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Pendant un moment, la petite le regarde de loin, caresse sa tête pensivement. Comme surprise de le découvrir là et désolée d'être incapable d'aimer ça. Et, à cet instant, elle ne lui veut pas de mal, elle ne le méprise pas.

Nadine se branle doucement contre la couture de son Jean, ne lâche pas des yeux les mains qui arpentent nerveusement Manu.

La petite s'écarte doucement de lui, s'appuie contre le bord de la petite table. Prend ses cuisses et les écarte largement. Ongles vernis sur l'intérieur des jambes jouent autour de l'éclaboussure. Puis s'y attardent et s'y enfoncent. Elle se retourne sans s'interrompre, passe un doigt de l'anus à la vulve. De côté, elle regarde Nadine qui s'est laissée glisser accroupie contre le mur. Elles ne sourient ni l'une ni l'autre, elles font quelque chose de sérieux et d'important. Elles ne pensent à rien de précis.

Le monsieur est resté assis, les yeux écarquillés. Il fouille dans sa veste, prend un préservatif, se lève et vient derrière Manu. Avant de la pénétrer, il entreprend de se couvrir le sexe. Manu se retourne et le saisit au poignet:

– Que ta bite. Sans rien.

Il tente de lui expliquer qu'elle n'est pas dans le coup. Que c'est stupide, même pour elle, de faire ça sans précaution. Elle vient contre lui, de dos, bouge son cul contre lui. Il résiste un peu faiblement, se laisse branler et proteste sans conviction. Se met à lui caresser le cul en répétant que c'est par là qu'il veut la prendre, lui balancer toute sa purée.

Brusquement, Manu va s'asseoir. Elle dit:

– Tu bandes mou. Ça me fatigue.

Elle sort la bouteille de son sac, en boit un peu, la tend à Nadine. Puis elle allume une clope. Le type les trouve quand même désagréables à force d'être bizarres. Il pense à se barrer, mais sa libido ne le laisse pas faire: une si belle occasion! Il s'assoit à côté d'elle et propose timidement, mais il est prêt à insister:

– Je ne sais pas ce qui se passe. Peut-être que tu pourrais… Peut-être qu'avec la bouche?

Il s'est mis en tête qu'il pouvait se faire sucer sans préservatif. Il se trouve assez malin.

Elle écrase sa cigarette et répond:

– T'as de la chance que j'aie de la conscience féminine et le goût du travail bien fait. C'est pas l'envie qui me manque de te foutre dehors.

Et, sans transition, elle le prend dans sa bouche et le travaille vaillamment. Le monsieur se tourne vers Nadine, pour un peu de réconfort moral. Il s'est mis en tête qu'elle était plus gentille que la petite et il attend quelque chose d'elle.

Elle le regarde sans bienveillance. Quelque chose d'exagéré chez lui, trop loin dans la connerie.

Manu est à genoux entre ses jambes. Elle l'aspire consciencieusement et, par habitude, lui caresse l’intérieur des cuisses. Il dit: «C'est bon, tu vois, ça vient», en jouant avec ses cheveux. Puis la tient plus fermement et lui enfonce bien au fond de la gorge. Elle cherche à se dégager, mais il a bonne prise et envie de lui cogner la glotte avec le gland. Elle lui gerbe entre les jambes.

Couchées sur le dos en quelques secondes, elles mettent une bonne minute à arrêter de rire.

Il est au lavabo, se nettoie en fulminant.

Elles suffoquent quand elles le voient si furieux. Il s'emporte:

– Je ne vois pas ce que ça a de drôle. Vous êtes vraiment…

Il cherche ses mots pendant qu'elles répètent inlassablement: «Avalé de travers», et la formule a un gros succès.

Lui s'emporte dans son coin et les traite de sales petites putes dégénérées en se rhabillant rageusement. Au moment où il sort, Manu cesse de rire et lui barre le passage:

– Sales petites putes dégénérées, c'est joliment trouvé et même très adéquat. Mais c'était pas à toi de le trouver, connard. Et on t'a pas dit de partir.

Il proteste qu'elles ne lui avaient pas dit qu'il fallait payer, qu'il n'a pas d'argent sur lui et que, de toutes façons, elle a du toupet de lui demander de l'argent après ce qu'elle a fait. Manu lui écrase son poing sur la gueule, du plus fort qu'elle peut, elle hurle à voix basse. Les traits déformés par la colère, sa bouche tordue tellement elle se tend quand elle lui parle, mais elle fait attention à ne pas faire trop de bruit:

– Est-ce que j'ai parlé d'argent?

