Выбрать главу

— Oui, dit Malko.

— Je voudrais acheter de jolies choses, fit-elle, des vêtements comme mettent les Blanches…

Malko regarda la courbe où avait disparu le poda-poda. Ils n’étaient pas encore à Conakry.

* * *

Vingt minutes déjà. Malko avait du mal à contenir son angoisse. Il régnait en plus une chaleur insoutenable dans la cabine du Leyland. Bambé somnolait. Il consulta sa Seiko-quartz. Si dans une demi-heure, Bill Hodges n’était pas revenu, il filerait. Avec comme perspective du stop dans la brousse et l’armée sierra-leonaise à ses trousses.

Une jeep surgit soudain du tournant. Malko, d’un coup d’œil, vérifia le riot-gun et lança le moteur du Leyland, prêt à tout. Puis il reporta son attention sur la jeep. Deux hommes se trouvaient à l’avant. Un militaire sierra-leonais et Bill Hodges. L’Irlandais, très détendu, adressa un signe joyeux à Malko. La voiture à peine arrêtée, il sauta à terre et vint vers lui, accompagné du Noir, un géant très martial dans sa tenue léopard.

— Je vous présente le capitaine Tikomko, annonça-t-il. Il dirige une unité d’élite chargée de lutter contre la contrebande du diamant…

Le capitaine écrasa les phalanges de Malko avec un sourire radieux…

Bill Hodges enchaîna aussitôt :

— Le capitaine et ses hommes n’ont pas reçu leur solde depuis le mois de juillet et ont beaucoup de mal à survivre. Aussi je lui ai proposé de lui consentir une avance que le gouvernement sierra-leonais me remboursera. Contre un reçu, bien entendu.

Le Noir approuva gravement de la tête.

— Cela me paraît normal, dit Malko.

— Il faut aider l’armée qui nous protège, continua sentencieusement l’irlandais. Pouvez-vous distraire cent mille Icones[44] de nos frais de route ? Nous nous arrangerons.

— Je crois que c’est possible, approuva Malko.

Il remonta dans la cabine du Leyland et prit le sac en plastique de Bambé qui lui adressa un regard lourd de reproches. Le capitaine Tikomko regardait l’argent avec une expression naïvement avide. Malko commença à compter les liasses. Heureusement, c’étaient des billets de vingt leones. Cent mille représentaient environ le tiers du contenu du sac. Bill Hodges prit les paquets de billets et les posa sur le capot de la jeep.

— Voilà, capitaine.

L’officier sierra-leonais ne bougea pas. Malko surprit une lueur agacée dans l’œil gris de Bill Hodges. Cela risquait de tourner au vinaigre… L’irlandais insista.

— Nous repartons.

— Il faudrait peut-être faire un geste pour nos camarades qui ne sont pas avec nous, dit le Noir.

— Ça, c’est vrai ! approuva Bill Hodges, sans même discuter.

Il reprit le sac en plastique et en sortit une nouvelle liasse qu’il tendit au capitaine Tikomko. Celui-ci la prit avec une moue.

— Ça, c’est vraiment un petit geste… remarqua. Les taches du visage de Bill Hodges foncèrent. Mais il ajouta deux nouvelles liasses. Cette fois, le capitaine Tikomko porta le tout dans la jeep, son sourire revenu :

— Vous me suivez ! lança-t-il.

La jeep fit demi-tour. L’Irlandais remonta à côté de Malko. Son premier soin fut de vérifier le riot-gun et de le placer sur ses genoux…

— J’espère que ce salaud ne va pas nous baiser, dit-il.

— Comment l’avez-vous contacté ? demanda Malko.

— J’ai été le voir directement. Il nous attendait, prévenu par radio. On a fait la palabre. Je lui ai expliqué que j’avais tué un Libanais qui m’avait pris ma femme… Ça lui a plu. Que j’avais un peu d’argent. Ça lui a plu aussi. C’est vrai qu’il n’a pas été payé depuis trois mois… Mais s’il se doutait de ce qu’il y a derrière nous…

— Comment fait-on ?

