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Ce dernier avait un sac de toile à la main.

* * *

Leurs regards se croisèrent. À la lueur de panique dans celui du Libanais, Malko comprit que ce dernier l’avait identifié comme un ennemi. Tout se passa très vite. Le Libanais plongea la main dans son sac et en sortit un pistolet.

Malko bondit sur lui, lui écrasant le poignet contre le montant de la porte des toilettes. Un steward aperçut la scène. Lâchant son plateau, il se rua au secours de Malko. Le Libanais luttait farouchement, les pupilles dilatées, un rictus de haine déformant son visage. Il appuya sur la détente de son arme et la détonation fit sursauter tous les passagers… Touché en pleine poitrine, le steward tituba et s’effondra dans l’allée. En une fraction de seconde, ce fut la panique. Des passagers se levaient, des femmes hurlaient ; un autre steward et deux hôtesses se précipitaient.

Le terroriste cria quelque chose en arabe, luttant toujours avec Malko.

Ce dernier parvint à lui saisir le poignet à deux mains et à le lui tordre. Deux coups de feu partirent encore, et les projectiles s’enfoncèrent dans le plancher… Enfin, les doigts du Libanais lâchèrent l’arme qui glissa sous un siège. Le terroriste recula brutalement, Malko accroché à lui, et les deux hommes se retrouvèrent dans l’espace étroit des toilettes… Le Chiite mordit violemment au poignet Malko qui lâcha prise. Ce qui donna à l’autre le temps de saisir une grenade cachée dans le sac en toile… Une défensive ronde, de fabrication soviétique. Comme son arme, elle avait été dissimulée dans le gilet de sauvetage placé sous le siège de chaque passager et qui gisait maintenant par terre dans les toilettes.

Malko, de justesse, l’empêcha de retirer la goupille. Les mains jointes, les deux hommes luttaient comme des furieux, se cognant aux murs, sous les regards impuissants de l’équipage cabine, accouru.

D’un violent coup de tête, le terroriste étourdit Malko, lui ouvrant l’arcade sourcilière. Groggy, celui-ci le vit passer le doigt dans l’anneau de la goupille pour l’arracher. Ensuite, il suffisait de relâcher la cuillère pour provoquer l’explosion de l’engin… Il entendit vaguement le haut-parleur annoncer que l’appareil retournait sur Abidjan, conseillant aux passagers de ne pas s’affoler. Comme si ce n’était pas déjà fait.

D’un effort désespéré, Malko expédia un formidable coup de pied au Chiite et l’atteignit au bas-ventre. Une fraction de seconde avant que la goupille ne soit complètement arrachée. Sous le coup de la douleur, les doigts du terroriste s’ouvrirent, laissant échapper la grenade droit dans la cuvette des WC.

Un athlétique steward se rua dans l’espace exigu et saisit le Chiite par les cheveux, le tirant dehors. À moitié KO, il n’opposa que peu de résistance. Aussitôt, deux membres de l’équipage le maîtrisèrent, l’allongeant à terre. Il écumait, hurlait des injures en arabe et en anglais sous les yeux des passagers terrifiés. À quelques mètres du steward en train d’agoniser… Le commandant de bord surgit, les traits tendus.

— Il est maîtrisé ?

— Oui, dit Malko, mais il a jeté une grenade dans les toilettes et la goupille tient par un fil.

* * *

— My god !

Stanley Parker tenait d’une main tremblante le télex transmis par la tour de contrôle.

— Tentative de détournement à bord du vol 675. Un mort. Explosif non neutralisé. L’appareil a fait demi-tour sur Abidjan. Les services de sécurité sont en alerte.

— Mais qu’est-ce qui s’est passé ? demanda le chef de Station d’Abidjan, atterré. Nous avons soixante-huit citoyens à bord, dont dix-sept diplomates. C’est une horreur…

Stanley Parker posa le télex.

— Filons à l’aéroport. Et prions.

