Malko tapota sa sacoche, qui ne le quittait plus.
— Sans votre Colt, je serais déjà mort. J’ai un avantage sur Hussein Forugi : il ignore comment je vais essayer de l’attaquer. Maintenant, je vais prendre une douche et dormir.
Hussein Forugi contemplait d’un air morose la brume de chaleur qui flottait sur Freetown. Il allait encore faire une chaleur d’enfer, avec 100 % d’humidité. Il fallait vraiment vouloir servir la Révolution islamique pour venir s’enterrer dans ce coin pourri. Et encore, en haut de Hillcot Road, où il se trouvait la température était un peu plus clémente… La glace lui renvoya l’image de son visage blafard et mal rasé, de ses cheveux collés à son front par la transpiration. Ses petits yeux noirs enfoncés respiraient la méchanceté et la ruse… Ancien informateur de la Savak – la police politique du Shah – il avait dû se montrer particulièrement méritant dans l’ignominie, pour avoir le douteux honneur de se dépasser ensuite dans le même domaine au service des Ayatollahs. On l’avait quand même mis en pénitence dans cet endroit oublié d’Allah afin qu’il puisse s’y perfectionner dans la connaissance du Coran et monter une petite opération bien sanglante. S’il réussissait, il regagnerait Téhéran, promis à un avenir radieux…
Comme chaque matin, il prit la tondeuse munie d’un sabot qui lui permettait d’avoir toujours une barbe de trois jours, conforme à la volonté des Mollahs, puis égalisa soigneusement ses poils noirs. Il posa ensuite sa tondeuse et se débarrassa de son pyjama. Son corps, à la peau très blanche semée de touffes de poils noirs, était plein de bourrelets.
Il passa dans la salle de bains, ouvrit la douche et décrocha le téléphone mural.
— Bambé Inja ?[29] demanda-t-il à son garde du corps.
— Baleh, baleh.[30]
— Envoie-la-moi.
Bambé était la standardiste de la Résidence, une jeune Sierra Leonaise de dix-huit ans, au corps de rêve moulé dans des garas peints à la main, avec des seins pointus comme des obus et des fesses où on pouvait poser un cendrier. Sa grosse bouche de Peul[31] avait fait saliver Hussein Forugi dès son arrivée à la Résidence. Ce n’était pas vraiment le genre de Téhéran… On frappa deux coups à la porte.
— Entre.
La jeune Bambé se glissa dans la pièce, les yeux baissés, embarrassée, essayant de ne pas fixer le corps nu. Hussein Forugi respirait plus vite. Quel moment extraordinaire…
— Viens, fit-il, je dois aller à l’ambassade. Je ne veux pas être en retard.
À regret, elle défit son gara, découvrant les seins pointus, fermes comme du marbre, puis la courbe rebondie des reins avec les fesses peut-être un peu trop larges, mais merveilleusement rondes et cambrées, à peine protégées par un minuscule slip bleu.
Hussein Forugi avait enjambé la baignoire et attendait debout à l’intérieur. Bambé le rejoignit. Elle prit d’abord la pomme de douche et se en devoir de l’arroser sur tout le corps. L’iranien demeurait strictement immobile, les yeux fermés. À tâtons, il s’empara des seins de la jeune Noire et se mit à les malaxer… Le contact de la peau douce et ferme lui donna une érection immédiate.
Bambé avait commencé avec un gros savon à recouvrir son corps de mousse blanche. Ensuite, elle prit un gant éponge et, avec le même soin, se mit à frotter d’abord le torse et les épaules, puis les jambes, le dos, les fesses… Hussein Forugi respirait de plus en plus vite. Il avait lâché les seins de Bambé et attendait le dos au mur, fixant avec avidité le corps nu de la jeune Noire. Celle-ci nettoyait à présent avec une attention toute particulière le bas-ventre de l’Iranien.
Hussein Forugi poussa un bref gémissement d’extase et son sexe se dressa avec encore plus de vigueur.
Bambé continua à masser les testicules, le scrotum, l’entre-jambe, puis lentement le sexe jusqu’à ce que le gland vermillon émerge de la mousse blanche.
