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Il l’emmena dans le living et Malko commença son récit. L’Américain se mit à prendre fébrilement des notes.

— Où sont ces deux Chiites ? demanda-t-il.

— Chez Karim Labaki, je pense.

— Vous n’avez toujours pas leur signalement ou le numéro de leurs passeports ?

— Non. L’un d’eux est l’homme de la photo, Nabil Moussaoui.

— Je vais transmettre toutes ces informations à Abidjan en priorité et à toutes les Stations. Mais il faudrait neutraliser ces terroristes avant leur départ.

— Cela va être difficile, dit Malko. Surtout si les Sierra Leonais s’en mêlent.

— On a perquisitionné dans votre chambre au Mammy Yoko, annonça l’Américain. Sheka Songu a refusé de me prendre au téléphone. C’est mauvais signe. Et puis la mort d’Hussein Forugi n’a rien arrangé.

Malko sursauta.

— Il est mort ! Qui l’a tué ?

Le chef de Station lui jeta un regard surpris.

— Apparemment Wild Bill. Je vous ai dit qu’il était difficile à contrôler.

— C’est un mensonge ! corrigea Malko, il était vivant quand nous avons quitté Lakka. Un peu abîmé, mais en parfaite santé. Ce sont les autres qui l’ont assassiné pour nous faire porter le chapeau…

L’Américain alluma une cigarette. Nerveux.

— Je vous crois et je le mettrai dans mon rapport. Mais c’est vous qui l’avez enlevé et vis-à-vis des Sierra Leonais, c’est vous qui l’avez tué. Maintenant, quel est votre plan ?

— Avant tout, il me faut une voiture. La Range rouge de Bill est trop repérable. Ensuite, je vais réfléchir à une façon astucieuse d’attaquer Labaki.

— Retrouvons-nous demain matin à dix heures au City Hotel, dans le centre, proposa Jim Dexter. Il n’y a jamais personne. À pied, vous risquez moins de vous faire repérer si vous ne venez pas rôder près de l’ambassade. Je vous apporterai une voiture et de l’argent. Comment allez-vous repartir maintenant ?

— Bonne question ! fit Malko. Je pensais filer par l’arrière de votre jardin.

La sentinelle devait être revenue à son poste.

— Je vous raccompagne, proposa l’Américain. Le soldat pensera que vous êtes un invité. Il ne vous a pas vu entrer…

* * *

La sentinelle avait effectivement repris sa faction.

Jim Dexter baissa sa glace et lui lança :

— Ça va chef ?

— Ça va ! fit le Noir.

Sans même jeter un coup d’œil à Malko. On lui avait demandé d’intercepter les gens qui entraient, pas ceux qui sortaient.

L’Américain lui glissa un billet de 20 leones dans la main.

— Bonne nuit.

Où était Bambé ? Ils descendirent le sentier menant à la route de Signal Hill et, cent mètres plus loin, l’aperçurent s’éloignant à pied. Jim Dexter stoppa juste le temps de la récupérer.

— Ça va bien ? demanda la jeune femme.

— Parfait, dit Malko. Tu as été formidable.

Cinq minutes plus tard, Jim Dexter les déposa à Pademba Road, repartant aussitôt. Bambé semblait ravie de s’être sacrifiée.

— Qu’est-ce que tu as dit au soldat pour qu’il ne se méfie pas ? demanda Malko.

— Que j’étais chez un Blanc. Alors il a voulu me faire fucky-fucky…

Ses yeux pétillaient d’une joie innocente… Elle se hâta de compléter :

— Il avait trop envie, et je me suis amusée avec son pricky, c’est tout. Mais il était content quand même…

Ravissante petite garce… Elle monta devant Malko les marches de bois de la vieille maison et s’arrêta soudain, un doigt sur les lèvres le pouls à 150, Malko sortit son Colt et avança à son tour. Deux silhouettes barraient le palier. Il entendit des souffles courts, des halètements, comme des gens qui se battent. Ses yeux s’habituèrent à la pénombre et il découvrit ce qui se passait. L’ampoule rouge du plafond éclairait un homme et une femme. Étroitement enlacés.

