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— Que savez-vous au juste de cette affaire de terrorisme menée à partir d’ici ? demanda Malko. Langley m’a dit que c’est vous qui aviez tiré la sonnette d’alarme.

— Exact, fit l’Israélien. Mais je n’ai pas encore grand-chose à me mettre sous la dent. Ces salauds sont prudents. Cela fait un moment que nous surveillons ici l’axe Iran-Chiites libanais. Nous avons essayé de les empêcher de venir mais Karim Labaki est trop puissant et trop riche…

« Nous avons eu aussi des « tips[20] » à Beyrouth. Deux terroristes chiites libanais liés aux Iraniens seraient arrivés ici et s’y planqueraient en attendant d’agir.

— Ils veulent attaquer les gens de l’ambassade ici ?

— Non, je ne pense pas, cela brouillerait les Chiites avec Momoh. Mais Freetown est une excellente base de départ. Grâce à la logistique chiite.

— Vous avez une idée de l’identité de ces deux terroristes ?

— Aucune.

— Vous savez où ils sont ?

— Non.

L’un des deux hommes était sûrement celui dont la photo avait été trouvée sur le cadavre de Charlie. Nabil Moussaoui.

— Vous n’avez pas continué l’enquête sur place ?

Wael Afner eut un sourire désarmant.

— Je suis une station d’écoutes, pas un Service Action. Déjà ma présence à Freetown a fait grincer pas mal de dents.

— Cela ne va pas être évident de retrouver ces deux Chiites, remarqua Malko.

L’Israélien lui adressa un sourire chaleureux teinté d’ironie.

— … Aucun secret ne se garde en Afrique. C’est une question de temps et d’argent. Et vous avez, paraît-il, un excellent chef de station. Jim Dexter. À propos, avez-vous reçu des instructions sur la conduite à tenir à leur égard, si vous les retrouvez ? Parce qu’il ne faut pas compter sur les autorités locales pour lever le petit doigt.

Malko le regarda bien dans les yeux.

— J’ai des instructions, dit-il.

Wael Afner resta silencieux quelques instants avant de dire gravement :

— C’est bien. Je croyais que depuis la mort du vieux Casey, la Company était de nouveau émasculée, comme du temps de Carter.

Ils retraversèrent le magasin et avant de sortir, Afner demanda à Malko :

— Vous avez un billet d’un dollar ? Écrivez « bonne chance » dessus… Nous venons d’ouvrir le magasin.

Malko s’exécuta et l’Israélien accrocha le papier au-dessus d’un des saucissons. Même le Mossad ne perdait pas le sens du commerce. Malko avait encore une question à poser.

— Hier, j’ai remarqué à l’aéroport un Noir immense, le crâne rasé, une vraie brute. Je l’ai revu à l’hôtel hier soir. Il paraît qu’il appartient à la Special Branch du CID. Vous le connaissez ?

Les yeux bleus de l’Israélien durcirent brusquement.

— C’est très probablement Eya Karemba, fit l’Israélien. Un des hommes de Karim Labaki, le Libanais chiite qui a fait venir les Iraniens en Sierra Leone, dit Wael Afner. Peut-être le plus dangereux.

* * *

Malko fixa Wael Afner, médusé. Comment Jim Dexter pouvait-il ignorer les liens du policier noir avec Karim Labaki ?

— Je croyais que c’était un policier.

— C’en est un, confirma l’Israélien, mais il travaille surtout pour Labaki qui se sert de sa qualité. Souvent, il l’accompagne quand il va chercher des diamants en brousse et lui sert de garde du corps. C’est un musulman chiite extrêmement fanatique. Il va tous les jours au Centre culturel iranien. Attention à lui…

Décidément le Mossad avait du bon. Malko se demandait dans quel guêpier il était tombé. Wael Afner lui serra la main.

— Revenez me voir dans deux jours. Mais soyez prudent le soir. Karemba est un tueur. La femme du Président dit qu’il travaille aussi avec des sorciers. Il kidnappe des enfants et les leur vend pour des sacrifices… Ses chefs le savent mais ils ont peur de Labaki.

