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Il fait soleil très blanc, trop de lumière, brûle les yeux.

Au centre-ville, elles rentrent dans un Mac Do. Manu agresse le serveur en costume vert en hurlant: «Je veux de la viande, pas du chat dans mes hamburgers.» Puis elle se calme et s'occupe de se tripoter les tétons pour qu'ils ressortent sous le tee-shirt en attendant qu'il les serve.

Deux gamins rouillent devant le fast-food, la petite leur tend à chacun un pascal «pour qu'ils s'amusent un peu». Ensuite, elle parle d'un acteur noir qui fait un truc de ce genre dans un film. Elle s'énerve toute seule parce qu'elle n'en attrapera jamais de comme ça:

– Te faire enfiler par ce genre de type, ça doit être cool. Et faut pas déconner, une fille comme moi aurait bien mérité ça. Toi aussi, d'ailleurs. On aurait mérité ce qui se fait de mieux en matière de queue. Faut pas déconner.

Elle fait tomber de la sauce plein son tee-shirt, l'étale en voulant l'essuyer. Elle jette son hamburger sur le trottoir en insultant sa mère.

Une dame d'une cinquantaine d'années qui porte des lunettes rondes à montures dorées et des sandalettes dorées s'arrête pour lui faire remarquer d'un ton pincé «qu'elle pourrait quand même jeter ses ordures dans les poubelles prévues à cet effet». La petite baisse un peu ses lunettes noires pour bien la voir, demande:

– C'est toi qui nettoies le trottoir, la vioque?

La dame la traite de poufiasse. Ça laisse Manu sans voix. Pas du tout la réponse à laquelle elle s'attendait.

La dame s'énerve immédiatement et l'insulte en des termes très modernes. Nadine l'écoute un moment puis dit:

– Surprenante, vraiment.

Elle lui retourne une grande claque très sonore. Puis prend Manu parle bras. La petite résiste un peu, elle resterait volontiers:

– J'y crois pas une seule seconde. Moi, je crois pas qu'elle méritait une claque. T'as entendu ça?

Il fait vraiment chaud, de la sueur chaude qui mouille les tee-shirts.

Elles s'arrêtent dans une épicerie pour acheter de la bière qui sort du Frigidaire et qu'elles boivent vraiment vite puisque ça fait du bien.

Encore une phase d'abrutissement, elles rigolent de plus en plus franchement.

Elles passent devant un square vide, Manu insiste pour qu'elles s'y arrêtent:

– Sérieux, c'est le square le plus chouette du monde, on finit nos bières ici.

– Ça craint de s'arrêter, appel au contrôle d'identité.

– Non. Et quand bien même, on fera comme si on avait rien à se reprocher et tout se passera bien. Laisse-toi pousser les couilles, grosse, faut pas se laisser aller. On va s'asseoir là et attendre tranquilles que ça se passe, et tout ça va se passer très bien.

Elles s'assoient sur un banc à l'ombre des arbres. Il fait plutôt bon et la bière n'est pas encore trop chaude. Manu s'étire:

– Parfait. Putain, il était bien, le garçon du premier soir. Ce serait chouette qu'on en recroise un comme ça. Ce serait chouette de croiser des garçons.

– J'attraperais bien un gamin, moi. Comme celui à qui j'ai filé un walkman.

– C'est marrant que tu dises ça, j'y pensais. Un garçon jeune et dénué d'expérience.

23

Brasserie immense et plutôt chic. Serveurs en costumes noirs et blancs. Toutes les deux au comptoir, assises sur des tabourets hauts devant des verres de cognac ridiculement grands pour ce qu'ils sont remplis. Manu a une jupe tellement courte qu'on dirait qu'elle n'en a pas une fois qu'elle est assise. Ras la foune et le chemisier ouvert sur un de ces soutiens-gorge multicolores dont elle a le secret.

Elles ont ouvert l'oeil sur le chemin, mais pas croisé de garçon jeune et envisageable.

Un type bedonnant et moitié chauve en costard bleu s'assoit à côté d'elles. Sourire bovin. Manu interroge brièvement Nadine du regard, elle répond:

– J'ai un avis mitigé: ce serait vraiment du vice, mais ce serait vraiment du vice. Je suis pour au final.

Manu se penche vers lui comme il lui parle. Se plaint de la chaleur en aggravant l’échancrure de son corsage pour s'éventer comme une brute. Il lui fait des compliments sur son sourire. Concupiscent. Il s'essuie la nuque assez souvent car il transpire comme un gros. Il respire fort en leur souriant béatement, découvrant sans remords ses dents jaunes et tachées. Pataud, abruti, grotesque et il pavane bravement. Doit décidément les prendre pour des connes pour oser faire du charme. Ou bien ne se rend pas compte, vraiment.

Mots d'esprit sordides et grimaces adipeuses. Aimable à force d'être lamentable, une question d'adaptation.

Il est pris de bourrées de chaleur dès que Manu l'effleure. Et elle ne l'effleure pas vraiment, elle se colle contre lui, lui fait sentir son ventre, bouge sa cuisse contre la toile de son costume et lui fait voir ses dessous sous n'importe quel prétexte.

Elle a l'alcool un peu brutal, et elle est visiblement excitée de le trouver si repoussant et de se frotter tout contre.

