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» By God ! Dans quel état as-tu mis mon immeuble ! C’est un désastre – inouï ! J’en ai pour une heure à passer l’inspection, et pour plusieurs jours à tout remettre en place.

» Mais comme tu serais capable, pendant ma visite domiciliaire, d’allonger la patte sur ma carabine et de me briser le crâne avec une balle, je vais t’amarrer par principes, afin d’empêcher de ta part toute velléité de représailles.

Il empoigna brutalement les jambes du bandit toujours immobile et allait les attacher solidement, quand ce dernier poussa un effroyable cri de douleur.

Sam Smith, quelque inaccessible qu’il fût à la pitié, s’arrêta en murmurant :

– Pauvre diable ! Ses deux jambes sont brisées.

» C’est égal. Il pourrait encore se traîner sur les genoux. Ces vermines-là ont la vie dure, et, à défaut de courage, la haine leur donne des forces.

» Amarrons les bras.

Ce qui fut dit fut fait, et Smith tout maugréant prit une chandelle, l’alluma et se mit en devoir de procéder à son inspection.

– Je me demande, gronda-t-il furieux, comment cet imbécile a bien pu mettre le feu ici !

» Il me va falloir isoler ce tas de charbon qui, activé par un double courant d’air, brûle comme s’il se trouvait dans le fourneau d’une machine.

» Tiens !... Une galerie de mine.

» Pas bête, le James Willis. Ne pouvant s’enfuir par là-haut, il avait pensé à s’échapper par la tangente.

» Mais, enfin, quelle voie a-t-il donc prise pour arriver ici ?

» Inspectons préalablement ce boyau, peut-être y trouverai-je la réponse à ma question.

Il s’avança lestement en enjambant les débris, et en projetant naturellement sa lumière dans l’entrée de l’obscur conduit. Il vit, à son tour, la flamme s’élargir tout à coup, changer de couleur en même temps que de forme, et devenir bleuâtre à la périphérie.

Il se retira brusquement et lança un regard perçant au Révérend sur les traits crispés duquel errait un mauvais sourire.

– Halte là ! Nous sommes familiarisés avec ce phénomène, nous autres qui avons tâté de tous les métiers.

» Je reconnais sans hésitation possible les effets du grisou.

» Et comme cela, dit-il de sa voix narquoise, on ne voulait pas avertir son bon ami Sam Smith du danger qu’il courait en allant ainsi s’introduire dans une galerie envahie par le gaz.

» C’est de l’ingratitude, monsieur James Willis, car j’aurais pu vous tuer en arrivant ici, et vous devez à ma générosité les quelques instants que j’ai bien voulu vous octroyer.

» Après cela, liez-vous donc à la reconnaissance des hommes !

– Puisque je suis condamné, gronda le Révérend d’une voix sourde, j’aurais eu la consolation de périr avec toi.

– De mieux en mieux, mon garçon. Tu deviens décidément très crâne. Tu t’y prends un peu tard.

» Quel dommage que le temps me manque pour continuer ton éducation !

» Mais, assez causé.

» À moi de me rappeler le temps où j’étais fireman dans les houillères australiennes, et d’exécuter la petite manœuvre qui va me débarrasser de ce gaz de malheur.

Cette manœuvre dont parle le bushranger avec tant de désinvolture, est éminemment périlleuse et expose celui qui l’opère à des dangers terribles. On sait que le grisou, ou gaz hydrogène protocarboné qui se rencontre dans les houillères, s’enflamme au contact de la lumière, et détone avec une violence inouïe quand il est mêlé dans de certaines proportions à l’air atmosphérique.

Autrefois, et jusqu’à l’invention des lampes de sûreté, on avait coutume de laisser le gaz se répandre dans les galeries et s’y combiner avec l’air. On mettait ensuite le feu au mélange en l’absence des ouvriers, que cette explosion provoquée volontairement mettait pour quelque temps à l’abri du péril. Pour cela, un homme appelé en France pénitent et fireman en Angleterre, couvert de vêtements mouillés, munis d’un masque avec des yeux de verre, et armé d’une longue perche terminée par une torche, pénétrait dans la galerie, et s’avançait à plat ventre, jusqu’à ce que la détonation s’effectuât.

On conçoit aisément quelle somme de dangers devait s’amasser sur la personne du pénitent lorsqu’il accomplissait cette redoutable opération.

C’est à cette fonction, confiée aux convicts australiens, lors des premiers temps de la colonisation, que Sam Smith venait de faire allusion.

Le bushranger ne possédant pas de perche dans le retiro, qu’il nommait plaisamment sa maison de campagne, prit le plat dans lequel le Révérend avait jadis opéré son mélange d’alcool et de biscuit et qu’il avait consciencieusement vidé. Il le remplit de charbons incandescents, le lança à toute volée dans la galerie, et se jeta aussitôt à plat ventre.

L’explosion fut formidable, et les assises du monticule oscillèrent comme si la brutale expansion du gaz allait les désagréger. Une longue coulée de flamme envahit en un clin d’œil le boyau, traversa comme un météore la rotonde, et, sollicitée par l’énergique courant d’air établi entre les deux ouvertures, s’engouffra en ronflant dans le conduit vertical donnant accès à la grotte.

Ce fut l’affaire de quelques secondes, puis tout rentra dans le silence.

– Voici la chose terminée, mon digne Révérend, fit Smith en se relevant. Il n’y a plus maintenant l’ombre de danger, et votre ami Sam va s’en aller visiter vos travaux.

Le bushranger, à ces mots, releva machinalement la tête, et poussa une rauque exclamation de désespoir, en voyant se tordre, sous la flamme qui le dévorait, le tissu lui servant d’échelle pour descendre dans la demeure souterraine, et auquel le coup de grisou venait de mettre le feu.

Tout moyen de communication avec le dehors était désormais interdit aux deux bandits.

XIII

Le bushranger continue son étude topographique. – Encore la ligne de pierres blanches incrustées dans le gisement de houille. – À la recherche d’une boussole. – Comment Sam Smith se rendait à sa maison de campagne. – Folie passagère. – Les transes du Révérend. – Comme larrons en foire. – Le Trésor des Rois Cafres. – Sépulture violée. – Nouvelles conséquences d’un coup de grisou. – Dans le caveau mortuaire. – La demeure des morts sert d’asile aux vivants. – L’incendie.

Pendant que Pieter s’acquittait de la mission confiée par Sam Smith, et s’emparait, on sait à quel prix et grâce à quels épouvantables procédés, de l’attelage qu’il convoitait, le bushranger, resté avec Cornélis sur la plate-forme située au haut de la colline, attendait les événements. Le tête-à-tête avec le rustre menaçant de se prolonger longtemps, Smith fatigué bientôt des lieux communs de son vis-à-vis dont la conversation n’était rien moins que substantielle, s’absorba en lui-même et se prit à méditer.

Ses réflexions se portèrent tout naturellement sur la singulière succession d’événements accomplis récemment, et embrassèrent de préférence tous ceux qui avaient trait à ce mystérieux trésor des anciens Rois Cafres, objet de si ardentes convoitises.

Plein d’une orgueilleuse confiance en ses propres moyens, nanti en outre, grâce à un hasard inespéré, d’un document précieux dont la possession lui concédait d’énormes avantages sur ses compétiteurs, le bandit voyait l’avenir couleur de rose, et se complaisait volontiers à escompter par la pensée les joies que lui procurerait le contenu de l’opulente cachette.