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— Allez-y, dit Malko, sans le quitter du canon de son arme.

Le Libanais prit une clef sur son bureau et marcha vers une des boiseries. Il écarta le panneau, découvrant un gigantesque coffre-fort. Il l’ouvrit légèrement, interdisant de voir à l’intérieur. Puis, d’une voix très calme, il annonça :

— J’ai ici plus de deux millions de dollars. Et des diamants qui en valent trois fois autant. Prenez-les et partez.

Au même moment, des coups violents furent frappés à la porte et une voix cria :

— Mister Labaki, on a prévenu le CID ! Ils arrivent.

Le Libanais eut un éclair de joie dans le regard, mais ce fut sa seule réaction. Indécis, Bill Hodges ne bougeait plus. Malko sentit que la situation allait lui échapper. Il n’était pas venu faire un hold-up, mais récupérer des terroristes. Il sentait que le Libanais reprenait du poil de la bête et gagnait du temps. Dans une demi-heure au plus, la résidence serait cernée et Malko se trouverait dans une situation impossible.

Karim Labaki insista d’une voix volontairement douce :

— Prenez ces dollars et fichez le camp. Je vous accompagne dehors. C’est un regrettable malentendu… Je ne connais aucun terroriste.

Malko fit un pas vers le coffre, posa la main sur la lourde porte. Les traits de Karim Labaki se détendirent imperceptiblement.

— Vous êtes un homme intelligent, fit-il.

Au Liban, tous les conflits pouvaient se régler avec de l’argent… Seuls les imbéciles mouraient. Malko le fixa de ses yeux dorés, froids comme la mort et rabattit la porte à toute volée.

Sur la main du Libanais.

Chapitre XVII

Le hurlement du Libanais fit trembler les vitres. La porte du coffre-fort devait peser deux cents kilos. La main droite coincée entre les deux battants d’acier, le souffle coupé par la douleur, il tira de la main gauche avec précaution la lourde porte, dégageant son autre main. Son regard tomba sur les phalanges écrasées qui gonflaient déjà.

Karim Labaki tituba jusqu’au fauteuil de son bureau et s’y écroula. Le teint crayeux, il contempla sa main, eut une espèce de hoquet, son regard chavira et il se tassa sur son siège, la tête sur la poitrine.

Évanoui.

Bambé le contemplait, horrifiée. Les coups dans la porte du bureau redoublèrent. La voix du secrétaire cria à travers le battant :

— Salauds ! Qu’est-ce que vous lui faites ?

Karim Labaki gémit, se redressa un peu, poussa un cri de douleur, se tourna et vomit sur le Kirman bleu de dix millions de francs qui était sous ses pieds. Ses dents s’entrechoquaient. Il n’arrivait plus à articuler, les yeux pleins de larmes. L’Irlandais l’observait avec un sourire mauvais. Malko s’approcha de lui et il hurla :

— Ne me touchez pas !

Sa main écrasée tournait au violet, tous les vaisseaux rompus la transformaient en un énorme hématome. Son beau peignoir blanc était maculé de vomi et une aigre odeur flottait autour de lui.

— Mister Labaki, précisa Malko, je ne suis pas venu chercher de l’argent. Je veux les deux hommes que vous hébergez : Nabil Moussaui et Mansour Kadar. Tout de suite.

Karim Labaki parvint à essuyer les larmes de douleur avec sa main gauche et fixa Malko. Il avait repris sa dureté.

— Je ne sais pas de qui vous parlez, fit-il.

Ils s’affrontèrent du regard. Malko voyait les muscles de la mâchoire du Libanais trembler sous l’effort qu’il faisait pour se contrôler.

Les coups continuaient dans la porte, gardée par Bill Hodges. La situation ne pourrait pas s’éterniser. Il était déjà peut-être trop tard pour récupérer les deux terroristes. Comme le Libanais demeurait silencieux, Malko saisit de la main gauche le poignet de sa main blessée, l’appliquant sur le bureau. Karim Labaki émit un hurlement de porc qu’on égorge.

