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Bill Hodges attrapa ses pieds et recommença à les amener vers lui.

— On repart pour un tour, fit-il jovialement.

— Arrêtez ! cria Malko.

Trop tard, l’irlandais lâcha brutalement la corde et de nouveau Hussein Forugi racla le tronc du fromager à l’aller et au retour, dans un concert de cris et de supplications abominables.

— Lâchez-le tout de suite ! ordonna Malko.

Bill Hodges s’exécuta et l’iranien tomba lourdement. Il roula sur lui-même pour se mettre à plat ventre. Son dos n’était plus qu’une plaie. Certaines des pointes du fromager étaient restées plantées dedans. Malko était révolté, mais l’Irlandais semblait parfaitement à son aise…

— C’est ce qu’ils font ici pour faire avouer les voleurs, expliqua-t-il. Une méthode saine et naturelle qui laisse des cicatrices. Comme ça, on les reconnaît par la suite.

Malko s’accroupit à côté d’Hussein Forugi qui gémissait.

— Qui sont les deux hommes ? demanda-t-il.

Apparemment, l’Iranien avait été convenablement « amolli ». Il murmura d’une voix mourante.

— Nabil Moussaoui et Mansour Kadar. Des Chiites de Beyrouth Sud.

— Pourquoi sont-ils ici ?

— Pour une mission.

— Laquelle ?

— Ils doivent s’emparer d’un avion et le détourner sur Beyrouth.

— Ici ?

— Non.

— Où ?

— À Abidjan.

— Quel avion ?

Silence, l’Irlandais qui écoutait la conversation tira un peu sur la corde.

— Laissez-moi remonter ce salaud.

Hussein Forugi poussa un gémissement.

— Non ! Non ! C’est le vol du samedi soir pour Paris.

C’est-à-dire quarante-huit heures plus tard.

— Pourquoi ce vol-là ?

— Parce qu’il y aura beaucoup d’Américains à bord…

— Comment le savez-vous ?

— Nos informateurs.

— Comment vos deux hommes vont-ils monter à bord avec des armes ?

Hussein Forugi se tut. Cette fois, même les menaces de Bill Hodges ne lui firent pas desserrer les lèvres.

Malko dit d’une voix glaciale.

— Rependez-le. Nous devons savoir.

En dépit de ses hurlements, Hussein Forugi fut suspendu de nouveau. Au moment où l’irlandais le prenait par les pieds pour recommencer son sinistre jeu de balançoire, un Noir arriva, courant comme un fou, les yeux hors de la tête.

— Boss ! Boss ! Il y a des Blancs dans le village qui ont demandé où se trouvait notre maison. On les a envoyés à la maison du Cap Hamilton, mais ils vont revenir…

— Shit ! Les Palestoches ! fit Bill Hodges.

Du coup, il avait lâché l’Iranien qui se racla une fois de plus le dos contre le fromager… Malko réalisa qu’il était trop risqué d’essayer d’en savoir plus. Il ignorait à combien d’hommes il allait avoir affaire. Avant tout, il fallait prévenir la CIA. Alerter Abidjan.

— Partons, dit-il, nous en savons assez.

Sans se préoccuper d’Hussein Forugi allongé à terre, ils coururent vers la maison. Bambé qui dormait sur un canapé se réveilla en sursaut. Bill Hodges rafla deux riot-guns, une carabine au râtelier d’armes et une besace de cartouches. Puis il se précipita vers le couloir.

— Yassira !

La Libanaise apparut en robe d’hôtesse, hiératique, un sourire un peu crispé sur son visage sensuel.

— On s’en va ! annonça Bill Hodges.

— Où ?

— Tu verras bien !

Bambé tremblait de tous ses membres. Elle s’accrocha à Malko.

— Ne me laissez pas !

