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— Je vais lui casser toutes les dents.

Kofi surgit soudain et s’interposa. De sa voix douce, il s’adressa à l’Irlandais.

— Votre amie désire rester ici… Il vaut mieux l’y laisser. Il ne faut jamais forcer les gens à faire ce qu’ils ne veulent pas.

Malko crut un moment que l’Irlandais allait lui faire sauter la tête. Mais Bill Hodges se calma d’un coup. Frottant furieusement ses tatouages comme pour les faire disparaître, il grommela :

— Si cette morue veut rester, après tout, qu’elle crève ! On aurait pu s’en servir comme bouclier. Bon, on y va…

Malko échangea un regard avec Kofi. Le Noir était impassible, arborant un léger sourire. Si Malko n’avait pas assisté à la scène de la nuit, il aurait pu croire à la fable du Bon Samaritain… Ils traversèrent la cour. Yassira et le Ghanéen les regardaient partir. Celui-ci semblait comblé : il venait de conquérir sa huitième épouse…

Wild Bill monta dans ce qui avait été une Volvo jaune qui semblait ne plus tenir que par la peinture… Le hayon arrière restait fermé grâce à des fils de fer et les pneus avant étaient aussi lisses que la joue d’un bébé. L’Irlandais prit le volant recouvert de fourrure synthétique, après avoir jeté à l’arrière un sac contenant les armes.

Dès que le moteur tourna, le malheureux véhicule se mit à trembler comme un paludéen tandis qu’un épais panache de fumée noire s’échappait de l’arrière. Le diesel faisait le bruit d’une vieille machine à coudre.

— J’ai pas eu le temps de choisir, s’excusa l’irlandais.

Avec ça, ils ne risquaient pas de passer inaperçus. Au moment d’y prendre place, Malko se tourna vers Bambé.

— C’est trop dangereux. Tu vas rester ici ? La Noire secoua la tête.

— Non, je vais avec toi…

D’un bond elle prit place à l’arrière et se recroquevilla sur la banquette. Malko ne pouvait quand même pas la jeter dehors de force. Il monta à son tour et Bill Hodges passa la première.

— Maintenant qu’on a une voiture on va aller jusqu’à Station Hill, proposa-t-il et on terminera à pied. Jamais les gardes palestiniens ne laisseront approcher ce débris. Il faudra passer par-dessus le mur qui clôture le parc en contrebas de la piscine. C’est un peu acrobatique, mais c’est l’endroit le moins gardé.

Malko ne répondit pas ils se lançaient dans une folle entreprise. Karim Labaki disposait de gardes du corps et avait la possibilité d’appeler la police. Même s’ils réussissaient leur mission et s’emparaient d’une des Mercedes de Labaki, leur sort ne serait guère enviable. Malko, en dépit des risques, s’était rallié à l’idée de ne pas quitter Freetown sans tout avoir tenté pour neutraliser les deux terroristes. Bill Hodges devait ruminer les mêmes sombres pensées car il ne desserrait plus les lèvres. La Volvo les amena cahin-caha jusqu’à l’unique feu de la ville, en face du building « chinois ». Ils stoppèrent au rouge à côté d’une superbe Mercedes grenat aux vitres teintées, avec une plaque SLO[41], conduite par un chauffeur en livrée…

— Tiens, c’est la voiture du vice-Premier ministre, remarqua l’Irlandais.

Malko revit soudain le chauffeur qui avait proposé la Mercedes de son patron ministre, comme poda-poda, devant l’ambassade US. C’était peut-être la solution à un de leurs problèmes.

— S’il est tout seul, on ne pourrait pas backchicher le chauffeur pour qu’il nous emmène chez Labaki ?

Bill Hodges poussa un bramement de joie.

— Holy Virgin ! Foutue bonne idée !

Il sauta à terre et se planta devant le capot de la Mercedes grenat.

