Ce sont : les Cafres, les Hottentots et les Bushmen, appelés aussi Boschimans et Bosjesmans. Les Cafres, dont le nom dérive de l’arabe kafer, (infidèle), habitent une vaste région qui, sur deux mille cinq cents kilomètres (2500) de profondeur, occupe, sur l’Océan Indien, une longueur de côtes de treize cents kilomètres (1300). Ce territoire se divise en Cafrerie maritime, ou côte de Natal, et en Cafrerie intérieure ; celle-ci se prolonge jusqu’au Zambèze.
La partie occidentale de la Colonie du Cap, qui longe l’Atlantique, est au contraire occupée par les Hottentots, ainsi que la plus grande partie du Kalahari. Les Hottentots, peu nombreux, comparativement aux Cafres, comprennent les Corannas, les Gonaquas, les grands et petits Namaquas, dont le chiffre ne paraît pas s’élever à plus de cent trente mille, et auxquels il convient d’ajouter trente à trente-cinq mille Damaras des montagnes (Berg Damaras des Boërs), soumis depuis longtemps par les Hottentots dont ils ont adopté les coutumes et le langage.
Enfin, la zone centrale, la plus désolée du pays, et connue sous le nom de désert de Kalahari, est parcourue par des nomades, les Bushmen, ces Bédouins du Sud dont nous avons précédemment parlé. Il est impossible d’évaluer, on le conçoit sans peine, leur nombre, même approximativement. Ainsi que nous l’avons déjà dit, des voyageurs peu consciencieux, ont voulu faire des Bushmen des nains difformes présentant le type le plus repoussant de la laideur humaine. Leur taille est en effet moins élevée que celle des Cafres et des Hottentots, mais ils sont secs, nerveux, et susceptibles d’endurer des fatigues et des privations excessives. Leurs traits, en outre, pour être moins réguliers que ceux de leurs voisins, ne sont pas plus disgracieux que ceux des Yolofs ou des Kroumen. Ce sont, en somme, des noirs comme les autres, à part la moindre élévation de leur stature.
Dans la moitié orientale de l’Afrique du Sud, se trouvent plus de deux millions d’individus appartenant à la race Cafre, à part un coin où se sont réfugiés, sous la conduite de leur chef Adam Cok, quinze à vingt mille Griquas ou « Bastards », race métisse issue des relations entre Hollandais, Hottentots et anciens esclaves de différentes origines. Leur établissement ne date que de 1852. Une autre tribu de « Bastards Hottentots » s’est fixée à la même époque, guidée par Waterboër, dans la contrée que nous connaissons sous le nom de Gricqua-Land-Ouest, où s’est déroulée la première partie de notre histoire.
Les grandes subdivisions de la race cafre sont les Amakosas, les Amapondas, les Zoulous et les Betchuanas. Dans la partie Est de la colonie, et en allant du Sud au Nord, on rencontre tout d’abord les Gaïkas, les Slambis, les Tamachas, appartenant à la famille des Amakosas établis entre les rivières Grand-Fish et Kei, au nombre de plus de cent cinquante mille. On trouve aussi les Fingos, tribu des Ama-Zoulous, jadis esclaves des Amakosas, et affranchis par les Anglais en 1835. Ils n’étaient à ce moment que trente-cinq mille ; leur nombre s’élève aujourd’hui à soixante-quinze mille. Dans les districts voisins du pays des Basoutos, vivent isolés quelques milliers de Betchuanas. Dans presque tous les points de la Colonie, se trouvent en outre des Cafres de toutes les tribus employés comme journaliers, bergers, conducteurs, etc. Le nombre de ces « isolés » est de plus de cinquante mille, auquel on doit encore ajouter quatre-vingt mille sang-mêlés.
En passant le Kei, dans la Cafrerie jadis indépendante, on remarque les Tembous, les Golékas, soumis par les Anglais depuis quelques années seulement, les Bomvanis, les Ama-Pondos, comprenant jusqu’à la frontière du Natal environ deux cent mille habitants. Presque tous sont des Amakosas, sauf quelques milliers de Fingos et les Bastards dont nous avons parlé plus haut.
