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Si je ne réagis pas dans la seconde qui vient, il me perce. Son œil me vise soigneusement, sa main est ferme.

Alors, je sors mon feu. Il lève la main, je tire et me jette à plat ventre.

Un sifflement, un cri.

Je me relève ; le couteau vibre dans le bois de la porte, Seruti est affalé sur son bureau avec un gros trou dans la tête.

Ces calibres 45, ça ne pardonne pas.

— Pauvre cocu ! Je murmure.

Et c’est de moi que je parle.

Laisser échapper une pareille occase de se mettre au parfum, avouez que c’est sauvagement tartouze. Non ?

Seruti, c’était le témoin no 1. En m’y prenant bien, j’étais certain de le faire jacter. Les gars comme lui se mettent toujours à table lorsqu’on les invite d’une certaine manière.

Mais, la manière, je ne l’ai pas eue. J’ai tout raté en lui tendant sa bouteille de rye. L’alcool l’a brusquement dopé. Il lui a causé une réaction violente.

J’examine le cadavre.

Seruti est mort comme il n’est pas permis de l’être. J’ai idée que Maresco ne va pas aimer ça du tout, du tout !

J’entrouvre la porte. La musique fait rage. Personne n’a entendu mon coup de pétard, grâce à l’orchestre et à ses mambos.

Je quitte le bureau et referme la lourde.

Puis je longe le couloir. La salle est en pleine hystérie. C’est très bon, ça. J’enfonce mon bada sur mes yeux et je me mêle à la foule.

Il va y avoir un drôle de pet lorsque le meurtre sera découvert. Mieux vaut que je ne m’éternise pas ici davantage.

En loucedé, je quitte le Cyro’s.

Comme je vais en franchir le seuil, une pogne s’abat sur mon épaule.

Je sursaute et me retourne. Stumm est là, souriant.

— Alors, monsieur le commissaire, fait-il, cette enquête ?

— Elle se poursuit, dis-je.

— Vous avez fait une petite tournée d’inspection dans la salle ?

— Tout juste.

— Rien à signaler ?

— Rien.

— Vous avez vu que le tueur s’est manifesté une fois de plus ?

— J’ai vu.

— C’est moche.

— Très moche.

Il me regarde et renifle.

— Vous ne trouvez pas que…

— Que quoi ?

— Que ça sent la poudre ?

— Non, dis-je.

Il approche son tarin de moi d’une façon un peu cavalière. J’ai bien envie de le lui ramoner d’un coup de patte, mais je me contiens, mieux vaut stopper le massacre pour l’instant. D’un moment à l’autre, l’escogriffe du réduit va retrouver ses esprits et crier à la garde. Ça me contristerait d’être embarqué dans cette affaire, surtout en ayant sur moi l’arme du crime.

— Oui, continue Stumm, vous sentez la poudre.

— Peut-être parce que j’étais dans une boîte où l’on faisait partir des pétards ?

— Sans doute, dit Stumm, incrédule.

Je porte deux doigts à mon galure.

— Bye-bye !

Il a une légère inclination de tête et il devient rêveur. Moi, je les mets !

CHAPITRE VIII

« Grane se dégonfle »

La première chose que je fais en arrivant à mon hôtel, c’est de téléphoner à Nord 54 deux fois.

Au préposé qui me répond, je demande à parler à Grane ; il bafouille deux doigts de français, ce qui lui permet de me répondre que le lieutenant n’est pas là.

Je réunis alors toute ma persuasion pour lui dire de mettre la pogne dessus dans le quart d’heure qui vient et de lui dire de me rejoindre toutes affaires cessantes à l’hôtel Connor.

Le gars fait O.K. en nasillant et il raccroche.

Moi, je cramponne mon soufflant et je l’enveloppe dans la blague à tabac imperméabilisée que Félicie, ma brave femme de mère, a jugé bon de glisser dans mon bagage. Puis je fais glisser l’engin à l’intérieur de la chasse d’eau des gogues ; de cette façon, si ça tourne mal, le décès de Seruti, je n’aurai au moins pas l’arme du crime sur moi.

Les minutes passent. Je les tue en lichetrognant de petites gorgées de raide. Je les tue si bien que je finis par m’endormir sur mon divan.

Une vrille dans l’oreille me fait sursauter.

Je mets une double paire de secondes à piger qu’il s’agit de la sonnerie du téléphone.

Vivement, je décroche.

— Allô ?

— M. Grane…

— O.K. ! Qu’il grimpe !

Je cours me passer la gueule dans la flotte avant d’ouvrir à Grane. Un coup d’œil à la glace du lavabo me prouve que mon physique n’est pas panoramique. J’ai la tronche boursouflée par le whisky et l’œil jaunâtre, comme un cheval malade. J’ouvre à l’instant précis où il replie son index pour frapper.

— Entrez vite, dis-je.

Il entre. Je n’avais pas remarqué encore sa démarche sautillante. Il paraît triste et désenchanté.

— Vous connaissez la nouvelle ?.. je demande.

— Bien sûr, fait-il, on a tué la fille que vous m’aviez donnée à surveiller.

— Je ne peux pas lire vos putains de journaux. Ça s’est passé comment ?

— Comme d’habitude : en douce. Elle était morte lorsque mon gars s’est amené devant sa porte. C’est une amie à elle qui a découvert le drame.

— Abattue ?

— Deux balles de 38 dans la poitrine. Personne n’a rien entendu.

— Elle tenait le morceau de papier ?

— Oui, mais, cette fois, il était rédigé à la machine à écrire.

— Voyez-vous.

— C’est une indication ?

— Oui.

Il ne me suit pas très bien ; je lui explique :

— Cette fille a été liquidée par la bande à Maresco. Ils lui ont foutu le petit billet traditionnel pour laisser entendre qu’il s’agit du même meurtrier. Cela me prouve donc que ça n’est pas eux qui ont tué les autres poules. Si c’était eux, Grane, le billet aurait été écrit à la main.

— A moins que leur stock ne soit épuisé.

Puis, réalisant qu’il est question de Maresco :

— Mais Maresco n’est pas l’auteur des précédents meurtres. Et rien n’indique qu’il soit mêlé à celui-ci.

— Ah ! Vous croyez !

Je me mets alors en devoir de déballer tout le paquet. Je dis à Grane de quelle façon j’ai tendu un piège à Seruti en lui parlant de la pauvre môme et en lui disant qu’elle m’avait fait des confidences. Je retrace l’attentat sur ma personne, sans préciser qu’il a eu lieu dans la maison de sa secrétaire. Enfin, j’en viens à la phase délicate entre toutes : mon explication orageuse avec Seruti.

Ça n’a pas l’air de l’amuser.

— Vous l’avez tué ! S’étrangle-t-il.

— C’était ou lui ou moi.

— Évidemment, mais…

Un peu cloué, Grane ! Il regrette de plus en plus d’avoir appelé un condé français.

Sans doute pense-t-il à Maresco, le grand manitou du pays ! Ça va chauffer pour son avancement.

— Avez-vous l’arme du crime ?

— Je l’ai planquée.

— Où ça ?

Je le lui dis.

Cette fois, il hausse les épaules.

— Prenez-vous les flics d’ici pour des enfants ? murmure-t-il. Une chasse d’eau, c’est le premier endroit où ils vont passer la main.

Je suis assez dépité.

— Donnez-moi votre revolver ! ordonne-t-il.

— C’est que…

— C’est que quoi ?

— Je n’aime pas rester désarmé, surtout dans un patelin comme celui-là. J’ai l’impression d’être tout nu.