— Le capitaine passe le pont et nous le suivons. Normalement, ses hommes ne bougent pas. Sauf s’il m’a préparé une arnaque. Dans ce cas-là, on fonce. Seulement, ils pourront nous rattraper facilement et ils ont une mitrailleuse…

Ils se turent. Ils apercevaient maintenant la Sierra Leone à travers les arbres, coulant entre deux murailles de jungle. Le pont de Forodugu était un ouvrage métallique étroit. Un groupe de soldats occupait l’entrée de la rive sud, répartis entre une vieille tente et trois jeeps dont une portait une mitrailleuse de 50 et une antenne radio.

Le véhicule du capitaine Tikomko ralentit puis se gara sur le bas-côté. Deux soldats armés de fusils d’assaut G.3 s’avancèrent aussitôt sur la chaussée, barrant la route au Leyland.

— Qu’est-ce qui arrive ? gronda Bill Hodges entre ses dents.

Pour passer, il fallait les écraser… Malko s’arrêta et un des soldats s’approcha.

Aussitôt, Bill lui lança :

— Ça va ! On est pressés, le capitaine Tikomko nous a dit de passer.

Le soldat, un jeune aux yeux proéminents, ne se détendit pas.

— Qu’est-ce que vous transportez ?

— Rien, fit l’Irlandais, on va chercher une cargaison à Longi…

— Il faut ouvrir quand même, insista le Noir, c’est le règlement.

Une vraie borne… Malko scruta son visage sans expression. Impossible de savoir s’il agissait par devoir ou pour récolter un backchich. Il se força à sourire, voyant le doigt de Wild Bill ramper vers la détente du riot-gun.

— Mais puisqu’il n’y a rien, le règlement ne s’applique pas.

— Il faut arrêter le moteur et ouvrir l’arrière, fit le soldat.

Il avait reculé d’un pas, son ton était plus ferme et il s’apprêtait à faire glisser le G.3 de son épaule. Malko regarda devant lui la route étroite qui filait entre deux parois de jungle. Le premier virage se trouvait à un bon kilomètre… Le chargement de billets n’arrêterait pas des balles de mitrailleuse. L’index de Wild Bill Hodges s’était coulé dans le pontet du riot-gun. La chaleur humide parut tout à coup encore plus étouffante à Malko. Et soudain, Bambé qui avait vu le geste de l’irlandais se pencha par-dessus lui et lança une longue phrase en créole au soldat.

Celui-ci mit quelques secondes à réagir puis répliqua d’un ton assez distant. Bambé s’étira encore plus, lui mettant sous le nez ses seins moulés par le gara et continua à babiller en créole. D’abord, le soldat répondit par monosyllabes, puis finit par se détendre et engager une vraie conversation.

Bambé se retourna vers Malko :

— Il est marié, avec deux enfants et a du mal à les nourrir. Il n’a pas été payé depuis longtemps, parce que le capitaine garde l’argent du gouvernement pour lui.

Le capitaine Tikomko avait disparu dans sa tente pour planquer son nouveau butin. Malko plongea la main dans le sac en plastique et passa à Bambé une modeste liasse qu’elle tendit au soldat.

— Dis-lui que nous sommes contents de l’aider.

Le Noir saisit avidement les billets et remit aussitôt son G.3 à l’épaule pour les compter… Malko avait déjà enclenché la première et lança à Bambé :

— Dis-lui qu’on lui en redonnera autant quand nous repasserons.

Bambé transmit en créole. Le soldat hocha la tête, ravi, et disparut du champ visuel de Malko qui avait démarré. Dans le rétroviseur, il l’aperçut ramassant un billet tombé à terre.

Les roues du camion faisaient déjà trembler le pont. Malko avait envie de crier de joie. Le pont de Forodugu disparut après le virage. L’asphalte n’avait presque pas de trous. Ils avaient franchi l’obstacle le plus difficile. Bill Hodges doucha un peu sa joie.

— Il reste encore la frontière, fit-il. Avec les Guinéens pas de problème. Mais les autres, au poste sierra-leonais ils ont aussi la radio. Ils doivent nous attendre.

Chapitre XIX

вернуться

44

Environ 15 000 francs.