse, lui rappela Malko. Si ce n’est pas un simple racontar. Mais les Intégristes iraniens ne sont pas aussi ascètes qu’ils le prétendent. J’en sais quelque chose[28]. Je revois Rugi demain soir. Si elle me mène à la maîtresse d’Hussein Forugi, cela peut constituer un levier intéressant…

Jim Dexter semblait sceptique. Et inquiet.

— J’espère que Rugi la trouvera, fit-il. En attendant, faites bigrement attention. Freetown, c’est le Far West. Un type comme Labaki est plus puissant que la police.

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28

Voir La veuve de l’ayatollha.SAS n 78.