Il ne réagit pas. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle le frappe. Il n'a pas l'air de bien supporter la violence, il est comme paralysé. Il ne protège même pas son visage et ne cherche pas à se défendre. Nadine le cogne à la tempe avec la lampe de chevet. Elle laisse échapper un souffle rauque quand elle donne le coup, comme une joueuse de tennis. Il vacille, Manu lui saute à la gorge et le colle par terre. Elle ne fait pas la moitié de son poids, mais elle y met une telle conviction qu'elle le domine. Elle s'assoit à califourchon sur lui, le serre à la gorge. Comme il commence à crier, Nadine attrape la couverture, lui couvre la face et s'assoit dessus. Le corps bouge, mais elles sont solidement installées. Manu chuchote:

– Mec, ce qu'on a pas aimé chez toi, c'est la capote. Ta grave erreur, c'est la capote. On t'a démasqué, mec, et t'es qu'un connard à capote. On suit pas des filles qu'on connaît pas comme ça, mec. Ça aussi, fallait que tu le comprennes. Faut se méfier. Parce qu'en l'occurrence tu sais sur qui t'es tombé, mec? Sur des putains de tueuses de connard à capote.

Soubresauts. De la main, il tape frénétiquement par terre. Peut-être qu'il a fait du judo dans son enfance et ce geste lui revient, bêtement.

Nadine s'est relevée et elle le crible de coups de pied, comme elle a vu Fatima le faire dans la tête du flic. Plus elle tape et plus elle tape fort, elle sent parfois des trucs qui cèdent. À force, elle sent les muscles de ses cuisses travailler.

Elles s'agitent l'une l'autre jusqu'à ce qu'il soit absolument calme sous les coups.

Elles sont en nage et à bout de souffle quand elles s’arrêtent. Manu soulève un peu la couverture, fait une grimace dégoûtée et se lève.

Dans sa veste, elles trouvent un peu d'argent.

Côte à côte, elles se lavent les mains, remettent un peu de Ricils. Elles ricanent encore nerveusement en répétant: «Avalé de travers» et «connard à capote».

A la sortie de l'hôtel, personne ne leur fait de réflexion. Elles ont été aussi discrètes que possible.

Nadine insiste pour qu'elles prennent le train.

Dans la rue, elles sont reprises de fou rire, Nadine commence à avoir mal au dos et il faut qu'elle s'arrête pour récupérer. Manu secoue la tête:

– Putain, j'y crois pas une seule seconde. Ce connard croyait que j'allais lui avaler tout son foutre et je lui ai gerbe sur le chibre. Dommage pour lui. Au mauvais endroit, au mauvais moment…

24

Elles traversent tout le train à la recherche d'un compartiment fumeur. Elles s'installent, mais Manu repart aussitôt pour acheter des Bounty au wagon-bar.

Nadine met son walkman, s'intéresse au paysage. Il n'y a pratiquement personne dans ce train et la climatisation ne fonctionne pas. Sans les envies, c'est tellement plus facile. Surtout la nuit.

Manu la tire par la manche:

– Là où on va, c'est pas très loin de Colombey. On peut passer par la pharmacie, si tu veux, en revenant.

– Si on arrive à pécho les diams, on va direct à Nancy rejoindre Fatima, ça serait con de se faire capter avant de les lui rendre. Et pis on s'en fout de la pharmacie, je vois pas pourquoi on retournerait là-bas. Tu veux rentrer chez ta mère?

– Il a tué ton pote.

– Si c'était pas lui, ç'aurait été son frère.

– C'est con, j'avais une bonne idée de réplique. On serait entrées, on aurait regardé les bonbons, on se serait accoudées au comptoir, on aurait fait un peu les marioles et on aurait dit: «C'était un pote à nous, connard.» Et voilà.

– T'appelles ça une mortelle classe réplique?

– Ouais. Simple, mais efficace. Parfait, quoi.

– J'ai réfléchi à un truc: des témoins, on devrait en laisser le plus possible. C'est encore pire que de buter quelqu'un, laisser un rescapé. Un bon témoin et qu'il se débrouille avec ça. Il arrête plus d'en parler, ça le réveille la nuit. Après, à chaque fois qu'il fait chier son monde, il se souvient de ce moment et il se sent tout petit. L'angoisse vrillée aux tripes et pas moyen de savoir quand elle sort lui bouffer le cul. On a fait une grosse erreur tactique: on aurait dû laisser plein de témoins.

– Il te reste beaucoup de munitions, toi?

– Non. Assez pour deux jours. Tout dépend comment on consomme.

– Après qu'on a filé ce qu'on doit à Fatima, je voudrais retourner en Bretagne. Y avait des coins putain de chouette, des mortelles falaises… J'ai un peu réfléchi, entre sauter dans le vide et brûler vive; mais s'immoler, c'est trop prétentieux. Donc après le rencard à Nancy, je vote pour le saut sans élastique… C'est un miracle qu'on soît encore en circulation. Je préférerais finir tout ça aussi bien que ça a commencé et donner sa chute à la blague. Avant d'être encerclée, choisir un coin bien chouette.

– OK. Faudra me pousser pour sauter, je pense pas que j'aurai le courage. Je me rends pas bien compte.

– T'inquiète, je te pousserai.

Manu ouvre une boîte de bière qu'elle a rapportée du bar, ajoute:

– Fatima a accepté le deal des diams parce qu'après elle veut nous aider. Refourguer la came, et nous persuader d'essayer de nous sauver loin. Sont pas comme nous, ces deux-là, c'est des perdants mais version avec la foi. C'est pour ça, je préfère qu'on esquive juste après, pas de discussion.