Il l’entraîna vers la Range Rover. Après y avoir déposé les armes, il attendit impatiemment. Que faisait Bill ? Les minutes s’écoulaient. Il guettait anxieusement le sentier menant à la piste pour Freetown, seule voie d’accès à la maison de l’Irlandais. Intrigué par son absence prolongée, il retourna à la maison. Pour se heurter à une Yassira en larmes, les vêtements déchirés, les cheveux défaits, poussée par l’Irlandais, les taches de son visage plus rouges que jamais.

— Cette salope était en train de filer par la plage ! fit-il sobrement. Elle aime pas les voyages…

La Libanaise s’accrocha à Malko.

— Je vous en prie, laissez-moi ici, je ne veux pas partir avec lui, il est fou… Je veux retrouver mon mari. Il m’a enlevée.

Une énorme gifle la fit taire. Bill Hodges manquait décidément de galanterie. Il jeta Yassira à l’intérieur de la Range Rover comme un paquet, sous l’œil réprobateur de Malko.

— Pourquoi ne la laissez-vous pas partir ?

L’Irlandais éclata d’un rire joyeux en démarrant.

— Je vais la revendre, cette salope ! Il y a bien un Libanais qui me la reprendra.

Bambé lui glissa un coup d’œil admiratif. Enfin un Blanc qui savait parler aux femmes. En Afrique, il était courant de voir une femme se faire traîner par les cheveux en public par son mari ou son amant.

Malko sursauta :

— Bill, regardez !

Deux phares venaient droit sur eux. Un véhicule approchait à toute vitesse sur le sentier, seul itinéraire de fuite. De l’autre côté, c’était la plage…

* * *

— Bloody shit !

Bill Hodges partit en marche arrière, arrachant la moitié de la clôture qui séparait le sentier de la plage, passa en première et accéléra.

— On va voir si c’est vraiment une tout-terrain ! fit-il. Accrochez-vous.

Malko se retourna. Le véhicule de leurs poursuivants n’était plus loin. Soudain, la Range Rover parut s’enfoncer dans le sable et ralentit brutalement.

Les mâchoires serrées, ses tatouages déformés par les muscles noués par l’effort, Bill Hodges fit rugir le moteur, jouant avec son crabot et ses vitesses.

— Saint-Patrick. Putain de bordel de Dieu ! gronda-t-il. Ne me laissez pas tomber.

Avec une lenteur exaspérante, la Range commença à glisser de côté, reprenant un peu de vitesse. Gagnant mètre par mètre. Mais cela ne suffisait pas. L’autre voiture n’était plus qu’à trente mètres.

Bill lança un des shot-guns à Malko.

— Retardez-les !

Malko prit l’arme, sauta à terre en faisant monter une cartouche dans la chambre. Il était temps. Une autre Range blanche les rattrapait. À son premier coup de feu, elle s’arrêta. Deux hommes bondirent à terre, lâchèrent plusieurs rafales, se dissimulant ensuite derrière les buissons. Malko vida les huit cartouches au jugé sans trop d’illusions. À cette distance la décharge d’un riot-gun pouvait tout juste briser le pare-brise.

La Range Rover rouge avait parcouru vingt mètres. Il la rejoignit en courant.

— Bravo, fit Bill Hodges.

Les roues avant mordirent dans un sol plus ferme et il tourna à droite, s’enfonçant dans un petit bois clairsemé, zigzaguant entre des troncs énormes.

— On est tiré d’affaire ! exulta Bill Hodges.

Il prit de la vitesse et les phares de l’autre Range disparurent derrière le rideau d’arbres.

Malko commençait à se détendre lorsque l’avant de la Range plongea brutalement dans un énorme éclaboussement. Bill Hodges jura, donna un violent coup de volant, mais ne put éviter la fondrière dissimulée par des feuilles de bananier pourries. Avec un « floc » sourd, la Range s’enfonça jusqu’aux moyeux et s’immobilisa, moteur calé.

— Son of a bitch ! hurla Bill Hodges.

Il sauta à terre, inspectant les dégâts, aussitôt rejoint par Malko.

— On peut s’en sortir avec le treuil, fit l’Irlandais, mais ça va faire du bruit et attirer les autres.