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Sordini se racle la gorge.

— Vous l'avez entendu ? fait-il à la douairière.

Ça lui presse la détente à mémère, ô pardon ! Le feu à la mèche. Et c'est pas du cordeau Bickford qui musarde, lésine, serpente. De la mise à feu directe. Tchaofff !

— J'ai entendu quoi, hé, empaffé ! elle explose. Tu vois pas qu'ils te chambrent, ces deux gugus ? C'est des flics, rien que des flics à la manque qui cherchent à jouer les terreurs. Ils blablatent pour impressionner les lavedus de ton espèce ou cette crétine de Marthe. On les connaît tous les deux. Le gigolpince à trois balles, c'est le commissaire San-Antonio ! Un charmeur de bonniches. Et l'autre, Bérurier, son adjoint, la rigolade de la Rousse française. Y n'pense qu'à bouffer, tu lui donnes de la merde en sauce, il torche son assiette jusqu'à ce qu'en reste plus.

Du coup, v'là le Mastar réveillé. Il se dresse, mais je lui ordonne de s'écraser.

Elle me plaît, la Tatzi, dans son grand numéro d'indignation. C'est de la mégère de choc. Elle se laisse pas bidonner facile.

— Amédée, j'interviens, tu trouves logique qu'on balance une bombe sur un charmeur de bonniches et un boulimique scatophage, toi ? Du moment qu'ils ne sont pas dangereux, c'est prendre un sacré risque pour pas grand-chose, non ?

Je vais à la croisée et je regarde l'épave encore fumante de ma biturbo autour de laquelle s'activent agents et pompiers.

— Les commissaires à trois balles et les sacs à merde ont-ils l'habitude de pénétrer chez les gens comme on l'a fait chez ta vieille peau tout à l'heure ? Ils ont l'habitude de casser la mâchoire et le bras des délurés comme Emilio, le pote de Fleur de bidet, la servante ? Tu réfléchis et tu décides. Je te fais simplement remarquer que tu viens de paumer quatre minutes sur les dix que je t'accordais. Si dans trois cent soixante secondes t'as pas obtenu le résultat que j'attends, tu vas dégueulasser le tapis. Note qu'il vaut pas grand-chose : il est chinois. Ç'aurait été un Chiraz pur fruit, je t'aurais assaisonné dans la salle de bains, par respect des œuvres d'art.

— Allons, madame Tatzi, ne faites pas la mauvaise tête, ouvrez-le votre bon Dieu de coffre ! il supplie.

Elle lui crache à la gueule.

— T'es qu'une lopette, mon gars ! lance-t-elle avec conviction.

Alors là, elle a manqué de psychologie, la vieille daurade faisandée. Il s'énerve pour de bon, mon barbiquet.

— Hé ! dis, la vieille, je crie pouce ! hurle soudain Amédée. T'imagines pas que je vais crever pour tes yeux de vieille chouette déplumée, non ? Te rabattre des frangines, ça va. Qu'elles chopent des coups de bite dans ta taule ou dans les bois de Saint-Cucufa, la différence est pas grande et j'encours pas les assiettes pour autant. Je suis jeune, moi. J'ai un avenir. Ton coffre, ma salope, tu vas le déverrouiller illico sinon je te massacre ! Et pas sur ordre : pour le plaisir ! T'entends, morue ? Pour le plaisir !

Il la pousse vers le coffiot.

— Allez, au tas : craque-moi ça d'urgence !

— Non, mais ça va pas, espèce de petit trou-du-cul sans poil ! Tu te figures que j'ai peur de toi ? T'es juste bon à appuyer sur le bouton de ton Nikon, paumé !

Il change de registre, le gamin. Il écume. La rage et la trouille confondue le survoltent, le propulsent dans les pires extrémités. Il cueille un vase d'opaline sur la commode. Un très ancien, de couleur bleue, avec un col de cygne. Il brise la partie renflée sur la bordure de marbre.

— Délourde ou je te l'enfonce dans le bide !

Et puis il attend pas qu'elle réagisse et lui flanque un coup sévère dans la brioche. Elle porte un pantalon en élastis résistant, mais un tesson laboure l'estomac à mémère au-dessus de la ceinture et son chemisier blanc devient rouge, tout à coup. Elle y porte la main. Ses doigts poisseux l'effraient.

