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Je suis monté à l’étage. Je me suis soigné d’une main, comme je le pouvais. La balle était entrée à hauteur de la tête de l’humérus, mais n’était pas ressortie. J’ai vidé un flacon de poudre antiseptique dans la plaie et posé un bandage. Chaque mouvement me faisait gémir de douleur.

Je me suis ensuite mis à la recherche de dope et de vêtements. J’ai avalé des dizaines de pilules et empaqueté quelques affaires qui se trouvaient dans une chambre inoccupée. Avant de m’en aller, je suis redescendu à la cave. Brian était toujours inanimé, mais son cœur battait et il respirait. Il avait les yeux révulsés et du sang sur le visage.

Un nouvel accès de colère m’a submergé. À coups de pied, de genou et de coude, j’ai détruit les guitares, la batterie et les amplis. De ma main valide, je me suis emparé des bouteilles alignées sur les étagères et les ai projetées à travers la pièce, saccageant tout ce que je pouvais.

Quand je suis remonté, quelques types se tenaient en haut des marches, le visage chiffonné de sommeil, les yeux agrandis de stupeur. Ils se sont gardés de descendre ou de m’adresser le moindre mot.

En milieu de matinée, j’ai fait irruption dans le restaurant de Clerkenwell Road. Il venait d’ouvrir. Je n’ai pas commandé le plat du jour. J’ai lancé le mot de passe au serveur qui venait à ma rencontre en lui précisant qu’il s’agissait d’une urgence.

Il m’a conduit dans l’arrière-salle où trois hommes attablés lisaient le journal. J’ai mis mes pièces d’identité et une liasse de billets sur la table. J’ai déclaré qu’il me fallait de nouveaux papiers avant la tombée de la nuit. J’ai posé un second tas de billets à côté du premier et leur ai demandé de me trouver un médecin pour extraire la balle que j’avais dans l’épaule.

Ils ont vu que j’étais déterminé et n’ont pas essayé de négocier. L’un des hommes s’est levé, a empoché l’argent et m’a demandé de repasser vers minuit.

J’ai quitté le restaurant et je me suis rendu dans plusieurs pharmacies pour me procurer des antiseptiques, des antidouleurs et des boîtes de bandages. Je me suis réfugié dans le métro durant le reste de la journée. J’en sortais de temps à autre pour pénétrer dans un bar et changer mes pansements aux toilettes.

La plaie cessait peu à peu de saigner, mais la douleur restait vive et je craignais que la blessure ne s’infecte.

En début de soirée, j’ai téléphoné à Birkin. La police avait débarqué chez le disquaire et avait interrogé tout le monde. Les flics connaissaient mon identité, celle qui figurait sur mes faux papiers. Birkin ne savait pas ce qui s’était passé et n’avait pas de nouvelles de Mary.

Je l’ai remercié, lui ai dit adieu et j’ai raccroché.

Le soir même, j’avais mes nouveaux papiers. Je m’appelais à présent René Schnegg, citoyen français, né à Colmar le 31 juillet 1945.

Ils avaient également trouvé quelqu’un pour me soigner, un vétérinaire d’une soixantaine d’années dont le nez rubicond en disait long sur sa dépendance à l’alcool. Il a chaussé une paire de lunettes surmontée d’une lampe frontale, m’a administré une anesthésie locale et m’a charcuté l’épaule. Les trois Italiens observaient la scène en grimaçant.

Il est parvenu à extraire la balle et a recousu la plaie. Le projectile avait endommagé l’articulation et il émettait des réserves quant à une guérison complète sans une solide rééducation. Selon lui, je garderais une gêne dans certains mouvements.

J’étais loin d’imaginer que son pronostic se vérifierait et que plus jamais je ne pourrais jouer de la batterie.

Les Italiens avaient dû être satisfaits de la somme d’argent que je leur avais donnée, ils m’ont hébergé dans une chambre spartiate située à l’étage du restaurant.

Je me suis tourné et retourné sur le lit grinçant sans pouvoir trouver le sommeil.

Le lendemain matin, j’ai pris le premier train pour Glasgow. L’aéroport de Londres était sûrement sous surveillance et je me serais fait alpaguer si j’y avais mis les pieds.

Je comptais prendre un vol à destination de San Francisco en aménageant quelques étapes pour brouiller les pistes. Ma nouvelle identité diminuait le risque de me voir arrêté, mais j’étais à présent recherché pour meurtre et je devais faire preuve de la plus grande prudence.

Arrivé à Glasgow, je me suis rendu en taxi à l’aéroport de Prestwick. Dans le hall, une plaque commémorative relatait que l’aéroport était le seul lieu britannique dans lequel Elvis Presley avait posé les pieds, en 1960.

J’ai acheté un billet pour Genève. Le vol ne partait qu’en fin d’après-midi. Je me suis allongé dans un coin du hall où j’ai tenté en vain de m’endormir.

Je tremblais de fièvre, une douleur aigüe et lancinante me traversait l’épaule.

À mon arrivée à Genève, je me suis rendu au guichet de la Pan Am pour acheter un billet pour New York. Mon regard a été attiré par une affiche qui représentait un saxophoniste en gros plan. Elle annonçait un festival de jazz qui débutait la semaine suivante à Montreux.

J’ai changé mes plans et j’ai pris le train pour Montreux. Deux heures plus tard, je suis arrivé à destination. Je suis descendu du train.

J’étais seul sur le quai.

Ce n’est qu’à ce moment que j’ai pris conscience que j’avais tout perdu en l’espace de quelques heures, la femme que j’aimais, mon meilleur ami, mon identité et ma dignité.

65

L’homme referma les yeux

Dominique mit près d’un mois pour parvenir à déchiffrer l’énigme que X Midi lui avait posée.

CEM XL.

Sans un coup de pouce du hasard, il n’y serait sans doute jamais arrivé.

Il s’était tout d’abord cassé les dents sur les trois premières lettres, pensant qu’il s’agissait d’une abréviation. Il avait parcouru des dizaines d’annuaires dans le but de trouver à quel sigle ces lettres correspondaient.

Selon le type de publication, il s’agissait d’un cours élémentaire moyen, d’un chef d’état-major, d’une entreprise spécialisée en technologies microondes appliquées ou d’un algorithme de classification automatique.

Quant au XL, il était persuadé que ces lettres signifiaient Extra Large, au sens propre ou au sens figuré.

C’est lors d’une séance de soins avec l’une de ses patientes qu’il se rendit compte que ces dernières lettres pouvaient avoir une autre signification.

Lorsqu’il interrogea la femme sur son âge, son parcours et ses origines, celle-ci lui répondit qu’elle était née à Ixelles et qu’elle y avait passé la plus grande partie de sa vie.

Dans un premier temps, il ne prêta pas attention à cette information et n’établit pas de lien. Ce n’est qu’à la fin de la séance que l’information frappa son esprit et qu’il demanda à la femme de répéter le nom de sa commune d’origine.

Après s’être exécutée, elle lui apprit qu’Ixelles était l’une des dix-neuf communes bruxelloises et que ce nom était régulièrement écrit à l’aide des simples lettres XL, y compris dans certains documents officiels.