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DOGBERRY. – Oui-dà, quand j’en aurais mille fois davantage; car j’entends exclamer votre nom autant qu’aucun nom de la ville, et quoique je ne sois qu’un pauvre homme, je suis bien aise de l’entendre.

VERGES. – Et moi aussi.

LÉONATO. – Je voudrais bien savoir ce que vous avez à me dire.

VERGES. – Voyez-vous, seigneur, notre garde a pris cette nuit, sauf le respect de Votre Seigneurie, un couple des plus fieffés larrons qui soient dans Messine.

DOGBERRY. – Un bon vieillard, seigneur, il faut qu’il jase! et comme on dit, quand l’âge entre, l’esprit sort. Oh! c’est un monde à voir [47]! – C’est bien dit, c’est bien dit, voisin Verges. – (À l’oreille de Léonato.) Allons, Dieu est un bon homme [48]. Si deux hommes montent un cheval, il faut qu’il y en ait un qui soit en croupe, – une bonne âme, par ma foi, monsieur, autant qu’homme qui ait jamais rompu du pain, je vous le jure; mais Dieu soit loué, tous les hommes ne sont pas pareils; hélas! bon voisin!

LÉONATO. – En effet, voisin, il vous est trop inférieur.

DOGBERRY. – Ce sont des dons que Dieu donne.

LÉONATO. – Je suis forcé de vous quitter.

DOGBERRY. – Un mot encore, seigneur; notre garde a saisi deux personnes aspectes[49]. Nous voudrions les voir ce matin examinées devant Votre Seigneurie.

LÉONATO. – Examinez-les vous-mêmes, et vous me remettrez votre rapport. Je suis trop pressé maintenant, comme vous pouvez bien juger.

DOGBERRY. – Oui, oui, nous suffirons bien.

LÉONATO. – Goûtez de mon vin avant de vous en aller, et portez-vous bien.

(Entre un messager.)

LE MESSAGER. – Seigneur, on vous attend pour donner votre fille à son époux.

LÉONATO. – Je vais les trouver: me voilà prêt.

(Léonato et le messager sortent.)

DOGBERRY. – Allez, mon bon collègue, allez trouver Georges Charbon; qu’il apporte à la prison sa plume et son encrier: nous avons maintenant à examiner ces deux hommes.

VERGES. – Il nous le faut faire avec prudence.

DOGBERRY. – Nous n’y épargnerons pas l’esprit, je vous jure. (Touchant son front avec son doigt.) Il y a ici quelque chose qui saura bien en conduire quelques-uns à un non com[50]. Ayez seulement le savant écrivain pour coucher par écrit notre excommunication, et venez me rejoindre à la prison.

(Ils sortent.)

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE QUATRIÈME

SCÈNE I

L’intérieur d’une église.

Entrent Don Pèdre, Don Juan, Léonato, un moine, Claudio, Bénédick, Héro et Béatrice.

LÉONATO. – Allons, frère François, soyez bref. Bornez-vous au simple rituel du mariage; vous leur exposerez ensuite leurs devoirs mutuels.

LE MOINE. – Vous venez ici, seigneur, pour vous unir à cette dame?

CLAUDIO. – Non.

LÉONATO. – Il vient pour être uni à elle, et vous pour les unir.

LE MOINE. – Madame, vous venez ici pour être mariée à ce comte?

HÉRO. – Oui.

LE MOINE. – Si l’un ou l’autre de vous connaît quelque empêchement secret qui s’oppose à votre union, sur le salut de vos âmes, je vous somme de le déclarer.

CLAUDIO. – En connaissez-vous quelqu’un, Héro?

HÉRO. – Aucun, seigneur.

LE MOINE. – Et vous, comte, en connaissez-vous?

LÉONATO. – J’ose répondre pour lui; aucun.

CLAUDIO. – Que n’osent point les hommes? Que ne font les hommes, que ne font les hommes chaque jour, sans se douter de ce qu’ils font?

BÉNÉDICK. – Quoi! des exclamations! Comment donc, ce sont des exclamations de rire, comme ah! ah! ah!

CLAUDIO. – Prêtre, arrêtez. – Père, avec votre permission, me donnez-vous cette vierge, votre fille d’une volonté libre et sans contrainte?

LÉONATO. – Aussi librement, mon fils, que Dieu me l’a donnée.

CLAUDIO. – Et qu’ai-je en retour, moi, à vous offrir, qui puisse égaler ce don riche et précieux?

DON PÈDRE. – Rien, à moins que vous ne la rendiez à son père.

CLAUDIO. – Cher prince, vous m’enseignez une noble gratitude. Tenez, Léonato, reprenez-la, ne donnez point à votre ami cette orange gâtée; elle n’est que l’enseigne et le masque de l’honneur. Voyez-la rougir comme une vierge! Oh! de quelle imposante apparence de vérité le vice perfide sait se couvrir! Cette rougeur ne semble-t-elle pas un modeste témoin qui atteste la simplicité de l’innocence? Vous tous qui la voyez, ne jureriez-vous pas à ces indices extérieurs, qu’elle est vierge? mais elle ne l’est pas; elle connaît la chaleur d’une couche de débauche, sa rougeur prouve sa honte et non sa modestie.

LÉONATO. – Que prétendez-vous, seigneur?

CLAUDIO. – N’être pas marié, ne pas unir mon âme à une prostituée avérée!

LÉONATO. – Cher seigneur, si l’ayant éprouvée vous-même, vous avez vaincu les résistances de sa jeunesse, et triomphé de sa virginité…

CLAUDIO. – Je vois ce que vous voudriez dire. – Si je l’ai connue, me direz-vous, elle m’embrassait comme son mari; et vous atténueriez par là sa faiblesse anticipée. – Non, Léonato, je ne l’ai jamais tentée par un mot trop libre. Comme un frère auprès de sa sœur, je lui montrais une sincérité timide et un amour décent.

HÉRO. – Et vous ai-je jamais montré une apparence contraire?

CLAUDIO. – Maudite soit votre apparence! je m’inscris en faux contre elle. Vous me semblez telle que Diane dans son orbe, chaste comme le bouton avant d’être épanoui; mais vous avez un sang plus impudique que celui de Vénus ou celui de ces créatures lascives qui l’abandonnent à une brutale sensualité.

HÉRO. – Monseigneur se porte-t-il bien qu’il tienne des discours si extravagants?

LÉONATO. – Généreux prince, pourquoi ne parlez-vous pas?

DON PÈDRE. – Que pourrai-je dire? Je reste déshonoré par les soins que j’ai pris pour unir mon digne ami à une vile courtisane.

LÉONATO. – Dit-on réellement ces choses, ou est-ce que je rêve?

DON JUAN, – On le dit, seigneur, et elles sont vraies.

BÉNÉDICK. – Ceci n’a pas l’air d’une noce.

HÉRO. – Vraies! ô Dieu!