Nadine minaude gentiment et baisse les yeux quand il la prend pour la première fois par la taille. Comme elle la joue plus hésitante et pétasse que sa collègue, il va plus volontiers vers elle.

Manu observe, demande au monsieur de remettre la même et profite de ce qu'il tâche d'attirer l'attention du garçon pour déclarer:

– De toutes façons, plus t'es conne, mieux ça le fait. J'ai mis du temps à le croire…

Nadine soupire, hausse les épaules et répond:

– Faudrait se mettre à leur place. C'est pas possible qu'ils voient les choses comme elles sont.

Comme le type a réussi à passer commande, il s'intéresse à la conversation, lance un joviaclass="underline"

– Qu'est-ce que vous dites, les filles?

Manu le dévisage, plus du tout coquine, elle aboie:

– Que tu pues de la gueule!

Le monsieur pense qu'il a mal compris, ou manqué quelque chose. Nadine rit. Manu le prend par le bras, lui dit gaiement:

– Toi, t'as l'air d'un mec qui a l'esprit large; alors moi et ma copine, on va pas tourner autour du pot trop longtemps. On cherche un partenaire compréhensif, on va à l'hôtel, on fornique bien comme il faut et on se quitte. Ça te semble possible?

Nadine se pend à son deuxième bras, explique très gentiment:

– Si ça te dérange pas, chéri, on va baiser plutôt que discuter: on a plus de chances de s'entendre.

Il bredouille, puis glousse comme une vierge tentée, à part qu'à la commissure des lèvres il a de la salive blanche presque solide. Comme de la morve de bouche. La formule qu'elle a utilisée le trouble énormément. Il doit faire un effort pour rassembler ses esprits.

En tout cas, il n'a pas fait le rapprochement entre elles et les deux filles des actualités. Il est partagé entre plusieurs émotions: il exulte parce qu'il va se les taper toutes les deux et il est du genre très vicieux et pas assez friqué pour aller voir des pros. Il est un peu décontenance parce qu'elles sont trop directes. Tant de vice servi sur un plateau, c'est louche. Il choisit de penser que c'est jour de chance. Il est un peu déçu aussi parce que ça aurait été mieux s'il avait dû un peu les baratiner, avoir l'impression de les forcer un peu. Mais il se dit que rien n'est parfait.

Il ne leur en veut pas du tout d'avoir de drôles d'allures; tout ce qu'il assimile, c'est qu'elles sont des filles. Et qu'il va se taper les deux.

Il paie la chambre d'hôtel. Il précise que ce sont ses nièces à la réceptionniste, une Polonaise rose qui ne lui avait rien demandé et qui l'écoute à peine. Parce qu'il a quand même honte de monter faire ça à trois. Manu et Nadine le regardent sans rien dire, légèrement consternées.

Dans l'ascenseur, il pelote Manu par petits gestes brusques, comme pour s'assurer que c'est bien vrai et qu'elle ne proteste pas. Même pas pour la forme. L'excitation lui grille les neurones et lui dilate les narines. Il est incendié et pas beau à voir. Ses yeux sont exorbités et ses mains ne tiennent plus en place, il a l'air possédé, en transe. Il fait partie de ces garçons qui se contiennent mal une fois qu'ils s'excitent trop. Nadine l'observe haleter et avaler sa salive, ses yeux chercher la sortie de l'orbite. Jamais les filles ne s'excitent comme ça juste à l'idée de la besogne. Elle en conçoit un peu d'envie, en même temps qu'un certain dégoût.

Manu se laisse toucher complaisamment, sans rendre aucune caresse, mais elle aime bien le sentir faire et le voir dans cet état.

Elle déclare quand l'ascenseur arrive:

– Putain, c'que ça transpire par cette chaleur, il est tout visqueux, ce gros con.

À l'attention de Nadine. Avec un naturel tellement déconcertant qu'il ne relève pas la réplique. Il a l'air de penser à autre chose.

Nadine regarde la main de Manu sur la toile bleue. À travers, on devine la forme du sexe qui a pris du volume. Tout le volume qu'il peut, du moins. Et elle regarde les doigts courir le long de la fermeture. Le poignet monter et descendre avec persuasion. La main du monsieur qui pétrit les seins avec vigueur. La petite se cambre bien pour qu'il puisse la tripoter à son aise.

La chambre d'hôtel est tapissée de fleurs orange. Ça la rend familière, semblable à toutes les chambres d'hôtel minables. Le papier se décolle par endroits, le couvre-lit rose est maculé d'auréoles brunes.

Debout face au monsieur, Manu se déshabille, les yeux rivés sur lui, qui ne la regarde jamais dans les yeux. Elle a le geste mécanique et sûr, sensualité exagérée de professionnelle. Pas besoin d'y mettre beaucoup de conviction pour que ça fasse son effet. Il est littéralement hypnotisé.

Appuyée contre le mur, Nadine les regarde fixement.

Le monsieur attire Manu contre lui, enfonce son gros visage dans son ventre, la lèche avec ardeur en l’appelant «ma petite fleur». Il la tient par les hanches, une épaisse gourmette lui scintille au poignet, il est un peu poilu aux doigts. Ses ongles carrés s’enfoncent dedans sa chair. Il écarte les lèvres de son ventre avec son nez et se fourre dedans.