Elle bredouille :

— Non, mais t'es jobastre, l'artiste !

Un phénomène que j'ai déjà eu l'occasion de remarquer à maintes reprises : un pleutre, lorsqu'il lui arrive de faire couler le sang, il est en crise aussitôt. Ça le dope ; il se croit téméraire et se soûle de son faux courage. Médée, il la biche par sa tignasse platinée, la Tatzi, la fait volter et virevolter, lui claque le museau, la fout à terre, la roue de coups de pied méchants. La piétine. L'insulte. Lui dit des choses impossibles. Comme-quoi elle est la plus pourrie des putes de l'Univers. Qu'elle ressemble à une diarrhée verte. Qu'il va lui défoncer le bide pour dégager sa tripaille en grande décomposition. Qu'il passera sa sale gueule à la moulinette. Qu'il la découpera en morceaux et l'évacuera par les chiottes, tout entièrement. C'est la grande crise. Il la compisse pour étancher son sang. Il est au fin fond des délirades, le tendeur. Il liquide son contentieux avec les vieilles radasses qu'il a sabrées pour assurer son pain quotidien. Elle paie les frais, Tatzi, toutes les copulations gériatriques qu'il leur a perpétrées à ces dames vieillardes. Il se met à jour. Se venge le zob compromis dans trop de pots pourris. Il en peut plus de ces tarderies non-mouillantes qui sont obligées de se lubrifier avec Astra. Plus de ça, Lisette ! Il liquide et s'en va, Amédée. Il a des instincts égorgeurs tout soudain ; l'est devenu Jack l'Eventreur, le Vampire de Dusseldorf, Petiot, Landru, Vacher le tueur de bergères. La manière qu'il l'assaisonne, la douairière ! Par-devant et par douairière ! Vlan ! zim ! boum ! pif ! paf ! poum ! Au tas !

C'est seulement la fatigue qui l'arrête.

Exténué, modifié, hagard, haletant, il frappe encore la radasse, à petits shoots misérables. Un automate !

Et puis il s'arrête et contemple son œuvre : ce paquet de hardes éclaboussées de sang.

Mes sentiments, je te les passe sous silence. La honte me tarabate. J'ai comme une envie de gerber ma vie. Et puis celle des autres, en prime. De tous les autres, si pauvrement bipèdes, perdus dans la lente agonie de l'existence. Le monde n'est fait que pour les sadiques ; le reste doit se racler le pus avec un tesson de cruche.

Béru, pourtant collectionneur avisé de gnons, chtards, taquets, parpins, mandates en tout genre, croit devoir interviendre :

— Repose-toi un peu, Chourineur, la Mme chef pute est à point pour nous déponner sa cassette.

Mamie Tatzi, je te gage qu'elle en a morflé des dérouillées sévères au cours de sa vie aventureuse, des corrections de haute volée, si je puis dire. Des tabassées monstres qui lui laissaient des lunettes de soleil mémorables et lui boursouflaient les labiales, façon négresse à plateaux ; des roustes à grand spectacle à la suite desquelles elle béquillait pendant des jours, fêlée, luxée de partout ; mise à mal par ses tabasseurs soucieux de lui apprendre « à vivre ». Mais y a longtemps qu'on ne lui a pas infligé une telle trempe. Affalée sur le plancher, elle réussit à filer un reste d'œil valide sur son bourreau. Ses lèvres éclatées remuent à travers une bouillie sanglante :

— Je t'aurais pas cru capable de ça, Médée. Mais t'es donc un vrai jules.

Ce qui te prouve qu'elle a le tempérament profondément radasseur, la vioque. Sa réaction, c'est l'admiration. A bientôt soixante carats, elle déguste en gourmet la volée féroce. Pour un peu, elle prendrait un dernier panard superbe et en redemanderait.

— Ta gueule, fumière ! hurle le névropathe en lui décochant un coup de tatane dans les cerceaux. Grouille-toi d'ouvrir ton coffre ou je te crève !

Il la biche par le col de sa robe et la traîne devant la porte blindée.

La pauvre chérie tente de se soulever, mais n'y parvient pas.

— Je suis rincée, bonhomme ! elle bredouille. Ouvre-le toi-même, mon coffre, je te donne le numéro, regarde ce que t'as fait de mes mains…

Elle tente de présenter ses griffes tordues, n'y parvient pas et les laisse retomber.