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Je suis enclin à le croire.

Zobedenib ment quand il prétend n’être pas sorti de chez lui. Mais ment-il en affirmant avoir passé la nuit avec Solange ? Landowski ment quand il dit que son boss ne ligote pas le français…

Si au moins cette gonfle de Béru pouvait se réveiller. Il m’apprendrait des choses, le Gros.

— J’aimerais pouvoir m’en aller, monsieur le commissaire.

— Lisez-vous le français, monsieur Zobedenib ?

— Hélas non ! Je le comprends parfaitement, je le parle assez bien, mais je n’arrive pas à le lire. Cela provient, je pense, de ce que je parle beaucoup de langues…

J’ai un sourire de triomphe. Ah ! ma vieille guenille bleue, je m’en vais te coincer ! Tu vas apprendre pour quelle maison je voyage…

— Cependant, monsieur Zobedenib, vous n’avez pas eu de difficulté à lire ma carte professionnelle, tout à l’heure ?

Je m’attends à le voir pâlir, mais bien au contraire, môssieur se répand dans un rire à la vaseline.

— Je lis l’anglais qui est presque ma langue maternelle. Or, le mot « police » est le même en anglais qu’en français, et le mot « commissaire » s’écrit commissary dans la langue du vieux William…

Dix sur dix, et remettez une portion de truffes pour le San-Antonio amoindri. Vous voyez, ce qu’il y a de marrant avec les protagonistes de cette affaire mystérieuse, c’est qu’ils retombent toujours sur leurs pinceaux avec une aisance de matous de gouttière.

À la fin, ça vire au cauchemar. Ils ont une façon de vous endormir à la ville qui n’a rien de commun avec celle qu’ils emploient à la scène.

Ici, un point pour Landowski : Zobedenib ne lit pas le français. Bon, mais si Lando est franco, l’Égyptien me berlure encore sur la question de sa nuictée avec Solange. La gosse rousse n’était pas avec lui rue Chanez. Sinon il n’aurait pas eu besoin d’aller faire lire son message par le Polak, exact ? CQFD, comme dit un MRP qui travaille à la RATP et qui joue au PMU avec un UNR.

— Mlle Solange Roland est AUSSI votre secrétaire, n’est-ce pas ? Du moins elle le prétend.

— Vous la connaissez ? s’égosille Zbdnb[4].

— Comment aurais-je su que vous alliez à London par le zinzin de huit heures ?

Un heurt à la porte.

— Entrez, tonné-je.

Re-re-apparition pinesque. Il a la frime pleine d’huile et son pantalon est éliminé du bas, because il le prend à chaque coup dans la chaîne de son pédalier, ce qui justifie le proverbe : « Où il y a de la chaîne y a pas de plaisir » (Vermot dixit).

— Écoute, San-A., je suis z’obligé d’aller au docteur vu une radio du pylône que je dois me faire faire parce que ma gastrite…

— Barka ! Pendant que tu y es, fais-toi radiographier la charpente, m’est avis qu’elle est bourrée de charançons !

— Oh ! bon, bon ! Après tout j’sus trop bon de m’en faire. Bon et bête commencent par la même lettre.

Je raille, comme les zigs de la Senecefe[5].

— Tout ce qui te concerne commence par la même lettre, Pinuche, seulement ta grosse erreur, c’est de croire que c’est par un B, comme quoi t’es toujours en retard d’une rame !

Un claquement de porte véhément me donne la mesure de sa hargne.

— Miss Roland, poursuis-je, prétend n’avoir pas passé la nuit chez vous, mais y être arrivée de fort bonne heure ?

Il hausse les épaules.

— Il est délicat pour une jeune fille d’avouer qu’elle est la maîtresse de son patron.

— Donc, elle a dormi rue Chanez ?

— Oui.

— Dans le courant de la nuit, vous n’avez pas été dérangé ?

C’est ici que les Zathéniens s’atteignirent. Il se trouble comme un verre de Pernod exposé à la pluie.

— Effectivement…

— Racontez-moi ça…

— Un message, en pleine nuit. Et personne à la porte.

— Qu’avez-vous pensé ?