Son visage était absolument impassible. Celui d’Hussein Forugi habituellement blême s’était congestionné. La bouche ouverte, il haletait avec une respiration sifflante. Ses mains emprisonnèrent à nouveau les seins de la jeune Noire, les malaxant, les pinçant, comme un malade. Puis il descendit vers la croupe ferme, en épousant tout le contour. Bambé accéléra son massage. L’iranien poussa un vrai cri de désespoir.
— Non, attends ! Doucement.
Bambé n’obtempéra pas. Alors, brutalement, Hussein Forugi écarta les mains qui le manipulaient et saisit la nuque de Bambé. Elle essaya de se dégager.
— Non, Boss !
Les doigts de l’iranien ressemblaient à des crochets d’acier. Rien au monde ne l’aurait fait renoncer à son phantasme. Inexorablement, la tête s’abaissait et sa bouche pulpeuse finit par entrer en contact avec le sexe dressé de Forugi. Il en poussa un gémissement ravi.
— Laisse-moi, Boss, supplia Bambé.
— Fais-le ou tu perds ta place ! siffla Forugi.
Bambé entrouvrit ses lèvres épaisses. Huit mille leones, ce n’était pas terrible, mais cela valait mieux que rien dans un pays avec 40 % de chômage. Aussitôt, le sexe du Conseiller culturel s’engouffra dans sa bouche jusqu’à la glotte. Elle en eut un haut-le-cœur. Prudent, Hussein Forugi se retira un peu, puis commença à se servir de la bouche de la Noire comme d’un sexe, les doigts toujours crispés sur la nuque, savourant son plaisir. Surtout ne pas se presser… Il relâcha un peu sa pression et Bambé continua docilement sa fellation. Quand il était particulièrement content, Hussein Forugi allait jusqu’à lui donner mille leones[32]. De quoi se payer dix garas neufs.
Cela lui était égal de faire l’amour, mais elle détestait cette caresse, réservée aux putains…
Hussein Forugi n’en pouvait plus de plaisir. La douche continuait à couler, couvrant le bruit de ses gémissements. C’était un secret de polichinelle dans la Résidence que ses entrevues matinales avec la standardiste ne concernaient pas le travail. Les autres Noires travaillant à la Résidence se moquaient de la malheureuse Bambé, contrainte à des fantaisies qui n’entraient pas dans le rituel sexuel africain. Certes, les mœurs étaient plus que libres en Sierra Leone, mais, sauf dans les milieux très sophistiqués, on baisait tranquillement et vite, sans le moindre contraceptif. Le reste, c’était « manières à Blancs »…
Hussein Forugi se sentait au bord de l’explosion. Sournoisement, il raffermit sa prise sur la nuque de Bambé. Celle-ci, aux frémissements du sexe qu’elle enveloppait de sa grosse bouche, comprit aussi que sa corvée se terminait. Elle accéléra brutalement et, dès qu’elle sentit la sève jaillir, voulut relever la tête. Peine perdue, Forugi lui abaissa la nuque d’une main de fer, la força à avaler son sperme jusqu’à la dernière goutte, tandis qu’il grognait comme un verrat heureux. C’était un jour particulièrement faste. Bambé avait bien tenu dix minutes…
Le dernier spasme passé, il la lâcha. Aussitôt, Bambé se précipita vers le lavabo… L’Iranien se rinça d’un coup de douche, l’âme et le corps en paix, sortit de la baignoire, s’enroula dans une serviette et alla chercher une liasse de leones. Avec les billets de deux leones, cela faisait plus important. Bambé avait déjà remis son gara. Elle prit les billets sans un mot et gagna la porte.
Hussein Forugi la regarda partir, ravi. Après une séance comme ça, il pourrait s’en passer pendant deux ou trois jours… Cela avait commencé par hasard. Presque par un jeu. Bambé avait été engagée comme standardiste. Un jour où il se plaignait de douleurs, elle lui avait proposé un massage avec un onguent préparé par son oncle, un peu sorcier.