Les trois cent mille indigènes du Natal sont des émigrés du pays des Zoulous qui ont abandonné leur territoire pour échapper au despotisme du fameux Cettihouaïu. Ils se sont soumis volontairement aux Anglais qui avaient annexé la région en 1845.
Le nombre des Zoulous proprement dits, est évalué à environ quatre cent mille et comprend en outre les tribus en dehors de l’influence britannique, entre autres les Tabélés qui habitent entre le Limpopo et le Zambèze, et celles qui s’étendent dans le voisinage des établissements portugais de la baie Delagoa, à l’embouchure du Zambèze.
Ces Zoulous vivaient au commencement du siècle de l’existence demi-pastorale demi-guerrière qui était celle de toutes ces tribus indépendantes, lorsqu’un de leurs chefs, nommé Choka, s’empara du pouvoir et créa de toutes pièces, en quelques années, l’organisation redoutable dont ses successeurs Dingâan, Pinda et son fils Cettihouaïo, ont maintenu la tradition.
Quant à la famille des Betchuanas, elle comprend les cent vingt mille Basoutos, administrés depuis 1868 par les autorités anglaises et parmi lesquels se sont établies, depuis vingt ans, des missions françaises protestantes qui ont fait accomplir de réels progrès à ce peuple infiniment plus civilisé que les autres Cafres, mais adonné autrefois au cannibalisme. Les quinze mille Barolongs soumis à la suzeraineté de l’État libre d’Orange, et presque toutes les tribus indigènes de l’intérieur du Transwaal, évaluées selon les uns à trois cent mille, et selon les autres à cinq cent mille. Tous ces Cafres sont désignés par leur position géographique, sous le nom de Betchuanas de l’Est. Leur territoire s’avance jusque sur la gauche du 26° de longitude Est du méridien de Greenwich.
Les Betchuanas de l’Ouest ou Bakalaharis, habitent en partie les terres annexées récemment par les Anglais, – les Anglais annexent toujours – et qui s’étendent jusqu’au 21° de longitude Est. La suzeraineté du gouvernement Britannique, est d’ailleurs plutôt nominale que réelle. Les Betchuanas indépendants, vivent sur le Kalahari, au milieu des Bushmen avec lesquels ils ne font aucune alliance. Ils sont généralement en bonne intelligence, leur sédentarisme s’accommodant volontiers de l’humeur nomade de ces derniers.
Nous ne voulons pas recommencer la longue énumération des noms barbares servant à désigner les innombrables tribus issues de cette puissante famille. Ajoutons un mot relatif à l’étymologie de leur appellation générale de Betchuanas pour revenir aux Makololos, qui sont les derniers représentants de la race en allant vers le Nord.
Le nom de Betchuana est formé du mot Chuana, signifiant pareil, auquel est ajouté le pronom Bat (ils) ce qui fait que Betchuana signifie, très démocratiquement, égaux ou camarades. On raconte à ce sujet qu’un voyageur dont on ignore le nom, ayant demandé à certains individus de cette famille quelques renseignements sur les tribus voisines, il lui avait été répondu : Batchuanas ; elles sont pareilles à nous. Ce voyageur n’ayant pas compris cette réponse, avait cru qu’elle lui indiquait le nom générique d’une nation habitant depuis le fleuve Orange, jusqu’au 16° parallèle Sud.
Égaux, pareils, ou camarades, les Betchuanas ne se font pas moins de temps en temps des guerres acharnées, témoin la lutte fratricide qui se termina par l’anéantissement des Batokas par les Makololos. C’est sur un des derniers épisodes de cette guerre que nous reprendrons notre récit.
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Alexandre, Albert et Joseph bien restaurés, et suffisamment édifiés sur leurs mutuelles aventures, pensèrent à rallier l’îlot situé sur le rebord supérieur de la cataracte, où devaient se morfondre le révérend et master Will.
– Allons, fit avec une résignation comique Alexandre en saisissant ses rames, allons retrouver nos deux gêneurs.