* * *

Le terroriste, toujours allongé par terre, s’était calmé, plongé dans une profonde torpeur. Les passagers, déchaussés, ceintures attachées, bien calés sur leurs sièges, s’attendaient au pire. Près des toilettes, un steward veillait, fixant la lunette comme si cela avait pu empêcher la grenade d’exploser… Le corps de son collègue avait été transporté dans le galley avant, pour être hors de vue des passagers. Un silence de mort régnait dans l’appareil…

Malko, debout derrière le commandant de bord, demanda :

— Nous sommes à quelle distance d’Abidjan ?

— Vingt minutes environ.

— Il n’y a aucun terrain de dégagement ?

— Aucun.

Il avait un sacré poids sur l’estomac. La goupille avait été à moitié arrachée par le terroriste. Il suffisait d’une vibration pour qu’elle s’enlève complètement, déclenchant l’explosion de l’engin. Et très probablement la destruction lu DC 10 les commandes passaient sous les toilettes…

À neuf cents à l’heure, le gros appareil fonçait vers le sud. Il n’y avait rien d’autre à faire qu’à prier… Le second se retourna vers Malko.

— Comment ces armes ont-elles été introduites à bord ? Tout le monde a été fouillé…

— Elles y étaient déjà, dit Malko. Je pense qu’elles ont été dissimulées à Longi Airport, en Sierra Leone, la semaine dernière, lorsque cet appareil y a fait escale. Un des policiers du CID sierra-leonais travaillait avec les terroristes. Pour lui, c’était très facile…

— Il a fallu qu’ils aient des complicités dans la compagnie, remarqua le commandant de bord, pour connaître la programmation de l’appareil.

— Ils en ont, dit Malko.

Il regarda le ciel étoilé au-dessus d’eux. Ils se trouvaient à la verticale de Bouaké. En bas, c’était la forêt, sans une lumière. S’ils avaient à y atterrir en détresse, cela ferait 320 morts… Dont lui.

Les Iraniens avaient bien monté leur coup. Avec une « chèvre » – Nabil Moussaoui – et le véritable acteur : l’homme qui gisait allongé sur le plancher du DC 10. Les minutes s’écoulaient avec lenteur. Enfin des lumières apparurent dans le lointain, droit devant. Abidjan. Le commandant de bord annonça aussitôt dans le micro :

— Mesdames et messieurs, nous allons nous poser à Abidjan dans quelques instants. Demeurez calmes. Tout danger est désormais écarté…

Une salve d’applaudissements et de cris de joie salua son annonce.

* * *

— Le vol 675 va se poser en priorité-détresse, annonça la tour. Sur la 034. Services de sécurité, à vos postes.

L’aéroport d’Abidjan grouillait de soldats et de policiers. Des véhicules avec des mitrailleuses gardaient tous les accès de la piste. Des projecteurs fouillaient la nuit. Des ambulances, des voitures de pompiers, des jeeps de police attendaient à l’entrée de la piste 034.

Les phares blancs du DC 10 trouèrent la nuit. Il semblait presque immobile. Stanley Parker avait du mal à respirer. Tant qu’il n’aurait pas touché le sol, tout pouvait encore arriver. L’ambassadeur des États-Unis, arraché à un dîner officiel, était là en smoking blanc, entouré de ses gardes du corps, debout près de sa Cadillac.

Volets baissés, le DC 10 toucha la piste avec douceur. Aussitôt, plusieurs voitures de pompiers se lancèrent à toute vitesse le long du bitume, lances en batterie, suivies par des véhicules de police… Deux mille mètres plus loin, le DC 10 s’arrêta enfin, les pneus fumants. Quatre portes s’ouvrirent en même temps et les toboggans de secours se déroulèrent aussitôt. Les premiers passagers touchèrent le sol au moment où les pompiers atteignaient le gros porteur. Suivis de la Cadillac de l’ambassadeur et de la Ford de la CIA.