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Il arriva ainsi près d’un groupe de diggers, accroupis ou allongés près d’un foyer et occupés, tout en surveillant leur rôti, à fumer le détestable tabac que les traitants vendent à prix d’or. La conversation qui était des plus animées, avait naturellement trait à la situation présente, et aux événements probables du lendemain.

– Voyez-vous, disait l’un d’eux, ce lourdaud de Boër qui voulait accaparer pour lui seul un pareil trésor !

– Un trésor ! En êtes-vous bien sûr ? demandait un sceptique.

– Vous êtes fou ! répétait le chœur des optimistes. Mais on ne parle que de cela. Il y a de quoi acheter la colonie entière.

– Et les femmes !... Il y a des femmes. Nous les jouerons au couteau, quand le Boër sera pendu.

– Moi, je préfère quelques bonnes poignées de diamants.

– Comment savez-vous que cette brute voyage avec des femmes ? Sans doute quelques maritornes hollandaises.

– Allons donc ! Des Anglaises, mon cher ! De véritables dames. Avez-vous remarqué comme il montait la garde autour de son wagon, lorsque nous poursuivions le bushranger ?

– C’est vrai !...

– Vous ne les avez pas vues ?

– Non, mais je tiens le fait de Cornélis et de Pieter.

– Ses frères ?

– Ses frères qui sont furieux contre lui.

– Jolie famille, dont les membres vont s’entre-tuer.

– Que vous importe puisque leurs dépouilles vont nous enrichir !

– Tenez ! Les voyez-vous là-bas, en grande conversation avec cette espèce de prédicant qui est venu, ces jours derniers, s’abattre sur le diggin comme un oiseau de mauvais augure.

Klaas qui avait assisté impassible à cet entretien dont les termes ne lui laissaient aucune illusion sur les intentions de ses ennemis, leva doucement la tête et aperçut en effet le Révérend en compagnie de Cornélis et de Pieter.

Ils s’étaient lentement retirés à l’écart, et se tenaient à l’extrême lisière de la clairière éclairée par les feux. Klaas ne perdit pas un moment. Il laissa les diggers à leurs espérances tout en opérant quelques réserves à l’endroit de leur réalisation et se faufila vers le point où les trois gredins tenaient leur conciliabule.

L’entretien dont il ne put entendre la première partie était particulièrement édifiant.

– Quant à Klaas, disait le Révérend de sa voix aiguë comme un glapissement de chacal, il faut nous en défaire.

– Non ! riposta brusquement Cornélis. Je ne veux pas qu’on le tue. Klaas est l’aîné de la famille ; il a toujours été pour nous un bon compagnon, et sa mort...

– Allons donc, reprit Pieter, vous aussi, Cornélis, vous devenez un homme à préjugés. Moi, quand on me gêne, qu’on soit parent ou ami, pst ! supprimé. Je ne connais que ça.

– Mais Klaas ne vous gêne pas.

– Il représente un quart du trésor, et j’aime mieux en faire trois parts que quatre.

– Vous êtes fou, Pieter. Vous parlez de trois parts... Et les mineurs.

Le Révérend éclata de rire.

– Ma parole ! ce Cornélis est plus bête que nature.

– Dites donc, vieille canaille d’Anglais, c’est-à-dire double canaille, avez-vous envie de vous faire mettre en bouillie.

– Allons donc, idiot, brute – vous voyez que je ne vous crains pas – je vous mets au défi d’oser lever la main sur moi.

– Qui donc m’en empêchera ?

– Ceci !...

Le faux prédicant, à ces mots, sortit vivement de la poche intérieure de son éternelle redingote, un tissu fripé, malpropre, conservant la vague apparence d’un mouchoir.

– Vous vous moquez de moi ?

– Habituellement, oui. Mais en ce moment, je suis sérieux comme un homme qui possède le secret d’un trésor dont le chiffre nous affole, vous, les sauvages, moi, l’homme de la civilisation.

– Est-ce que ce chiffon serait...

– Le plan des lieux où se trouve le Trésor des rois Cafres.

Klaas, tapi sous les herbes, éprouva en entendant ces mots un soubresaut, comme s’il eût reçu, dans les flancs, une charge de chevrotines.

– Le plan !... Vous avez le plan !... reprit Cornélis haletant.

– Silence, brute, ou vous allez nous jeter sur le dos la troupe entière des diggers et je ne veux pas partager avec eux.

– Comment, c’est à l’aide de ce lambeau de toile que vous espérez trouver...

– Que je suis sûr de trouver la cachette.

– Alors, je comprends que vous ne vouliez pas partager avec Klaas et les autres.

– Mais comment diable avez-vous pu vous le procurer ?

– Je le dois à la générosité de Klaas.

– Décidément, notre frère est fou.

– Oh ! Entendons-nous. Il me l’a procuré, mais sans le moins du monde s’en douter.

– Contez-nous cela.

– Voici l’affaire en deux mots. Klaas vient tout à l’heure de tuer raide un de ces braillards qui voulaient attaquer son wagon.

» Vous m’avez vu me précipiter sur cet homme, comme pour lui prodiguer des secours.

– Dont il ne devait guère avoir besoin, car Klaas est un terrible tueur.

– En effet. Le pauvre diable, ainsi que je viens de vous le dire, était mort sans seulement faire : ouf ! Je possède une certaine dextérité pour visiter les poches de mes semblables. Je mis séance tenante mes talents en œuvre, et j’inventoriai, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, la défroque du mort.

» Je fis passer en un clin d’œil le contenu de ses poches dans les miennes, sans rien négliger. Les chiffons les plus informes servent souvent aux mineurs à dissimuler de véritables fortunes.

» Je ne m’étais pas trompé, car, à première vue, je reconnus ce plan pour la possession duquel je me suis littéralement imposé depuis près de trois mois aux Européens qui en étaient détenteurs.

» J’ignore comment l’homme tué par Klaas le portait sur lui. L’essentiel est que j’en sois maître en ce moment.

– Si je ne me trompe, répondit Cornélis, après un moment de réflexion, le mineur auquel vous l’avez subtilisé avec tant d’à-propos, l’avait lui-même enlevé à ce rude petit bonhomme qui a si bien éventré Dick l’Américain.

» Je me rappelle parfaitement avoir vu un de ceux qui le portaient en triomphe, retourner ses poches.

– Peu nous importe d’ailleurs. Le point capital, pour nous, est de tirer, sans plus tarder, notre révérence à ces brutes et de nous acheminer vers les lieux indiqués par ces lignes.

– Mais, interrompit assez naïvement Pieter, s’il nous prenait fantaisie à notre tour de ne pas vous admettre au partage.

Le Révérend releva lentement ses paupières flétries et darda sur le gredin un regard aigu comme celui d’un dompteur.

– Vous ne le ferez pas pour deux raisons. La première, c’est que vous ne savez lire ni l’un ni l’autre et que seul je puis vous guider.

– Et la seconde ?...

– C’est qu’une des poches de l’homme mort contenait un revolver New Colt tout chargé. Quand nous aurons trouvé le trésor je vous brûle la cervelle à tous deux si le partage n’est pas équitable.