Le feu passant au vert, les voitures suivantes se mirent à klaxonner, et le chauffeur du vice-Premier ministre dut se ranger sur le côté. L’irlandais se pencha à sa glace ouverte, vérifia que le véhicule était vide et engagea aussitôt les négociations, observé anxieusement par Malko. D’abord, le chauffeur secoua négativement la tête… La vue du premier billet de 20 leones ralentit son mouvement. Au cinquième, il souriait. Dès qu’il eut la liasse en main, il descendit lui-même pour ouvrir la portière… L’Irlandais courut jusqu’à Malko.

— Il est pressé, il va chercher son patron qui se trouve chez le Président à Spur Road. Heureusement, c’est dans sa direction. Montons. Il va nous déposer.

Malko rafla le sac d’armes et prit place à l’arrière avec Bambé, tandis que l’Irlandais montait devant. La Mercedes grenat redémarra. Aussitôt son chauffeur brancha son gyrophare, prenant Hilicot Road d’assaut, doublant toutes les voitures et chassant les piétons dans le fossé… Visiblement, il voulait leur en donner pour leur argent…

À l’embranchement de King Harman Road et de Mereweather, ils aperçurent des soldats et deux jeeps formant une chicane, barrant la route.

— Shit ! Un barrage, s’exclama l’irlandais.

Malko sentit son estomac se contracter. Contre des soldats armés de fusils d’assaut, ils n’avaient aucune chance…

Son angoisse ne dura pas longtemps. Le chauffeur du vice-Premier ministre avait enclenché sa sirène et fonçait. Les soldats s’écartèrent respectueusement et les plus abrutis allèrent jusqu’à saluer… Malko retomba sur ses coussins. Si la situation n’avait pas été aussi tendue, il serait mort de rire…

Mais les choses ne seraient pas toujours aussi simples. Les Africains étaient très respectueux du pouvoir, mais avec des Libanais et des Palestiniens ce n’était pas la même chose… En haut de Spur Road, la Mercedes tourna dans le chemin plein d’ornières menant à la villa de Karim Labaki. Le chauffeur sifflotait, inconscient de la tension qui régnait dans le véhicule… Pour lui, conduire des Blancs chez le richissime Libanais, c’était parfaitement dans l’ordre des choses…

Ils abordèrent la descente menant au portail. Le chemin se terminait en impasse, au bord de la falaise. Seuls ceux qui se rendaient chez Karim Labaki l’empruntaient. Malko aperçut les grands murs verts entourant la propriété. Le bruit caractéristique d’un hélicoptère lui fit lever la tête. Rien en vue. La Mercedes avait atteint la grande grille de la résidence de Karim Labaki.

De l’autre côté, Malko vit l’hélicoptère vert polonais dont les rotors tournaient déjà, juste en face de la maison, entouré de plusieurs hommes armés…

Le chauffeur, immobilisé devant la grille, donna un puissant coup de sirène, surmontant le grondement de l’hélicoptère. Les gardes palestiniens regardèrent la voiture, puis se concertèrent, indécis… Les secondes s’écoulaient, interminables. Ils étaient assourdis par le bruit des rotors… Si les Palestiniens posaient la moindre question, ils étaient cuits… Discrètement, Bill Hodges avait posé sur le plancher de la voiture un riot-gun chargé…

Le chauffeur donna un second coup de sirène. Impérieux. Malko vit un des Palestiniens faire un geste en direction de ses compagnons. Malko les examinait avec soin ; aucun ne ressemblait à Nabil Moussaoui.

Deux d’entre eux, Kalachnikov à l’épaule, coururent à la grille et commencèrent à l’ouvrir sous l’œil courroucé du chauffeur qui prenait son rôle très au sérieux. La plaque officielle les rassurait. Pourtant l’un d’eux s’approcha pour parler au chauffeur. Il n’en eut pas le temps… Ce dernier avait déjà appuyé sur l’accélérateur et fonçait vers l’auvent protégeant l’entrée de la résidence.

Sans se formaliser, le Palestinien referma la grille. La voiture grenat venait de temps à autre et les vitres noires l’avaient empêché de distinguer ses occupants…

— Ça va, patron ? demanda le chauffeur hilare, en se retournant.

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Sierre Leone Official.