De la main droite, Malko prit un lourd presse-papier, une grenouille en malachite, et le brandit au-dessus des doigts noirâtres aux articulations brisées.

— Je vais vous écraser les os jusqu’à ce que vous parliez, annonça-t-il d’une voix glaciale.

Évidemment, ce n’était pas dans le code des samouraïs. Mais deux ou trois cents personnes qui sautent avec un avion, non plus.

Le Libanais s’accrocha à Malko de sa main valide, tentant de le repousser.

— Arrêtez ! Ils ne sont plus ici.

— Où sont-ils ?

— Partis.

— Où ? Quand ?

De nouveau, le Libanais demeura muet. Malko appuya légèrement la grenouille en malachite sur les doigts déjà affreusement enflés. Karim Labaki eut un cri déchirant de chiot écrasé.

— L’hélico… Tout à l’heure…

Un comble ! S’il avait su cela, une rafale de riot-gun dans l’appareil et le problème était réglé.

— Où allaient-ils ? demanda-t-il.

— Rejoindre un taxi-brousse, près de Longi.

— Et ensuite ? Ils quittent le pays clandestinement ?

— Je ne sais pas… Je ne crois pas.

Karim Labaki ignorait les aveux de Forugi, concernant le but des deux terroristes chiites. En trente-six heures, même par la piste, ils avaient largement le temps d’atteindre Abidjan. Le passage de la frontière ivoirienne se faisait plus facilement en brousse que dans un aéroport. Mais s’il pouvait en savoir plus…

La grenouille de malachite appuya sur les phalanges brisées, déclenchant de nouveaux hurlements du Libanais auxquels firent écho des imprécations en arabe de l’autre côté de la porte. Une voix hystérique glapit :

— Laissez Mr Labaki ! Salauds !

Celui-ci était blême, regardant sa main coincée sous le presse-papier de malachite. De la sueur coulait sur son visage livide. Malko se dit qu’il n’était plus en état de mentir. Il lui redemanda où ils allaient et le Libanais murmura :

— Je ne sais pas, je vous le jure, ils ne me l’ont pas dit… Je les ai seulement hébergés.

Malko n’avait pas le temps de vérifier. Retrouver deux terroristes au milieu de l’Afrique n’était pas évident, même si on connaissait leur destination finale, ce qui était le cas. Il fallait un peu plus.

— Ils ont des passeports sierra-leonais ?

— Oui, avoua le Libanais dans un souffle.

— À quels noms ?

Les muscles de la mâchoire inférieure de Karim Labaki saillirent sous la peau comme s’il s’empêchait de répondre. Sans hésiter, Malko pesa sur la grenouille de malachite. Cette information était vitale. Eddie Connolly était mort pour avoir tenté de se la procurer.

La bouche du Libanais s’ouvrit d’un coup sur un cri atroce qui se confondit avec une forte explosion venue de l’extérieur. La porte vola en éclats. Grâce à une petite charge explosive posée contre le battant de l’autre côté. Dans la fumée, Malko aperçut des uniformes et des Palestiniens. Bill Hodges s’était retourné à la vitesse d’un cobra… Le not-gun cracha ses huit cartouches à une vitesse hallucinante. Il y eut des cris, une bousculade et, à travers le battant éventré, Malko aperçut un corps ensanglanté couché en travers du hall de marbre.

Les autres s’étaient abrités.

Seulement la situation devenait intenable. Une voix cria avec un fort accent arabe :

— Jetez vos armes. Rendez-vous.

Fiévreusement, Wild Bill rechargeait son riot-gun. Il se rapprocha de Malko, le visage soucieux.

— Faut filer. Ces cons de Noirs, je les connais, ils vont se mettre à tirer dans le tas…

Malko regarda le visage livide du Libanais. En dépit de la douleur de sa main, il s’était un peu repris et il ne sortirait plus rien de lui. Maintenant, il fallait sauver sa peau.

— On s’en va, annonça-t-il à Labaki. Ne cherchez pas à vous enfuir ou je vous abats. Bill, donnez-moi le riot-gun et occupez-vous de lui.