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Ces découvertes inattendues causèrent en Europe une émotion facile à concevoir et les exagérations optimistes ou pessimistes de gens intéressés agitèrent l’opinion jusqu’en 1873. Il fut alors possible de fixer une sorte de moyenne approximative, d’après le quantum des pierres extraites précédemment. Les paquebots portant la malle du Cap, transportaient à ce moment pour six à sept millions de diamants.

Aussi, l’immigration a-t-elle pris un accroissement prodigieux, et les solitudes du Waal ont-elles été bientôt peuplées. En dépit des mécomptes éprouvés par les nouveaux venus, ce travail est des plus rémunérateurs, puisque, en une seule semaine, sur la mission de Pniel, quelques diggers ont trouvé soixante-quatorze gemmes pour lesquelles ils ont acquitté un droit de plus de 25 000 francs. Que l’on juge par l’impôt de la valeur de la marchandise !

L’énorme affluence de travailleurs rendit indispensable la création d’un gouvernement. L’État libre d’Orange et la République du Transwaal s’en chargèrent. Les mineurs nommèrent, quelque temps après, président des « Camps de la Rivière » M. Parker, que sa parfaite connaissance du pays, et la haute considération dont il jouissait parmi les Boërs désignèrent aux suffrages. M. Parker devenu président d’une société fort mélangée, et où surabondaient des gens peu délicats, institua un code fort simple, inspiré du recueil très élémentaire des lois du juge Lynch. Les coupables étaient condamnés à l’exposition au soleil, au fouet, à la noyade.

Le but de l’institution de cette présidence, était de créer une République des Champs de Diamants. Mais, on finit par voir qu’il faudrait entrer en lutte avec la République du Transwaal, ce qui eût été déplorable pour l’avenir de l’industrie minière encore à sa période d’enfantement. Les sujets anglais se trouvant en majorité sur un terrain revendiqué par la métropole, ne pouvaient secouer le joug de ses représentants. On craignit un conflit et on envoya M. Campbell prendre le pouvoir. M. Parker subordonnant son intérêt personnel à l’utilité de la collectivité, eut le bon esprit de se retirer.

Peu après une nouvelle Compagnie se fonda sous le nom de Hope-Town Diamond Company, avec son siège à Bultfountain. Des différends ayant éclaté entre les deux sociétés rivales, l’Angleterre s’inspirant de l’apologue intitulé l’Huître et les deux Plaideurs, s’annexa les terrains miniers sous le nom de Griqualand-Ouest, et tout le monde fut d’accord, en apparence, du moins.

Une anecdote amusante pour terminer cet aperçu historique, avant d’expliquer en quelques mots, les procédés employés pour l’exploitation du diamant.

Au moment de la révocation de l’Édit de Nantes, de nombreuses familles françaises émigrèrent au Cap, se mêlèrent aux Boërs, s’identifièrent complètement à eux, et vécurent totalement en dehors des progrès de la civilisation contemporaine. Un brave homme, nommé M. du Toit, descendant de ces émigrés, vivait tranquille dans sa ferme, appelée du Toit’s Pan par les habitants, à cause du petit lac circulaire qui s’y trouve. Le mot « pan », littéralement poêle, signifie par extension bassin rond.

Non seulement, dit madame P... à laquelle j’emprunte cette histoire, M. du Toit pensait bien peu à la France, le pays de ses ancêtres, mais, en véritable sauvage blanc, il ignorait probablement l’existence de notre belle patrie.

Un beau jour, un groupe d’individus alléchés par les histoires de diamants trouvés, de fortunes fabuleuses gagnées du jour au lendemain, envahit la propriété de M. du Toit. Celui-ci fut pris d’une telle panique, que la nuit venue, il attela ses bœufs à son wagon, y entassa tout ce qu’il put, literie, effets, argent, famille, et se mit en route, à moitié fou de chagrin, pleurant sa propriété.

Il chercha si bien à dépister les soi-disant envahisseurs qu’il prenait pour des ennemis implacables, acharnés à le suivre jusqu’au bout du monde, que ses « persécuteurs » eurent toutes les peines à savoir où il s’était réfugié. Mais quelle ne fut pas la terreur du brave fermier, quand il vit arriver les mêmes hommes qui, après de laborieuses recherches, ayant découvert sa retraite, venaient lui proposer l’acquisition de son domaine.

Ils avaient compté sans leur hôte. Telle était la frayeur du bonhomme, qu’il ne voulut jamais consentir à se montrer et les visiteurs s’en allèrent déçus. Cependant, leur désir de faire fortune les rendant tenaces, ils revinrent à la charge quelque temps après cet échec, et furent plus heureux cette fois. Cet homme primitif ne pouvait pas laisser entrer dans sa tête que des gens qui l’avaient forcé d’abandonner sa maison, vinssent lui offrir sérieusement une somme qu’il considérait comme une fortune. Force lui fut de se rendre à l’évidence et un acte de vente, préparé à l’avance par les acquéreurs, fut signé. Aux termes de cet acte, il vendait Dors-Fountain (du Toit’s Pan) moyennant la somme de cent vingt-cinq mille francs, prix dérisoire, quand on compte les millions extraits du sol depuis le moment de la vente.

M. du Toit ne fut réellement convaincu de son bonheur, que quand il fut mis en possession de cette somme « en or » et qu’il en eut manié toutes les pièces. On prétendait encore en 1875 que sa plus grande joie était de compter et de recompter ces 125 000 francs, qu’il laissera certainement à ses héritiers. Cet amour de l’or est commun à tous les Boërs. Ils amassent continuellement sans jamais rien dépenser. On affirme qu’un grand nombre sont extrêmement riches, et possèdent les économies de plusieurs générations. Ils ne songent jamais à faire travailler cet argent, et le gardent entassé dans des boîtes, enfoui dans des trous, partout enfin où ils ont lieu de le croire en sûreté.

Cette opulente mine de du Toit’s Pan appartient à la catégorie des mines sèches. Le travail s’opère comme nous l’avons dit pour celle de Nelson’s Fountain. La terre diamantifère, après avoir été piochée, est battue afin d’être désagrégée, puis montée dans le seau en cuir de bœuf. Elle est ensuite passée dans deux cribles, un gros et un fin, puis apportée sur la table dans ce dernier. C’est là que se fait le triage. Ce n’est plus, à ce moment, qu’un amas de gravier, tout le sable ayant été criblé.

Cette dernière opération se fait au moyen d’un morceau de zinc ou de fer blanc, taillé en un rectangle d’environ trente centimètres sur dix. On amène à soi, avec cet outil primitif, une certaine quantité de gravier en l’éparpillant sur la table. Un simple coup d’œil suffit pour découvrir s’il s’y trouve ou non un diamant.

Nous aurons occasion de parler plus tard des procédés d’exploitation par le lavage.

Maintenant que le lecteur possède quelques indispensables notions géographiques, historiques et industrielles relatives aux lieux où va se dérouler la première partie du drame dont on connaît le sanglant prologue, reprenons notre récit.

La vue du cadavre du Juif excita dans l’assistance un double mouvement de stupeur et de colère. Si les vols étaient assez nombreux sur le diggin de Nelson’s Fountain, la vie humaine avait jusqu’alors été respectée. L’on ne comptait plus les larrons, mais nul ne pensait avoir à redouter des assassins.

Aussi, tous ces déclassés, la plupart sans préjugés, se sentant menacés dans leur existence et dans leur propriété, poussèrent-ils un terrible cri de vengeance, et demandèrent l’application de la loi de Lynch.