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Malgré cela, j’étais partagé entre culpabilité et ravissement.

Je ne savais s’il me fallait rejeter ce viol ou me laisser aller à l’enivrement que la caresse me procurait. J’aurais voulu me révolter, le repousser, appeler à l’aide, mais mes défenses s’affaiblissaient à mesure que montait l’euphorie que générait la fellation.

Sa bouche allait et venait le long de mon sexe. C’était chaud, humide et prodigieusement bon. L’émotion qui me submergeait avait le goût pernicieux du paradis sur terre.

Très vite, j’ai joui.

Une répugnante décharge de plaisir m’a parcouru. Il a aspiré mon sperme et l’a avalé d’un trait. C’était délicieux et ignoble.

Il s’est relevé. Son sexe palpitait, dressé contre son ventre. J’étais confus, mes jambes flageolaient. Il a déclaré que c’était à mon tour.

L’espace d’un instant, j’ai songé à contester, mais j’ai pensé que je ne pouvais faire autrement, qu’il s’agissait de la procédure normale, que c’était la règle du jeu et que je ne pouvais me dérober.

Je me suis agenouillé.

Il a pris ma tête entre ses mains. Avec dégoût, j’ai senti son gland entrer dans ma bouche. J’ai pincé les lèvres pour restreindre le contact avec sa chair. D’une poussée, il a enfoncé son sexe au fond de ma gorge. Après quelques allers-retours, il s’est mis à râler, à gémir. Une giclée de sperme a envahi ma bouche. J’avais envie de vomir. C’était épais, âcre et javellisé.

Il m’a ordonné d’avaler. Un haut-le-cœur m’a soulevé. Il m’a traité de lopette et m’a asséné un coup de poing sur le sommet du crâne avant de quitter la cabine.

J’étais dans un état second. Des éclairs se bousculaient devant mes yeux. J’étais un pédéraste, un homosexuel, un moins que rien. J’avais commis le péché de chair.

Je tentais de refouler les images et les mots que l’on m’avait inoculés durant mon enfance.

Dieu voit tout, Dieu sait tout, même les choses les plus secrètes. Le Malin avait gagné, les flammes de l’enfer m’attendaient.

Je suis sorti de la cabine. Je ne savais si je devais en parler, me plaindre, me confesser, me confier.

Je n’ai rien dit. J’ai prétexté un malaise, je ne suis pas allé nager.

Je suis rentré chez moi.

Ma mère m’a trouvé pâle, bizarre.

Je me suis rendu à la librairie.

J’ai pris le vélo.

J’ai descendu la rue Ernest Gossart à toute allure. Mes jambes moulinaient, mon cœur battait, mon cerveau bouillonnait.

Dans la rue, les gens me dévisageaient comme s’ils savaient. J’avais encore le goût du sperme dans la bouche. Je me sentais humilié, sale et meurtri. J’aurais aimé revenir en arrière, tout recommencer de zéro, continuer à vivre normalement. J’avais envie de mourir. Je n’ai pas vu s’ouvrir la portière de la voiture.

Les témoins ont prétendu que je n’avais pas freiné. Je me suis réveillé aux urgences de la clinique Sainte-Elizabeth. Le médecin m’a annoncé que j’avais une commotion cérébrale et que j’avais eu beaucoup de chance.

La réponse de Dieu ne s’était pas fait attendre. Les suppôts du Juste m’avaient précipité dans une chambre obscure soustraite au moindre rai de lumière.

J’y suis resté quatre jours et quatre nuits.

16

En début d’après-midi

Au début du mois d’avril, l’équipe du service de neurologie se réunit sous la houlette du médecin-chef pour statuer sur l’état de X Midi.

Les études récentes menées sur les cas de Locked-in syndrome permettaient de classer ceux-ci en trois catégories ; les LIS complets, les LIS incomplets et les pseudos LIS.

Dans le cas d’un LIS complet, le patient était victime d’une lésion primaire massive du tronc cérébral. Durant les premiers mois, il ne parvenait qu’à ouvrir et fermer une paupière, les deux dans certains cas.

Lorsqu’il s’agissait d’un LIS incomplet, l’étendue de la lésion autorisait une récupération partielle d’un segment du cerveau et d’une partie d’un membre.

Le pseudo LIS était déclaré lorsque l’attaque se situait dans les hémisphères ou dans le cervelet et qu’elle ne lésait que secondairement le tronc cérébral.

L’étirement de la bouche et les faibles mouvements de rotation de la tête que les médecins avaient observés récemment chez X Midi signifiaient a priori qu’il sortait de l’état de LIS complet.

Il n’était plus tributaire de l’appareillage de ventilation artificielle et respirait grâce à la trachéotomie qu’il avait subie à son arrivée. Une canule était implantée à la base de son cou, entre le deuxième et le troisième anneau trachéal.

Ces quelques indices, bien que fragiles, permirent de répertorier le cas de X Midi dans la seconde catégorie. Il pouvait espérer regagner en motricité, pour autant qu’il ait accès à une rééducation intensive et multidisciplinaire. Une longue période de réadaptation débouchait dans le meilleur des cas sur une tétraplégie incomplète accompagnée de troubles de la parole et de la déglutition.

Dans la majorité des cas, le pronostic restait cependant défavorable. Un déficit neurologique d’une telle ampleur empêchait le sujet de manger et de se mouvoir et l’exposait à une multitude de complications qui étaient souvent responsables de son décès.

Le défi consistait à trouver un établissement équipé d’un service de rééducation neurologique prêt à accueillir X Midi et à gérer un cas aussi lourd. En temps normal, une recherche de ce type était une gageure, mais elle relevait du miracle au vu du tableau clinique pessimiste et du fait que la facture relative aux soins risquait de rester impayée.

Les médecins soulignèrent les éléments importants du dossier en détaillant les traitements administrés et les observations récentes et firent appel à l’assistante sociale pour qu’elle se mette en contact avec les institutions spécialisées.

Outre l’état neurologique dans lequel se trouvait X Midi, le rapport spécifiait qu’il était sous sondes alimentaire et urinaire, qu’il était atteint d’une tétra parésie, d’une paralysie ORL, d’une rétention urinaire qui exigeait une sonde à demeure, d’une incontinence anale et d’un encombrement de la canule de trachéotomie qui réclamait une aspiration régulière.

L’assistante sociale entama les démarches pour obtenir un lit, prête à batailler ferme contre l’inertie administrative et les protestations habituelles.

Elle ignorait que le LIS était une curiosité qui désorientait et intriguait le personnel médical de la plupart des hôpitaux dans le monde.

Trois jours après l’envoi de la demande aux différents centres du pays, deux institutions se déclarèrent prêtes à accueillir X Midi.

Il s’agissait de l’hôpital Brugmann, implanté à Laeken, dans l’une des communes bruxelloises, et de la clinique Derscheid, située à la Hulpe, dans l’agglomération sud de la capitale.