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Manu le pousse dès que la porte du coffre s’entrouvre, braille en y plongeant les mains:

– Putain, mais c'est plein de trucs, j'y crois pas une seule seconde comme il a pas fait chier son monde pour l'ouvrir, son bordel.

Le monsieur est debout face à Nadine, il tend ses deux mains:

– Le moment est venu de m'attacher, je crois.

Il n'a pas peur. Il s'est mis en tête qu'elle allait l'attacher. Ça fait sourire Nadine, en fait ça ne l'étonné pas de sa part. Il apprécierait même sûrement beaucoup qu'elle le ligote solidement.

Il n'imagine pas un seul instant qu'elles puissent lui faire du mal. Il tend ses poignets, trouve la journée excitante.

Est-ce qu'il a eu peur une seule fois depuis qu'elles sont entrées? Est-ce qu'il les a prises au sérieux une seule seconde?

Il insiste, à l'intention de Nadine, qui l'inspire décidément.

– Ce n'est pas le moment, mais je suis désolé, vraiment, de ce que le destin ne nous ait pas fait nous croiser… en d'autres circonstances.

Nadine se tait. Ils sont debout l'un en face de l'autre. Elle a envie d'aller contre lui, qu'ils jouent encore un moment. Qu'il soit courtois, respectueux, beau et galant.

Elle le détaille. Elle a envie de lui.

Il est en face de deux furies qui défraient la chronique à tirer dans le tas et il leur fait la conversation. Il est persuadé d'être épargné. De passer au travers, cette fois encore.

Dans son dos, Manu vient braquer son canon sur sa nuque. Elle dit:

– Toi, on va t'apprendre ce que perdre veut dire.

Il se raidit quand même. Nadine l'attrape par l'oreille, le force à s'agenouiller. Il s'exécute sans résister. Elle le soupçonne décidément d'y trouver un certain plaisir. Elle parle à travers ses dents, fulmine:

– Vu d'ici, t'as déjà moins bonne mine. Fils de pute, le pire c'est que t'as assez d'assurance pour en mettre plein la vue, et j'ai bien failli te laisser la vie sauve. Mais je crois que ça va me faire du bien de t'éclater, je crois que je vais vraiment prendre mon pied.

Il a mis du temps à paniquer. Un sacré temps. Mais ça lui vient maintenant. Ses yeux supplient, il implore de plus en plus bruyamment. Il cherche à se relever, elle le cogne avec la crosse de son flingue, lui fait comprendre que c'est à genoux que ça se passe. Elle s'adresse à Manu, toute la pression qu'elle a contenue jusqu'alors éclate et elle est assez hystérique:

– Il se fout de notre gueule, ce connard se fout de notre gueule.

Elle lui assène un coup de pied dans la face. Se recule pour le contempler. Il beugle à gros sanglots. Manu se penche sur lui, caresse sa nuque, répète tendrement:

– On est juste passées t'apprendre ce que perdre veut dire.

Il supplie qu'elle le laisse en vie, s'accroche à Manu comme un môme et balbutie:

– Ne me tuez pas, je vous en prie, ne me tuez pas.

Elle se redresse et déclare avec mépris:

– Non, je ne tue pas.

Il s'affale par terre en sanglotant, elle s'éloigne de lui, dit à Nadine en passant:

– La grosse, tue-moi ce connard.

De profil, le bras bien tendu. La balle s'enfonce à la base du nez. Le corps se secoue puis s'apaise complètement. Il se répand comme un sac à ordures malencontreusement déchiré qui laisserait échapper des ordures rouges et brillantes.

Manu sort tout ce qu'il y a dans le coffre. Les bras pleins de sacs et de papiers divers, elle commente:

– C'est classe comment tu tires, juste d'une main et très droite. Très Ange de la vengeance, j'aime bien. Tu progresses, grosse, toutes mes félicitations.

Puis elle passe tout ce qu'elle a dans les bras à Nadine, la petite vient d'avoir une idée et elle en jubile à l'avance. Elle baisse son fute, s'accroupit au-dessus de la tête de l'architecte et l'arrose de pisse en bougeant son cul pour qu'il en prenne bien sur tout le visage. Les gouttes dorées se mêlent au sang par terre et lui donnent une jolie couleur. Déplacée. Elle susurre niaisement:

– Tiens, amour, prends ça dans ta face.

