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— Qu’est-ce qu’on va faire ?

Bonne question. Malko avait l’impression de se heurter à un mur de coton sanglant. Eddie Connolly disparu, il ne lui restait que Bill Hodges et Rugi. L’irlandais ne pouvait guère servir que pour une action ponctuelle et violente. Quant à Rugi, il avait beau se creuser la tête, il ne savait pas quoi tirer d’elle.

La mission de Malko était de mettre préventivement hors d’état de nuire un commando chiite libanais. À moins de prendre d’assaut la maison de Karim Labaki, il ne voyait pas comment. Pas question de compter sur les autorités officielles. La réaction de Sheka Songu avait été significative. Même si le gouvernement de Sierre Leone n’aimait pas les Iraniens, il les couvrait pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec la politique.

— Je dois réfléchir, avoua-t-il à Bill Hodges.

L’irlandais soupira en se curant les dents.

— Retaliate[33] ! conseilla-t-il. Payez-vous un iranien ou un Libanais. Pour leur faire comprendre qu’on parle business.

— Cela n’avancera à rien, dit Malko. Mon but est d’éliminer ces deux terroristes, pas de déclarer la guerre aux Chiites.

— Alors, faisons-nous Labaki et ses zozos, proposa Hodges. J’ai le matériel qu’il faut.

— Il a déjà peut-être évacué ces deux Chiites, objecta Malko. Il faut trouver une solution plus sophistiquée.

Bill Hodges eut une grimace méprisante qui abaissa les coins de sa bouche, signifiant que la sophistication n’était pas sa tasse de thé.

— Je prendrai une décision d’ici ce soir, promit Malko.

Ils terminèrent par un café turc infect et replongèrent dans la fournaise. Malko, obsédé par les iraniens, voulut aller devant leur centre culturel. Sans idée précise. En remontant Howes Street, il aperçut, garée devant le Centre Culturel, une Mercedes avec une plaque bleue diplomatique IR. Le chauffeur tenait la portière ouverte.

Au moment où la 505 de Malko passait devant, un homme en costume gris, sans cravate, mal rasé, émergea du Centre Culturel, escorté par plusieurs Noirs lui exprimant la plus grande servilité. Un petit Noir gros comme un tonneau lui baisa la main lorsqu’il entra dans la Mercedes.

— Tiens, c’est Hussein Forugi, le patron du Centre Culturel, remarqua l’Irlandais.

Le regard de l’iranien croisa celui de Malko au moment où il remontait dans sa voiture et s’y attarda une seconde. L’avait-il reconnu ? La Mercedes démarra, se frayant un chemin à grands coups de klaxon, faisant s’envoler les vautours… Malko tourna dans Garrisson Street, plongé dans ses pensées. La vue de l’Iranien avait déclenché l’amorce de l’amorce d’une idée dans sa tête. Wild Bill Hodges fixa sa montre avec ostentation.

— Faut que je retourne à Lakka. Je ne veux pas laisser Yassira seule trop longtemps, dit-il. Avec ces enfoirés de Libanais…

Malko déposa l’irlandais au Mammy Yoko où il avait laissé sa Range et repartit aussitôt. Direction le village de l’OUA.

* * *

Cette fois, une blonde charnue tenait la caisse, vêtue d’une mini à damner tous les Libanais et d’un haut transparent. Le supermarché était vide. Malko se pencha vers elle :

— Wael est là ?

— Au fond. Vous venez livrer le container ?

— C’est ça, fit Malko.

Il traversa le magasin et frappa à la porte du petit bureau. Wael Afner, vêtu de la même combinaison, déplia sa grande taille, les yeux pétillants de joie. Un gros brun musculeux s’esquiva sans un mot.

— Mon opérateur radio, commenta l’Israélien. Un as. Il passe sa vie à écouter les Libanais. Il parle mieux l’arabe que l’hébreu… (Son sourire s’accentua.) J’ai appris par la rumeur publique que tout ne va pas au mieux pour vous. Je vous avais prévenu.

