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Bambé contemplait la scène, médusée, de la terreur plein les yeux. Elle attrapa Malko par la manche.

— Vous n’allez pas lui faire de mal…

— Non, fit Bill Hodges, on veut juste bavarder avec lui…

— Au secours ! glapit Hussein Forugi. Au secours !

Cette fois, la manchette lui fendit la lèvre supérieure et il recula, les deux mains protégeant son visage.

Il ouvrait la bouche pour hurler encore, lorsque Bill Hodges se baissa d’un geste très naturel. Quand il se redressa, la lame brillante du poignard pris dans sa botte accrocha la lumière de la lampe à pétrole. La pointe appuyait déjà sur la pomme d’Adam de Forugi.

— Tu viens avec nous, ordonna l’irlandais. Tu ne dis plus rien et tout se passera très bien…

L’Iranien, dont le sang coulait sur le menton, cessa toute résistance. Il avait participé à assez d’horreurs pour sentir qu’un homme comme l’irlandais pouvait lui ouvrir la gorge sans la moindre émotion. Bill Hodges le tâta rapidement sans trouver aucune arme. Puis, il le poussa à l’extérieur.

Malko s’interposa :

— Vous êtes venu à pied ?

— Non.

— Où est votre voiture ?

— Loin.

— Votre chauffeur sait où vous allez ?

— Non, avoua faiblement l’Iranien.

Malko laissa Bill l’entraîner.

Bambé s’accrocha à lui.

— Et moi ?

— Vous venez avec nous, dit-il.

Docilement, Bambé éteignit la lumière et les suivit. Ils contournèrent la maison pour gagner, par les terrains vagues longeant le mur, l’impasse où se trouvait la Range-Rover de l’Irlandais. Celui-ci fit monter Forugi à l’arrière avec lui et confia le volant à Malko.

Bambé se blottit contre lui, absolument terrifiée.

— Qu’est-ce que vous allez faire ?

— Ne craignez rien, dit Malko. Avec nous, vous êtes en sûreté.

Tandis qu’ils cahotaient dans les rues défoncées de Murray Town, Hussein Forugi se pencha vers Malko. Il avait repris un peu de dignité.

— C’est un kidnapping ! lança-t-il. Je suis diplomate. Vous allez déclencher un incident très grave entre la République Islamique d’Iran et la Sierra Leone. Ah…

Il se tut. Bill Hodges venait de lui expédier une manchette dans la gorge.

— Tu parleras quand on te le dira, fit l’irlandais.

Malko avait quand même l’estomac serré il venait de se lancer dans une opération totalement illégale. À ce stade, même la Company ne pourrait pas le protéger.

Pendant tout le trajet, Bill Hodges fredonna des ballades irlandaises d’une voix de fausset. Hussein Forugi demeurait silencieux, ainsi que Bambé blottie à côté de Malko.

Les cahots les jetaient sans cesse les uns sur les autres et Malko dut ralentir. À cause de la présence du chauffeur d’Hussein Forugi, les Iraniens risquaient de s’apercevoir rapidement de la disparition du directeur de leur centre culturel. Cela leur donnait un sursis d’une heure ou deux. D’ici là, il fallait que tout soit réglé. Sinon, les ennuis sérieux commenceraient…

* * *

Hussein Forugi contempla l’ameublement luxueux du living-room de l’Irlandais, les yeux ronds. Ils avaient garé la Range Rover devant la maison et congédié le chauffeur. Yassira était consignée dans sa chambre. Bambé, pelotonnée dans un canapé, fixait la scène de ses grands yeux marron.

Bill Hodges alla au bar et se versa un grand verre de J & B. Il régnait un silence pesant dans la pièce. Forugi passa une langue pointue sur ses lèvres sèches… À peine entré dans la maison, l’irlandais lui avait lié les poignets avec une cordelette dont il tenait l’extrémité comme une longe. Hussein Forugi, avec son visage blafard et ses yeux de fouine, ne payait pas de mine.

Malko s’approcha de lui :

— Mister Forugi, nous savons qui vous êtes et ce que vous faites.

