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— Et les Martiens veulent empêcher cela de se produire ? »

Diane eut l’air un peu honteuse. « Les Quatrièmes martiens ont été les premiers à essayer.

— Quoi ? Ils ont modifié un fœtus humain ?

— Ça n’a pas fonctionné. L’enfant n’a pas survécu au-delà de la puberté. L’expérience a été tentée par le même groupe d’ascètes Quatrièmes qui a élevé Sulean Moï… elle a d’ailleurs assisté à la mort de l’enfant.

— Les Martiens ont autorisé ça ?

— Une fois seulement. Sulean Moï voulait empêcher que la même chose se produise parmi nos propres Quatrièmes, qui ont encore moins de contraintes légales et coutumières… ou interrompre le processus s’il avait déjà commencé. »

Malgré le vent chaud, Lise frissonna. « Et alors ? Je veux dire : il a commencé ?

— La technologie et les produits pharmaceutiques ont été distribués par Jason avec tout ce que Wun Ngo Wen avait apporté d’autre sur Terre. Nous en avions la possibilité depuis des décennies, mais cela n’intéressait vraiment personne à part quelques… disons, quelques groupes dissidents.

— Je croyais que les Quatrièmes avaient une espèce d’inhibition interne, intervint Turk. Comme Tomas. Une fois qu’il a pris le traitement, il a cessé de boire quoi que ce soit de plus fort que la bière et n’a plus cherché la bagarre dans les bars.

— Nos inhibitions nous font répugner à toute agression flagrante, mais ne nous privent pas de la capacité à faire un choix moral… ou à nous défendre. Et ce n’est pas vraiment de l’agression, Turk. C’est sans cœur, c’est inexcusable, mais aussi, en un sens, abstrait. Enfoncer une aiguille dans la veine d’une volontaire enceinte n’est pas perçu comme un acte de violence, surtout si on est convaincu que c’est nécessaire.

— Voilà donc pourquoi la Sécurité génomique s’intéresse à Sulean Moï, dit Lise.

— Oui. La Sécurité génomique et toute agence du même acabit. Les Quatrièmes ne font pas peur qu’aux Américains, vous savez. Les préjugés sont particulièrement forts dans le monde islamique. Aucun endroit n’est sûr pour eux. Pendant des dizaines d’années, la Sécurité génomique a essayé de localiser et de s’emparer de toutes les traces de biotechnologie martienne restantes. Sans doute moins pour les détruire que pour les monopoliser. Elle n’y a pas réussi et n’y réussira sans doute jamais. Le mal est fait. Mais ça lui a permis d’apprendre deux ou trois trucs. Dont la présence de Sulean Moï, évidemment. Et que des Quatrièmes intercèdent auprès des Hypothétiques lui fiche une frousse de tous les diables.

— Pour la même raison que vous le redoutez ?

— En partie pour les mêmes raisons », rectifia Diane. Elle but un peu d’eau glacée. « En partie. »

Le muezzin du village appela les fidèles à la prière. Diane ne prêta aucune attention à ce bruit.

« Sulean était déjà venue au moins une fois à Port Magellan, dit Lise. Il y a douze ans.

— Oui.

— Pour les mêmes raisons ?

— Oui.

— Elle a réussi ? Je veux dire : a-t-elle empêché… ceux qui voulaient le faire, de le faire ? »

Ibu Diane regarda Lise et détourna les yeux. « Non, elle n’a pas réussi.

— Mon père la connaissait.

— Sulean Moï connaît beaucoup de monde. Comment s’appelait votre père ?

— Robert Adams », indiqua Lise, le cœur battant plus fort.

Diane secoua la tête. « Ce nom ne me dit rien. Mais vous disiez chercher un de ses collègues dans la ville de Kubelick’s Grave ?

— Oui, Avram Dvali.

— Avram Dvali », répéta Ibu Diane, l’air soudain plus sombre. Lise sentit son excitation arriver à son comble.

« Dvali était un Quatrième ?

— C’en était un. C’en est un. Et c’est aussi, d’après moi, quelqu’un d’un tout petit peu dérangé. »

Douze

Après avoir ramené Isaac à la colonie, Sulean Moï alla parler de la fleur au Dr Dvali.