— Qui vous l’a dit ?

— La radio, dit Wael Afner. Les Libanais parlent beaucoup… Et notre ami Labaki n’agit pas seul.

— Vous avez appris autre chose ?

L’homme du Mossad grignota un morceau de saucisson kascher.

— Oui, vos deux types sont sur le point de partir. L’ordre est venu de Téhéran. Il s’est passé quelque chose dimanche qui conditionnait leur opération. Une action menée par un des hommes de Karim Labaki. Son nom de code est King Kong.

Cela pouvait s’appliquer à Eya Karemba…

— Vous n’avez pas plus de détails ? demanda Malko.

L’Israélien secoua la tête.

— Non, ces types ne sont pas des fous. Ils parlent par allusions. C’est plus difficile à déchiffrer qu’un code. Il n’y a pas de repères. Ils ont beaucoup bavardé avec un Iranien qui a comme code Alpha 4 HI à Beyrouth sud. Ils sont très excités à propos de cette opération. Ils disent que les USA vont pleurer des larmes de sang, qu’ils seront vengés de leurs affronts du golfe Persique. Bien sûr, il faut faire la part de la rhétorique, mais quand même, c’est inquiétant.

— Que dit-on chez vous ?

Wael Afner haussa les épaules.

— Pas vraiment concernés. Je fais cela pour vous rendre service. Mon job, ici, c’est de m’implanter et de contrer l’influence chiite. Pas de jouer aux petits soldats. Les tanks et les Uzi, j’en ai ma claque. Mais si vous ne vous activez pas, cela risque de vous péter à la gueule.

Le gros brun passa la tête par l’entrebâillement de la porte et lança une phrase en hébreu.

Wael Afner déplia sa haute taille et serra la main de Malko.

— Désolé, on a du boulot. Take care. Et si vous voulez de la bonne charcuterie non kascher, venez par ici.

Malko reprit la 505, perplexe. Qu’avait pu faire Eya Karemba le dimanche précédent ? Qui allait le renseigner ? Et surtout, comment arrêter la machine infernale ?

* * *

Jim Dexter faisait tourner un crayon pensivement entre ses doigts. La clim’ de nouveau en panne, il régnait une chaleur intenable dans son bureau.

— J’envoie un message urgent « eyes only » au DDO, dit-il. Avant de prendre des mesures drastiques de représailles sur ce territoire, je veux m’assurer que cela entre dans le cadre prévu par le « finding » du Président. Je vais aussi checker la crédibilité de votre informateur du Mossad. Nous avons eu parfois de mauvaises surprises avec eux…

Malko avait décidé de lui révéler sa source secrète. L’heure n’était plus aux cachotteries. Mais, comme toujours, la bureaucratie avait son mot à dire.

— Quand aurez-vous une réponse ? demanda l’Américain consulta sa montre.

— Si les télex passent bien, et si le DDO est là, on saura avant ce soir.

— Autre question, dit Malko. Est-il possible de savoir ce qu’a fait Eya Karemba, dimanche ?

Jim Dexter leva les yeux au ciel.

— À moins de le lui demander…

— Et Songu ?

— Il ne sait pas toujours ce que font ses hommes. Mais je peux essayer. Retrouvons-nous ici, tout à l’heure.

Malko replongea dans la fournaise, sans plaisir. Il avait trois heures à perdre dans cette ville puante et humide. Aussi décida-t-il de retourner au Mammy Yoko.

* * *

Un Libanais huileux comptait ostensiblement des liasses de leones en jetant des coups d’œil sournois à une serveuse sculpturale qui l’observait avec dignité. La liasse qu’il avait en main représentait six mois de son salaire. Malko n’arrivait pas à se détendre. Dans sa sacoche se trouvait le Colt 45, une balle dans le canon, sans même le cran de sûreté. Il s’était mis face à la porte donnant dans le lobby de l’hôtel… Trois ou quatre femmes en maillot s’ébattaient sur le ciment déguisé en gazon qui entourait la piscine.

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33

Vengez-vous.