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L’homme parut hésiter.

Il demanda à Stern de répéter la dernière phrase. Pendant qu’il s’exécutait, Stern en déduisit que Berger n’était pas au courant de la mort de l’agent artistique. Il lui expliqua que le corps de Karl Jürgen avait été retrouvé au début du mois de février par la police fluviale de Berlin.

L’homme marqua le coup et resta silencieux quelques instants.

Lorsqu’il reprit la parole, il interrogea le journaliste sur sa version des faits, il voulait connaître les conclusions auxquelles il était arrivé.

Stern lui parla des mots fantômes et du lien qu’il avait établi avec les événements de Ramstein.

L’homme se mit à bafouiller au téléphone.

Son discours devint bruineux. Il parla d’hélicoptère, de soldats, de la guerre du Vietnam puis déclara que sa vie était en danger, que les hommes qui étaient derrière ce complot étaient capables de tout et n’hésiteraient pas à l’éliminer.

Stern abonda dans son sens et répéta qu’il voulait l’aider.

L’homme haussa le ton. De quelle manière le journaliste pouvait-il l’aider ?

Stern s’appliqua à garder un ton apaisant.

La meilleure manière de neutraliser ces hommes était de révéler leurs agissements au grand jour. C’était la seule option raisonnable.

L’homme répondit qu’il allait réfléchir. Il raccrocha avant que Stern ait pu ajouter quoi que ce soit.

82

Ma vie normale

J’ai tourné et retourné l’information pendant les jours qui ont suivi.

Comment ce journaliste était-il parvenu à remonter jusqu’à moi ? Était-ce un piège ? Devais-je l’appeler ou m’abstenir ?

J’ai commandé le Belfast Telegraph. Le nom de Michael Stern figurait dans la liste des contributeurs, ce qui ne signifiait pas pour autant que ce soit lui que Gunther avait rencontré.

Un soir, j’ai formé le numéro du journal. Il était tard, il ne restait qu’une permanence. Michael Stern n’était pas là. Le journaliste de garde m’a demandé s’il devait laisser un message. J’aurais bien aimé lui demander si Stern s’était rendu à Berlin en novembre de l’année passée, mais je n’ai pas trouvé les mots.

J’ai continué à commander le journal. Dans l’édition du 26 février, Michael Stern signait un article relatant une réunion qui s’était tenue à Dubaï.

Le surlendemain, lors de notre rencontre hebdomadaire, Andy m’a annoncé qu’il quittait Montreux. Il avait décroché un job dans un hôtel à Vienne et partait début mars. Il voulait poursuivre son tour du monde et découvrir les peintres viennois du début du siècle pour étudier leurs techniques.

Je me suis décidé le lendemain. Je suis allé dans une cabine téléphonique et j’ai appelé Michael Stern.

L’homme n’a pas semblé surpris de m’entendre. Il est resté calme et sa voix m’a apaisé. Je lui ai posé quelques questions pour m’assurer que j’avais affaire à la bonne personne.

Il connaissait bien l’affaire, même si j’étais allé plus loin que lui dans la compréhension des procédés que les hommes du studio avaient mis au point.

En revanche, il me fit part d’une nouvelle que j’ignorais et qui confirmait la thèse que nous partagions. Karl, l’homme qui avait organisé l’enregistrement et m’avait accueilli à l’entrée du studio, avait été retrouvé mort, noyé, à Berlin. Il avait disparu depuis près d’un an, à la même période que les membres de Pearl Harbor.

Stern m’a proposé de révéler l’affaire au grand jour et promettait de m’aider. Pour lui, c’était la meilleure façon de neutraliser ces hommes et de me protéger.

À la fin de notre conversation, les choses sont devenues confuses dans ma tête. Je lui ai répondu que j’allais réfléchir.

Après avoir raccroché, j’ai appelé Andy pour lui annoncer que je partais avec lui à Vienne. J’avais peur qu’il refuse, mais il a accepté.

Je n’ai pas communiqué ma décision au directeur de l’hôtel. Je me sentais en danger. Ces hommes ne pouvaient ignorer qu’ils avaient commis une erreur sur la personne, ils devaient à présent me rechercher. Si un journaliste était parvenu à me retrouver, ils y parviendraient aussi.

Durant les jours qui ont suivi, j’ai préparé mon départ. Andy avait un appartement meublé qui l’attendait à Vienne. Il l’avait obtenu grâce à l’une de ses tantes. Andy faisait partie d’une grande communauté dont les membres avaient appris à s’entraider. Il voulait bien m’héberger en attendant que je trouve un job et un logement.

Le lundi 11 mars, j’ai rappelé Michael Stern dans la matinée. J’avais préparé ce que je voulais dire. Cette fois, c’est moi qui ai parlé.

Je lui ai dit que j’avais rédigé un document qui retraçait les faits et démontrait qu’il s’agissait d’un complot. De plus, mon texte faisait la lumière sur le procédé que les hommes avaient mis en place pour manipuler les masses. L’ensemble représentait une centaine de pages et fourmillait de détails.

Il a paru impressionné. Nous avons convenu de nous retrouver à Londres le lundi suivant, le 18 mars.

Il serait à l’aéroport et assurerait ma sécurité. Dans l’après-midi, il me donnerait l’occasion de rencontrer certains de ses confrères de la presse londonienne. En début de soirée, il organiserait une entrevue avec quelques personnalités politiques influentes pour que nous puissions révéler le scandale et déjouer le complot.

Il m’a conseillé d’être prudent et de prendre garde à mes notes.

Ce furent ses derniers mots.

L’après-midi, Andy et moi avons pris le train. Le soir, nous étions à Vienne où nous nous sommes installés. Il bénéficiait d’un appartement coquet dans le quartier du Prater. Je voyais la grande roue de sa fenêtre.

Dès le lendemain, il m’a emmené visiter les différents musées viennois. Il passait d’une œuvre à l’autre, s’extasiait, se déhanchait, s’agenouillait, se relevait, collait son nez sur la toile, me racontait une anecdote sur l’artiste ou me commentait la technique utilisée.

Lors de notre visite au Belvédère, son effervescence a atteint les sommets. L’œuvre majeure du musée était le Baiser de Gustav Klimt. La toile était mise en valeur dans une vitrine dont l’éclairage faisait ressortir les couleurs et les ors du tableau. Selon Andy, il existait une épreuve plus audacieuse que le maître avait réalisée quelques années avant celle-là et qui avait mystérieusement disparu.

Je faisais mine de l’écouter, mais je ne pensais qu’à l’échéance du 18 mars. Ma décision était prise. Une fois libéré de mon secret, je rentrerais chez moi et je me livrerais à la justice.

J’étais persuadé que le battage qui allait entourer mes révélations agirait comme autant de circonstances atténuantes et provoquerait la clémence du jury.

Une fois mes fautes expiées, je pourrais reprendre ma vie normale.