— Je ne sais pas. Cela m’a inquiété car je ne pouvais lire ce qu’il y avait dessus.

— Qu’avez-vous fait ?

— Je suis allé trouver mon assistant qui loge non loin de mon studio.

— Pourquoi n’avez-vous pas fait lire ce message par Solange Roland ? C’eût été tellement plus simple.

Il se masse la joue.

— Elle dormait. De plus, j’ai pensé que cette lettre concernait notre liaison et je n’ai pas voulu l’effrayer.

Et voilà, mes gars ! Voilà comment ces bons messieurs se rejoignent. Encore une fois tout s’explique. Quel est donc ce célèbre auteur qui prétendait que le mystère n’existait pas ? Il me semble que c’est San-Antonio, mais je n’en suis pas sûr…

Dernier mensonge en suspens : celui de Landowski qui affirme avoir téléphoné à Solange pour prendre rendez-vous. Si la môme se trouvait vraiment chez Zobedenib, elle ne pouvait répondre à son bigophone personnel.

— Parfait, monsieur Zobedenib, dis-je, ce sera tout pour aujourd’hui. Je vais vous faire reconduire à Orly et je vous souhaite un very good voyage (au citron).

Sa frime s’illumine.

— J’espère que vous aurez vite la solution de cette énigme, récite l’anesthésique ambulant, et que le sujet en état d’hypnose recouvrera…

Je n’écoute pas ses souhaits de fin d’année. Je tube au service du roulement pour réclamer une voiture à l’usage du sieur Zobedenib.

Et on se largue sur une poignée de cartilages en se disant « à bientôt ».

CHAPITRE VIII

Dans lequel je continue — selon moi — à mystifier Sherlock Holmes

Un que je n’ai pas encore vu et que je veux voir, c’est le pipelet de l’Alcazar. Je n’ai eu que son timbre au téléphone et j’estime que c’est nettement insuffisant ; aussi me propulsé-je dans sa grotte dès que Zobedenib a tourné les galoches.

Je trouve un brave miroton qui fut plombier-zingueur et qui s’est lancé dans la Conciergerie, comme Marie-Antoinette, à la suite d’un accident au cours duquel il perdit trois doigts et demi à la main droite, et un et demi à la main gauche, ce qui représente une main, somme toute, répartie sur les deux. Avouez que je suis doué pour les maths.

Il est veuf, grand, sexagénaire, tuberculeux et chauve. Lorsque je me présente dans son gourbi, le cerbère est occupé à se confectionner deux œufs sur le plat, ce qui est à mon avis la meilleure façon d’utiliser deux œufs, quand on possède de surcroît : le chauffage au gaz, une poêle et un paquet d’Astra anticomplexe.

— Voulez que je vous dise, moi ? fait-il après que nous avons lié connaissance. Voulez que je vous dise ?

Je veux bien. Il y va :

— Ce micmac est pas clair.

Ayant dit, il soustrait les fesses de sa poêle à la langue bleue du gaz, éteint celui-ci et s’installe à une petite table recouverte d’une toile cirée pas cirée afin de consommer séance tenante et devant moi ses deux poulets inaboutis.

— Qu’entendez-vous par « pas clair » ? hasardé-je.

— Je veux dire pas clair, un point c’est tout.

Il se verse un gorgeon de rouquin en regardant grésiller les œufs dans la poêle.

— Voyons, fais-je, qu’avez-vous fait après la représentation d’hier ?

— Je suis été aux coulisses pour surveiller le monde qui se repoile et y refiler des bons de séance…

— Qu’appelez-vous des bons de séance ?

— Ben, les gonzes qui vont faire les guignols sur la scène, y voient pas le spectac’ puisqu’on les endort et qu’au fond le spectac’ c’est z’eux. Alors comme y z’ont payé leur place et que la direction, pas folle, veut pas leur rembourser, on leur donne une entrée gratuite pour un autre jour. C’est astucieux. Y reviennent avec leurs copains…

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4

Le lecteur est prié d’excuser cette panne de voyelles, indépendante de notre volonté.

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5

La société IBM m’ayant, par erreur, livré un excédent de e muets, je me vois dans l’obligation de les intégrer dans ma prose au mieux des possibilités.