— Je suis diplomate.

— Non, dit Malko, vous faites partie des services spéciaux iraniens et vous obéissez directement à l’imam Khomeiny. Avant d’être en Sierra Leone, vous avez tenu un poste de tortionnaire à la prison d’Evin, et encore avant, vous étiez informateur pour la Savak dans le quartier de Chemiran, à Téhéran. Voulez-vous d’autres détails ? Comment vous avez fait exécuter toute la famille Lak grâce à une fausse dénonciation ? Comment vous avez crevé les yeux d’un ancien officier de la Garde Impériale…

Forugi s’était recroquevillé. Sa pomme d’Adam jouait au ludion et il était encore plus livide que d’habitude.

— C’est… c’est faux… balbutia-t-il. Qui êtes-vous ?

— Vous le savez aussi, dit Malko, vous avez essayé de me faire assassiner par un des hommes de main de Karim Labaki.

Bill Hodges, qui était demeuré silencieux, posa brusquement son verre sur le bar et se rua en avant comme un taureau. Les taches rouges avaient envahi tout son visage. Ses doigts se refermèrent sur la gorge de l’iranien et il se mit à lui cogner la tête contre le mur.

— Salaud ! C’est toi qui as fait tuer Seti.

Hussein Forugi hurlait, se débattait et finalement tomba à terre. Malko intervint.

— Bill, laissez-le pour l’instant. Mister Forugi je veux savoir qui sont les deux Chiites libanais que vous aviez cachés dans votre résidence de Hillcot Road et qui se trouvent maintenant chez votre ami, Karim Labaki. Et ce qu’ils s’apprêtent à faire.

Les yeux d’Hussein Forugi se rétrécirent. Visiblement, il ne s’attendait pas à autant de précisions… Il secoua la tête en balbutiant.

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, je ne connais pas ces hommes. Je n’ai jamais hébergé personne à la Résidence. Je vous donne ma parole.

Malko se tourna vers Bambé.

— Bambé, vous m’avez bien dit que deux inconnus avaient séjourné en secret à la Résidence ?

Morte de peur, la Noire n’arriva pas à répondre. Son silence déclencha néanmoins l’hystérie de Hussein Forugi.

— Elle a menti ! hurla-t-il, c’est une chienne impure, une athée, un animal…

Il continua en persan, la couvrant d’injures ordurières… Les yeux hors de la tête. Malko le laissa se défouler. Bill Hodges fixait l’Iranien, brusquement calmé. Il dit :

— Nous n’avons pas beaucoup de temps. Laissez-moi faire.

Malko répugnait à laisser le mercenaire prendre le relais. Mais d’un autre côté, il fallait se salir les mains. Il revit Seti agonisante et le cadavre mutilé d’Eddie Connolly, pensa au massacre d’Abidjan. Sans parler de ce que pouvaient déclencher les deux terroristes chiites.

— Mister Forugi, dit-il, je vous conseille de parler.

— Porc ! Vous n’êtes qu’un porc infidèle ! hurla l’Iranien. Allah vous écrasera, vous et vos alliés. Et bientôt, vous pleurerez d’humiliation, vous pleurerez vos morts…

Il se tut brutalement, continuant à marmonner des mots sans suite, encore plus pâle, conscient d’en avoir trop dit… Malko échangea un regard éloquent avec Bill Hodges… L’irlandais eut un sourire pas vraiment rassurant.

— Laissez-le-moi. Dans cinq minutes, il dira tout ce qu’il sait… Et je ne vais pas faire vraiment de dégâts.

Déjà, il entraînait l’iranien, le tirant par la corde reliée à ses poignets… Forugi essaya de s’accrocher aux meubles, renversa le gros lion en ébène, hurla, déchira un rideau et finit par se faire traîner par terre. Bambé eut un rire nerveux. Pour elle, c’était du plus haut comique… Malko intervint.

— Je viens avec vous.

— Ne craignez rien, lança le mercenaire. Je vais juste l’amollir un peu. C’est comme la viande, il faut un attendrisseur…