Выбрать главу

— Non… Il n’y a aucune raison.

— Bien. Le conseil que donne un avocat, en règle générale, c’est d’en dire le moins possible à la police pour ne pas être enfermée ultérieurement dans ses propres déclarations. Toutefois, votre version semble plausible, il se pourrait que vous ayez intérêt à vous exprimer. C’est-à-dire à entrer dans les détails. Mais madame, j’attire votre attention sur le fait que ce que vous allez dire là, ensuite, vous sera constamment opposé comme une vérité première.

— C’est la vérité… Il y a un élément dont je ne vous ai pas parlé… Qui ne change rien mais je veux tout dire… En fait il y a deux éléments… En bas, quand j’étais en bas, dans le hall en train d’essayer de le convaincre d’appeler la police, on a croisé une voisine…

— Une femme que vous connaissez ?

— Oui, une jeune fille à qui je dis bonjour, bonsoir, c’est la fille de…

— Elle n’a pas été surprise de vous rencontrer à trois heures du matin ?

— Elle nous a dit bonsoir, elle rentrait visiblement d’une soirée…

— Les gens dans l’immeuble connaissent vos liens d’amitié ?

— Je ne peux pas le dire… Oui probablement.

— Elle a manifesté de la surprise ?

— Non, non, pas du tout.

— La situation était assez banale…

— Banale. On sentait qu’elle voulait échapper à la pluie, elle a vite pris l’ascenseur, ça a duré deux secondes. On s’est juste croisés… Et l’autre chose, avant d’appeler la police, Jean-Lino Manoscrivi a voulu mettre son chat en sécurité. Donc on est remontés, on a pris son chat et on l’a mis chez nous. Son chat est à présent chez nous.

— Vous êtes quand même très attentive à la vie de cet homme…

— Oui…

— Et vous dites que ce ne sont que des liens d’amitié.

— Oui.

— Vous ne pensez pas que vous avez pu laisser des traces d’une relation qui serait d’une autre nature que celle que vous décrivez ?

— Non.

— Vous n’avez pas échangé des mails par exemple ? Vos boîtes mails vont être vérifiées.

— Jamais de mail.

— Et lui, vous ne pensez pas qu’il éprouve des sentiments… Vous pensez que vous êtes sur la même longueur d’onde ?

– Ça je ne peux pas dire, mais il n’a jamais rien manifesté…

— Il n’y a aucun élément matériel pouvant induire qu’il s’agit d’une relation amoureuse alors que vous la déclarez comme…

— Aucune.

— Par exemple, votre mari n’a jamais été jaloux de cette relation ?

— Jamais.

— Vous n’avez aucune raison d’aider cet homme dans une démarche qui serait une démarche criminelle ?

— Mais non.

— On va vous poser la question : cet ami, vous apprenez qu’il a tué sa femme… jusqu’où seriez-vous allée s’il vous avait demandé de l’aider ?

— Il ne m’a pas demandé de l’aider.

— S’il vous l’avait demandé…

— … L’aider comment ?

— Non madame. Là vous devez dire : je ne l’ai pas aidé, la preuve. Je l’ai encouragé à appeler la police. Qui a appelé la police ? C’est lui ou c’est vous ?

— Nous deux.

– Ça veut dire quoi vous deux ? Qui a tenu le téléphone ?

— Lui. J’ai fait le 17 et je lui ai donné le téléphone…

— Ah ! Vous avez fait le 17.

— Oui.

— Si vous n’aviez pas rencontré la voisine, est-ce que vous l’auriez fait, le 17 ?

— … Oui, bien sûr.

— Il va falloir madame que là vous n’hésitiez pas.

— Oui. Bien sûr.

— C’est important.

— Oui, oui.

— Donc. Vous saviez qu’il était en train de s’enfuir…

— Non, je ne le savais pas.

— C’est en descendant que…

— Quand j’ai vu l’ascenseur clignoter, j’ai appelé. J’ai appelé, et comme je n’ai pas eu de réponse, alors que l’ascenseur se trouvait juste en dessous et que je savais qu’on pouvait m’entendre, j’ai ouvert la porte de la cage d’escalier. J’ai entendu un dévalement. Je sais que mon voisin prend l’escalier et que personne ne le prend cet escalier. Je me suis dit que quelque chose de bizarre se passait. Je suis descendue, j’ai ouvert la porte du hall et je l’ai vu sortir la grosse valise rouge de l’ascenseur. Là, j’ai compris ce qui se passait… Parce que j’ai vu la valise énorme et boursouflée… Mais quand je suis descendue je ne savais pas à quoi m’attendre…

— Sauf quand même que vous attendiez la police qui n’arrivait pas.

— Oui… Mais ça pouvait être quelqu’un d’autre dans l’ascenseur…

— Et là vous avez tout de suite dit : arrête !

— Oui. Non, j’ai dit : qu’est-ce que vous faites ? Qu’est-ce qu’il y a dans la valise ?

— Avant même de croiser la jeune voisine, vous avez tout de suite cherché à le convaincre de ne pas fuir.

— La première chose que j’ai faite a été de lui arracher le sac, il tenait un sac et il y avait un manteau couché sur la valise, j’ai pris le sac et le manteau, j’ai dit, qu’est-ce que vous faites, vous êtes fou ! Et puis la voisine est arrivée… Ça a facilité les choses la voisine…

— Il vous a dit que sa femme était dans la valise ?…

— Non… Je ne me souviens pas… C’était implicite.

— Et vous n’avez pas eu de difficulté à le convaincre…

— Je n’ai pas eu de difficulté, heu… Non… Je n’ai pas eu de difficulté à le convaincre.

— Mais sans vous il serait parti quand même.

— Je ne peux pas le dire.

— Pour lui, la voisine, ça a été déterminant ? Si la voisine n’était pas arrivée, vous ne seriez pas parvenue à le convaincre ?

— Je ne peux pas répondre.

— Vous ne savez pas.

— Non.

— Depuis combien de temps vous le connaissez ?

— Trois ans.

— Une relation d’amitié ?

— D’amitié.

— Avec de l’intimité ?… De la confidence ?

— Non… On se vouvoie.

— Il vous a fait part de ses difficultés avec son épouse ?

— Non. Il n’en avait pas. Enfin je ne crois pas. Il ne m’en a jamais parlé.

— Quels liens avez-vous avec sa femme ?

— Des liens très cordiaux. Elle était à ma soirée. C’était très agréable.

— Vous l’aimez bien ?

— Oui…

— Comment on fait dans un couple quand on est ami avec un des deux ? Vous êtes sûre qu’il n’y avait pas de… Vous ne pensez pas qu’il pouvait y avoir une histoire de jalousie de sa part à elle, compte tenu des liens que vous aviez ?

— Il m’a un peu fait part des événements de la soirée et je n’avais rien à voir avec…

— Rien à voir ?

— Rien.

— C’est la première fois que vous invitez le couple ?

— Oui…

— Donc une relation singulière entre cet homme et vous, et qui n’est pas fondée sur la confidence.

— Non.

— Elle est fondée sur quoi cette relation ?

— Elle est fondée sur la confidence, mais sur des choses du passé… l’enfance, nos enfances respectives, la vie en général, mais on ne parlait pas de nos relations conjugales. On s’était déjà vus tous ensemble avec mon mari. Lydie chantait dans des clubs de jazz, c’était son hobby, et Jean-Lino nous a emmenés l’écouter. On en a tous un bon souvenir.