Nadine la regarde. Elle trouve ça pertinent. Elle pense qu'il aurait sûrement apprécié l'hommage à sa juste valeur.

26

Elles ferment la porte de la pièce au coffre, fouillent partout, renversent beaucoup de choses, en cassent d'autres. L'endroit perd de sa superbe en quelques minutes. Ça rassure Nadine, qui déclare:

– C'est vraiment que de la frime de façade: trois coups de pied, deux mouvements et c'est réglé.

Elles alignent les bouteilles d'alcool fort sur la table basse, dévalisent le congélateur et se disputent la télécommande.

Elles discutent longuement du cas de l'architecte. Manu demande finalement:

– T'avais envie qu'il te fourre, non?

– Oui. À m'en faire mal au ventre.

– T'aurais pu tenter le coup sans problème, il était assez affolé du neurone pour trouver ça pertinent. Il était branque, ce type, sérieusement branque… T'as vraiment envisagé de l'épargner?

– Je sais pas en fait. Oui, je crois.

– Tu regrettes?

– Bien sûr que non. Au contraire, c'était indigne ce soupçon d'hésitation. Mais t'aurais dit quoi, si je t'avais demandé de pas lui faire de mal?

– J'aurais rien dit. J'suis pas assoiffée de sang au point de te contrarier la libido… D'un certain point de vue, ça m'aurait contrariée, je veux pas y aller de mon couplet marxiste, mais j'aurais pas trouvé moral qu'on épargne le seul vrai bourge qu'on croise.

– J'aimais bien comment il me parlait. Très salon.

– T'es jamais que la plus servile de toutes les truies de la porcherie. Prête à te vautrer dans la première marque d'affection qu'on daigne te manifester, à plus forte raison si ça vient de chez les nantis. Il était à chier contre, ce tocard, à chier contre. Ou à pisser dessus, quoi…

– Ça se peut… Au final, je suis bien contente d'avoir vu la couleur de son sang.

Quand elle a trop mangé, Nadine s'allonge sur le dos et attend que le mal de ventre passe. Manu fait un tour aux chiottes, se fait vomir et revient manger encore un peu. La petite résume:

– Demain, on va voir Fatima. Et ensuite on s'arrache. J'y crois pas une seule seconde, tout va se passer comme prévu.

– Ça lait bizarre quand même, ça fait pas très réel. C'est notre dernière nuit.

– Suffira d'un pas en avant.

Quand Manu est trop raide pour parler, Nadine pousse le volume à fond. Vu la taille du jardin, les voisins ne risquent pas de se plaindre du bruit. Face à la chaîne, elle se déhanche en chantant à tue-tête:

Too many troubles on my mind. Refuse to loose.

Elle se voit dans une glace, se trouve belle. C'est la première fois qu'elle pense ça en se voyant. Maintenant, c'est vrai puisqu'il n'y a plus qu'elle pour en juger. Elle n'a plus à se demander ce qu'en penserait son voisin de palier. Elle a fait un trait sur tous les voisins de palier.

Allongée sur le ventre devant la télé, elle enclenche une cassette porno qu'elle a trouvée entre un Bunuel et un Godard. Elle monte le son de la télé à fond, comme ça elle entend en même temps la télé et sa cassette.

Elle rapproche un fauteuil de l'écran à coins carrés. Deux filles, une brune et une blonde, sucent un mec. La blonde prend les choses en main et le travaille avec frénésie. Plus moyen pour la brune d'y mettre un seul coup de langue. Du coup, elle se tripote les seins à genoux à côté d'eux.

Manu émerge péniblement, tend la main pour que Nadine lui passe la bouteille de scotch. Elle rapproche son fauteuil à côté de l'autre. S'exclame:

– Quelle acharnée de la pine la blonde, je voudrais pas être à la place de l'autre, c'est carrément de la figuration.

Elle enlève son pantalon, se met à l'aise. Se caresse avec la paume sans enlever son slip, se branle avec méfiance, le film ne la convainc pas trop.