L’histoire parut si invraisemblable qu’il devint nécessaire de monter une expédition pour partir à la recherche de cette chose. Sulean n’y participa pas, mais fournit des directions détaillées. Le Dr Dvali s’enfonça avec trois autres hommes dans le désert au volant de l’un des véhicules de la communauté. Son excitation ne surprenait pas Sulean. Il était amoureux des Hypothétiques… ou de l’idée qu’il s’en faisait. Comment pourrait-il résister au présent d’une fleur extraterrestre ?

Ils revinrent en fin d’après-midi. Dvali n’avait pu retrouver la rose en question, mais l’expédition ne rentrait pas bredouille. D’autres objets insolites poussaient dans le désert. Il avait prélevé trois échantillons dans un sac de coton, échantillons qu’il montra à Sulean et à quelques autres observateurs sur une table du réfectoire.

L’une de ses prises consistait en un disque vert spongieux de la forme d’une roue de bicyclette miniature, avec des rayons comme des brindilles et un nœud de racines encore attaché au moyeu. La deuxième en un tube translucide large d’un centimètre et long comme l’avant-bras de Sulean. La dernière en une masse noueuse et visqueuse qui ressemblait à un poing serré, d’un bleu veiné de rouge.

Aucun de ces objets ne semblait en bonne santé, même si on pouvait raisonnablement soutenir qu’ils avaient été vivants. La roue de bicyclette, noircie, s’effritait par endroits. Le tube s’était fissuré sur sa longueur. Le poing, blafard, commençait à dégager une odeur désagréable.

« Ces choses sont tombées avec les cendres ? » demanda Mme Rebka.

Dvali secoua la tête. « Toutes avaient des racines.

— Elles ont poussé là-bas ? Dans le désert ?

— Je n’ai pas d’explications. Je crois que, d’une manière ou d’une autre, elles ont un rapport avec la chute de cendres. »

Dvali regarda Sulean avec l’air d’attendre une réaction.

Sulean n’avait rien à dire.

Le lendemain matin, Sulean alla voir Isaac, mais elle trouva sa porte fermée et Mme Rebka debout devant, les bras croisés. « Il ne va pas bien, lui apprit celle-ci.

— Je ne lui parlerai pas longtemps.

— Je préfère le laisser se reposer. Il a de la fièvre. Je pense qu’il faut qu’on parle, toutes les deux, madame Moï. »

Elles sortirent dans la cour, où, restant à l’ombre du bâtiment principal, elles s’assirent sur un banc de pierre d’où elles voyaient le jardin. Dans l’air brûlant et tranquille, les rayons du soleil tombaient sur les parterres de fleurs clôturés comme avec un immense poids invisible. Sulean attendit que Mme Rebka prenne la parole. En fait, elle s’attendait à ce que celle-ci lui manifeste tôt ou tard de l’hostilité. Elle était ce qu’Isaac avait de plus ressemblant à une mère, même si de par la nature du garçon, il ne pouvait y avoir eu de véritable chaleur émotionnelle entre eux, du moins venant de lui.

« Il n’avait jamais été malade, dit Mme Rebka. Pas une seule fois. Mais depuis votre arrivée… il n’est plus le même. Il vagabonde, il mange moins. Il s’intéresse terriblement aux livres, ce qui m’a d’abord paru positif. Mais je me demande si ce n’est pas encore un symptôme.

— Un symptôme de quoi ?

— Ne prenez pas une attitude évasive. » Mme Rebka était une femme imposante. Sulean, qui n’atteignait que péniblement 1,60 m, trouvait tous ces gens imposants, mais Mme Rebka l’était plus particulièrement et semblait chercher à l’intimider. « Je sais qui vous êtes, comme tout le monde. Toute la communauté connaît votre existence depuis des années. Ça ne nous a pas surpris de vous voir frapper à la porte. Juste que vous ayez mis tant de temps. Nous sommes prêts à vous laisser observer Isaac et même dialoguer avec lui. À la seule condition que vous n’interfériez pas.