La femme était Yassira. Appuyée à la rampe branlante, une jambe posée sur une chaise, elle subissait l’assaut de Kofi le Ghanéen. Régulier comme un métronome, il entrait et sortait de son ventre, la tenant aux hanches. Malko devina dans la lumière rougeâtre ses dimensions exceptionnelles et comprit instantanément l’attrait qu’il exerçait sur ses sept épouses. La Libanaise semblait aux anges, la tête rejetée en arrière, la bouche ouverte, retroussée jusqu’aux hanches.

Kofi tourna la tête, aperçut Malko et lui adressa un sourire angélique et plein de douceur. Sans cesser de besogner sa partenaire…

Malko et Bambé se glissèrent derrière eux. Yassira ne sembla même pas s’apercevoir de leur présence… Bambé pouffait encore quand ils atteignirent leur dortoir. Un ronflement sonore les accueillit. L’ampoule rouge éclairait une bouteille de J & B vide, à côté de l’Irlandais étendu sur le dos comme un cadavre. Pourvu qu’il ne se réveille pas… Malko regagna son lit de camp et s’allongea.

Quelle soirée…

Quelques minutes plus tard, il entendit des gémissements étouffés venant du palier. Puis le silence retomba et Yassira se glissa dans la pièce pour s’allonger sagement, non loin de son amant officiel… Malko allait s’endormir quand Bambé se coula contre lui. Elle avait ôté son gara et sa peau était brûlante.

Sans un mot, elle commença à frotter doucement contre lui son corps inouï de fermeté. Malko caressa la courbure de sa croupe et elle se cambra aussitôt, comme une chatte. En atteignant son ventre, il découvrit que les ébats de Kofi et de Yassira ne l’avaient pas laissée indifférente. Sa respiration était saccadée et son bassin agité de petites secousses. Ses jambes s’écartèrent lentement et elle attira Malko sur elle, poussa un petit cri lorsqu’il la pénétra d’une poussée grandement facilitée par son état. Puis, s’accrochant des deux mains aux montants métalliques du lit, elle se mit à onduler sous lui, frottant ce qui restait de son clitoris partiellement amputé lors de son initiation de sa Bondo Society.

Jusqu’à ce qu’un spasme violent la secoue. Ses jambes se refermèrent dans le dos de Malko et elle l’attira encore plus, écrasant sa poitrine ferme sur Malko eut la sensation de transpercer Bambé jusqu’au cœur lorsqu’il la cloua d’un ultime coup de rein, en se déversant en elle…

C’est en redescendant sur terre que Malko aperçut Yassira qui les regardait fixement, une main enfouie entre ses jambes.

Bambé regagna son lit. La récréation était finie. Malko demeura dans le noir, le cœur battant la chamade, ivre de chaleur, le cerveau en ébullition. Les prochaines heures allaient être décisives. Les informations qu’il avait pu transmettre à la CIA étaient certes de première importance. Seulement, sa mission ne serait réussie que s’il interceptait les deux terroristes chiites… Et ça n’allait pas être une promenade de santé.

* * *

À chaque seconde, Malko s’attendait à voir surgir un policier. Dieu merci, dans le centre de Freetown, les Libanais pullulaient et il passait inaperçu… Par prudence, il avait laissé Bill Hodges et les deux femmes chez Kofi.

La sacoche contenant le Colt 45 à l’épaule, Malko s’arrêta au coin de Wilberforce Street et de Johnny Street, sous l’enseigne de la Société Commerciale de l’Ouest Africain, (SCOA), le plus ancien comptoir de cette compagnie en Afrique. Il examina les alentours. Aucun barrage de police, aucune activité inhabituelle. En face de lui se dressait un gros bâtiment blanc de deux étages entouré d’un jardin en friche où s’étalait un éventaire de bibelots africains. La peinture s’écaillait et les tôles ondulées du toit étaient rougies par la rouille. Tout ce qui restait du City Hotel, jadis le plus élégant de Freetown.