Rugi se prêta d’abord à son caprice. Avec délices, il sentit sa bouche chaude se refermer sur lui, l’engloutissant d’un coup jusqu’à la luette. Mais elle se redressa aussitôt.
— Ce n’est pas bien de faire ça…
Ils se remirent à flirter. Malko fut obligé d’écarter les doigts qui l’agaçaient, car Rugi s’était mise en tête de le faire jouir…
— Partons, proposa-t-il. La lumière ne revient pas.
— Je voudrais encore danser, objecta Rugi. Nous avons toute la nuit.
La lumière et la musique revinrent d’un coup. Rugi avait l’air d’une folle, les yeux allumés, les lèvres gonflées. Malko se rajusta. Son regard balaya la piste et il aperçut deux hommes qui ne se trouvaient pas là avant la panne.
L’un était Eya Karemba, l’autre le policier en saharienne marron déjà repéré par Malko.
Rugi ne semblait pas avoir remarqué les deux policiers du CID. Replongée dans son rêve musical. Malko se pencha sur elle.
— Vous avez vu ces deux hommes. Là, au bord de la piste.
Elle tourna la tête dans la direction indiquée. Indifférente.
— Oui. Ce sont des gens du CID.
— Qu’est-ce qu’ils font là ?
— Ils viennent souvent le soir. Pour se faire offrir un verre ou draguer une fille. Venez danser.
Ils se retrouvèrent sur la piste. Malko ne quittait pas les deux hommes des yeux, tout son désir évanoui. Cette panne prolongée lui semblait brutalement suspecte. Les deux policiers avaient quitté le bord de la piste pour s’installer à une table. Rejoints par une des putes du Casino.
Rugi profita d’un slow tropical pour s’incruster de nouveau contre Malko, sans un mot. Son mont de Vénus pressait impérieusement son ventre en une invite muette. En quelques instants, il fut de nouveau en ébullition. Un peu plus tard, quand il l’entraîna vers la sortie, laissant un Cointreau à moitié plein, elle ne résista pas. Il se retourna.
Eya Karemba et son compagnon étaient demeurés à leur table.
À peine dans la 505, Rugi s’enroula autour de lui. Ses mains étaient partout, avec une douceur et une habileté diaboliques. Malko faillit en rater le pont sur la lagune. La jeune Africaine l’avait pratiquement déshabillé lorsqu’ils tournèrent autour du grand Cotton-tree pour enfiler Kissy Road aux boutiques closes.
— Tu continues tout droit jusqu’à la station Esso, dit-elle.
Ils étaient presque sortis de la ville, suivant une courte autoroute allant vers le sud-est, le long de la Sierra Leone. Un kilomètre plus loin, Malko aperçut la station Esso et ralentit.
— À droite.
Il s’engagea dans un chemin défoncé, bordé de modestes bungalows au toit de tôle. Rugi le fit se garer en face d’un jardinet. Un veilleur de nuit somnolait, assis par terre, un énorme gourdin sur les genoux. Ils pénétrèrent dans la maison et allèrent directement dans la chambre où un grand lit à même le sol tenait presque toute la place. Rugi enfonça une cassette dans une chaîne hi-fi Akaï et la musique de Toure Kunda s’éleva dans la pièce.
D’un même élan, elle ôta son pull, son pantalon et ses chaussures, ne gardant qu’un triangle de nylon. Face à Malko, elle commença à onduler dans une danse furieusement sensuelle.
— Déshabille-toi, dit-elle.
À peine fut-il nu qu’elle se frotta contre l’érection de Malko.
Il n’attendit pas la fin du disque, la repoussant sur le lit où elle tomba les jambes en équerre, dressées vers le plafond. Il s’enfonça dans un vrai pot de miel, d’un seul coup. Rugi se cambra en arc-de-cercle sous lui et jouit avec un long feulement qui se transforma en une sorte de toux. Puis elle retomba, avec un sourire ravi.
— Ah, ce que j’avais envie de toi ! soupira-t-elle.
— Je croyais que les Africaines préféraient les Noirs, remarqua-t-il.
Elle l’embrassa.