En redescendant Spur Road, Malko se demanda si la veille, Karemba n’était pas à l’aéroport spécialement pour le repérer. Ce qui n’était pas bon signe. Sa visite à l’Israélien lui avait appris trois choses : il y avait deux terroristes, Elya Karemba travaillait avec Labaki et l’agent du Mossad ne se jetterait pas à l’eau pour lui…

Les rues étaient animées, une énorme file s’allongeait devant la station Texaco en face de la route menant à Murray Town et le ciel menaçait. Il s’arrêta au Mammy Yoko pour avaler un sandwich et un café très sucré puis reprit la 505 et fila le long de Lumley Beach, en direction du village de Lakka. Là où vivait Wild Bill Hodges.

* * *

Accroché à son volant, Malko essayait de ne pas être éjecté de la 505 par les cahots. Effroyable était un mot faible pour qualifier la piste qui semblait n’être composée que d’énormes trous mis bout à bout… Il zigzaguait, évitant les plus grosses ornières, frôlant les véhicules venant en sens inverse qui se livraient à la même gymnastique. Une seule certitude : personne ne le suivait.

Les treize kilomètres lui en parurent cent et enfin il trouva un chemin descendant à droite vers la mer, après le village. Selon les explications de Jim Dexter, c’était là. Nouveaux cahots. Le chemin se terminait en cul-de-sac, en face d’une plage superbe. À droite, une grande villa blanche noyée de végétation tropicale. Une Range-Rover rouge était garée devant. Malko descendit, découvrant une grande piscine, du marbre, des baies vitrées… Wild Bill Hodges vivait bien.

Il cogna à la porte sans résultat. Malko poussa la grille et longea la piscine. Une porte-fenêtre entrebâillée ouvrait sur un grand living au sol de marbre, avec des meubles modernes et un énorme lion en bois le long d’un bar.

On se serait cru en Floride. La pièce était vide. Pourtant de la musique africaine baignait la pièce, diffusée par une chaîne hi-fi Akai posée à même le sol.

Il entra et s’immobilisa à côté du lion en ébène, intrigué de ne voir personne. Il allait faire demi-tour quand une silhouette jaillit soudain de derrière le bar, comme poussée par un ressort. Il eut le temps d’apercevoir un visage marbré de taches rouges, deux petits yeux gris enfoncés, pleins de méchanceté et, surtout, le canon qui lui parut énorme d’un shot-gun Beretta tout noir.

Braqué sur lui.

Celui qui le tenait hurla :

— Fucking Lebanese ! I kill you ![21]

Chapitre IV

Malko, instinctivement, plongea à terre en une fraction de seconde. Une détonation assourdissante secoua la pièce et un trou gros comme le poing apparut dans la porte du jardin juste derrière sa tête. Roulant sur lui-même, il bondit hors de la pièce. Pas encore revenu de sa surprise… Son agresseur avait contourné le bar et fonçait derrière lui. Impossible de regagner sa voiture. L’autre aurait le temps de le réduire en charpie. Malko détala le long de la piscine, poursuivi par les glapissements de l’homme au fusil.

Arrivé au fond du jardin, il sauta par-dessus une rambarde de pierre le séparant de la plage. Au moment où il retombait, une nouvelle détonation claqua et des éclats de pierre jaillirent au-dessus de sa tête. Accroupi sur le sable, il regarda autour de lui. La plage s’allongeait à perte de vue, déserte. L’autre allait le tirer comme un lapin… Malko prit sa décision en une fraction de seconde, se recroquevillant derrière un arbre rabougri, tendu, prêt à bondir. Il n’eut pas longtemps à attendre. Avec des grognements, son poursuivant se hissa sur la margelle de pierre blanche et toucha lourdement le sol, serrant son shot-gun de la main droite.

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20

Tuyaux.

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21

Putain de Libanais ! Je vais te tuer.