Il renouvela avec un plein succès la périlleuse manœuvre des firemen et provoqua la seconde explosion qui devait enflammer et enflamma réellement tout le gaz en liberté. Il y eut, au moment de la déflagration de l’hydrogène proto-carboné, une poussée en arrière analogue au recul d’un canon. Cette réaction s’opéra sur une cloison relativement peu épaisse, séparant le réservoir à grisou d’une nouvelle caverne placée en arrière et par conséquent plus rapprochée du fleuve. Cette cloison s’effondra et découvrit l’étrange réduit où se trouvent présentement les deux bandits.
La veine de charbon s’arrête brusquement à quelques centimètres de l’ouverture encombrée de débris. La caverne assez spacieuse, pratiquée en pleine roche basaltique, affecte une forme circulaire, évoquant la pensée d’une énorme bulle d’air dont les parois se seraient solidifiées au moment où la roche se trouvait en fusion.
Un grondement sourd, continu, annonce la proximité du fleuve, et quelques bouffées d’air frais pénétrant par d’invisibles fissures, semblent indiquer que l’atmosphère libre s’étend non loin de là. Cette demeure funéraire doit d’ailleurs posséder une ou plusieurs entrées, puisque Sam Smith et James Willis ont suivi, pour y pénétrer, une voie inédite, non moins que périlleuse.
Il y a là une vingtaine de cadavres, uniformément accroupis sur le sol, et formant, par leur réunion, les trois quarts d’une circonférence. Quelques-uns sont complètement réduits à l’état de squelettes. Le plus grand nombre, momifiés, racornis et encore entourés de bandelettes, témoignent sinon d’une inhumation plus récente, tout au moins de la réussite sommaire du primitif procédé d’embaumement qui leur a été appliqué.
Tous ont dû porter sur le dos le carquois en peau de léopard rempli de flèches, et le petit arc de bois de fer, à en juger par la position qu’occupent encore ces armes qui tombent de vétusté. Leurs doigts de squelettes étreignent la grande sagaie des chefs et les colliers de verroteries, festonnant sur leurs côtes dénudées, les diadèmes de perles multicolores encerclant leurs fronts aux orbites vides, annoncent que ces débris humains ont appartenu à de hauts dignitaires.
Enfin, et c’est là le point essentiel qui préoccupe les deux violateurs de cette sépulture, un vase de terre grossière, analogue à ceux dont se servent encore les indigènes de la région, est déposé devant chacun de ces séculaires et lugubres gardiens.
L’explosion qui s’est produite dans un angle de la caverne mortuaire, n’a nullement rompu la symétrie du funèbre alignement. Un seul vase, brisé par le choc d’un bloc de charbon, a laissé échapper son contenu, et Smith, pénétrant pour la première fois dans cet asile jusqu’alors inviolé, a vu tout d’abord quelle en était la nature, quand son œil fasciné a contemplé le scintillement qui n’appartient qu’au diamant.
Il n’y avait plus de doute possible ; les indications fournies à Master Smith par le Cafre Lackmi étaient bien réelles. La plan tracé par l’infortuné missionnaire était mathématiquement exact, et le bushranger avec son complice se trouvaient en présence du fabuleux trésor entassé pendant des siècles par les anciens rois Cafres...
Chacun des vases était au moins à demi plein de diamants admirables, dont ces primitifs enfants de la nature avaient activement poursuivi la recherche, depuis les temps reculés appartenant à la légende. Ils avaient patiemment accumulé ces cailloux auxquels ils attachaient, eux aussi, un prix relativement considérable, en ce sens qu’ils leur servaient à tailler et à percer les meules destinées à broyer leur grain. Le secret de cette cachette dont leurs descendants étaient loin de soupçonner la valeur aujourd’hui énorme, s’était perpétué de père en fils, et il est à présumer, comme l’indiquent les demi-confidences faites par Seshéké et Magopo, que les chefs actuels se rendaient, de temps en temps à la mystérieuse caverne, pour y chercher quelques diamants, destinés, comme par le passé, à confectionner leurs meules.
Sam Smith revenu de l’accès de folie produit par cette découverte foudroyante, et bien convaincu de la réalité palpable du fait, termina promptement son inventaire. L’inquiétude commençait à le gagner. Non pas qu’il désespérât de sortir tôt ou tard de cet antre des mille et une nuits, mais, les progrès de l’incendie allumé par le coup de grisou menaçaient de prendre des proportions alarmantes.
– Tu vas rester ici, dit-il au Révérend. Il n’y a nul danger d’asphyxie, puisque l’air arrive du dehors. Je vais opérer rapidement le déménagement des provisions, des armes et des munitions. Nous allons nous installer dans ce caveau où nous serons fort à l’aise.
» Nous verrons ensuite à trouver l’ouverture par laquelle on a introduit ces gentlemen qui ne sont pas tombés de la lune, n’est-ce pas. Puis nous aviserons aux moyens de sortir les poches pleines.
» Un peu de patience. Je ne suis pas un grand chirurgien, mais je vais confectionner de mon mieux avec des couvercles de boîtes un appareil pour les pauvres jambes.
Il sortit rapidement, et constata, presque avec terreur, que l’incendie gagnait plus vite encore qu’il ne l’avait cru. Chose singulière, et qu’il attribua à l’énergie du courant d’air établi entre l’ouverture donnant sur la cataracte et le conduit vertical lui servant habituellement d’entrée, les couches supérieures flambaient avec un ronflement sonore, pendant que le sol était resté à peu près intact.
Il enveloppa dans une fourrure épaisse sa caisse à poudre, et commença prudemment le sauvetage de cette substance terrible, au milieu de débris enflammés qui tombaient de la voûte, mêlés à des fragments de pierres chauffées à blanc.
XIV
Klaas qui allait employer les grands moyens, réussit par la persuasion. – De l’autre côté du fleuve. – Le Boër, pour la première fois, perd son assurance. – Fureur de brute. – La mort ! plutôt qu’une insulte. – Cri de guerre. – Les deux ennemis en présence. – Lutte sauvage. – La barbe de Klaas cause sa défaite. – Joseph, fou de joie, perd de nouveau l’usage des b et des v. – N’ayant pas le temps d’infliger au bandit les supplices rêvés, il se propose simplement de le pendre. – Pardon. – La peine du talion. – Vengeance. – Klaas devait décidément mal finir.
Les événements que nous venons de raconter, ont été si rapides ; telle a été, en outre, leur simultanéité, que nous avons dû négliger, depuis longtemps, l’antipathique personnalité de Klaas le Boër.
Le misérable, après avoir fait subir aux mineurs engagés à sa poursuite le barbare traitement que l’on sait, n’était pas sans inquiétude sur les suites possibles, probables même de cette atroce vengeance.
Connaissant de longue date la solidarité qui, en général, unit étroitement les travailleurs des claims, il supposait, avec raison, que leurs camarades valides, instruits tôt ou tard de l’attentat, ne manqueraient pas d’user de représailles à son égard. Aussi, son premier souci fut-il d’aviser aux moyens de mettre entre eux et lui une barrière pour le moment infranchissable. Cette barrière était le cours impétueux du Zambèze grossi par les pluies d’orage, et dont les eaux, gonflées outre mesure, s’étaient répandues dans la plaine.
Il espéra, tout d’abord, opérer la traversée du fleuve à l’aide de son wagon, transformé si bien à point et sans qu’il s’en doutât, en un appareil de navigation. Cet espoir fut déçu par le brusque retrait des eaux qui immobilisèrent le dray sur un banc de sable.