— Ils n’ont pas des yeux comme les tiens. Quand je les ai vus, je ne pouvais pas cesser de les fixer. J’étais fascinée. Je m’étais juré de t’avoir dans mon ventre.
Tout en parlant, elle le caressait doucement. Malko oublia provisoirement ses soucis. Il avait l’impression d’être au fond de l’Afrique avec une créature primitive… Rugi ne quittait pas son sexe des yeux, comme si elle guettait ses progrès. Bientôt, il eut retrouvé toute sa raideur. Elle s’agenouilla. Malko s’attendait à ce qu’elle le prenne dans sa bouche, mais elle étendit le bras, vers une étagère au-dessus de son lit et ramena un objet oblong et noir.
Un superbe olisbos en ébène, poli par l’usage. Les yeux de Rugi étincelaient…
— Tu ne m’en veux pas ? demanda-t-elle. Je l’aime, c’est mon amant le plus fidèle… Je voudrais que tu te caresses.
Elle-même noua les doigts de Malko autour de la colonne de chair. Puis, le regard fixe, elle enfonça avec lenteur l’énorme olisbos entre ses cuisses jusqu’à ce que seuls les testicules d’ébène émergent de son ventre. C’était hallucinant, elle semblait possédée, le regard flou, pourtant fixé sur Malko… Elle entreprit d’entrer et de sortir l’engin de son corps, avec douceur, de toute la longueur, dans un mouvement tournant qui frottait contre son clitoris.
C’était fascinant de voir ces vingt-cinq centimètres d’ébène disparaître dans le ventre de Rugi. Celle-ci arborait une sorte de grimace mécanique, crispée de plaisir et de douleur à la fois.
— Caresse-toi et regarde-moi ! ordonna-t-elle.
À la fois un ordre et une supplication. L’érotisme de son attitude poussait Malko à se dépasser. Rugi haletait. Ses gestes devenaient fébriles, l’olisbos entrait et sortait de son sexe comme un piston de locomotive. Malko put presque deviner à la seconde près quand elle allait jouir, à la dilatation de ses pupilles. Rugi poussa un feulement rauque, sa main resta crispée sur l’olisbos, le ventre secoué de frémissements. Au moment précis où la semence de Malko jaillissait.
Un voile passa sur ses yeux, elle se laissa glisser en arrière, comme morte, l’engin toujours enfoncé dans son ventre. Les pointes des seins tendues. Ce n’est que plusieurs minutes plus tard qu’elle se redressa, comme si elle émergeait d’un coma…
Lentement, elle arracha l’olisbos brillant de son ventre et le remit en place.
— Dans ma « Bondo Society[37] », dit-elle, il nous arrive de nous réunir et de nous faire jouir ainsi. C’est moi qui donne le signal. L’onde mentale est si forte que j’arrive à les faire jouir en même temps que moi…
Malko s’était remis à penser au lendemain. Vingt-quatre heures pour tout organiser. À condition que Bambé tienne sa promesse. Avec les Africains, on ne pouvait jamais prévoir. Ils avaient tous une double personnalité : un vernis civilisé et, profondément, les habitudes ancestrales où le temps ne comptait pas…
— Tu viendras demain avec moi chez Bambé ? demanda-t-il.
Rugi secoua la tête.
— Ce n’est pas utile. Elle t’obéira. Je lui ai donné des ordres.
— Des ordres ?
— Oui, elle fait partie de la même « Bondo Society » que moi, elle doit m’obéir. Sans cela, jamais elle n’aurait accepté de t’aider…
Malko allait la remercier lorsqu’il entendit une voiture s’arrêter devant la porte. Rugi écoutait aussi.
— Tu attends quelqu’un ? demanda Malko.
— Non, fit-elle. Ce n’est pas un voleur, en tout cas, ils n’ont pas de voiture. De toute façon, il y a le garde avec un bâton…
Un coup de feu l’interrompit. Elle se dressa avec un cri de terreur.
Malko, nu, bondissait déjà sur sa sacoche, en arrachant le Colt. Il y eut un bruit violent de bois brisé. On venait d’enfoncer la porte.
— Ne bouge pas, cria-t-il, repoussant Rugi dans un coin de la chambre.