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Tel le puma (j’ai jamais vu de puma en liberté, mais je sais ce que je cause) je me tapis (d’Orient) là ou ce que je vous dis, derrière les… choses, et je biche le cher tu-tues par le canon, ce qui le fait ressembler à un marteau.

On dirait que les deux bavards du barlu n’attendaient que ça pour s’inquiéter. Ils cessent de jaspiner pour tendre l’oreille. Mais ils ne perçoivent, fatalement, que le sac, le ressac et le cul-de-sac.

Le gros mec ramasse quelque chose dans le fond de l’embarcation. Une pagaie ? Pire ! Une pagaie ne sème pas la pagaïe. C’est une carabine qu’il tient sous son bras en sautant du canot. D’où je suis, je ne peux pas lire la marque, mais je sais en tout cas qu’il ne s’agit pas d’une béquille.

Le v’là qui s’annonce, l’arme entre les mains, prêt à flinguer, dans l’attitude du chasseur de fauves. Il a l’allure précautionneuse et je le devine bourré de réflexes, malgré son embonpoint.

Son pas est tout léger sur la langue de sable bordant l’eau. Jamais vu un mec aussi gros et aussi souple. Imaginez Babar transformé en tigre. Selon moi, voyez-vous, mes narcisses, la véritable souplesse, comme le reste, siège dans le cerveau.

Je me retiens de respirer. J’ai peur de déborder de ma touffe de… machin. Peur de la faire remuer. Ma main se soude au canon de feu. Faut que je vous fasse un aveu : j’ai comme qui dirait un brouillon de frousse. Je chocotte minute. Ça se raisonne pas. Ça arrive aux plus forts. Duguesclin, tenez ! Il moitait parfois. Il me l’a dit ! Et Bayard, Tue-rennes, Jeanne d’Arc, bref, tous les grands hommes : les foies ! la glaglate ! Pour bibi, à cet instant mal choisi, ça doit être la réaction qui s’opère après le flingage de l’auto. Mes nerfs qui s’effilochent. Mon énergie qu’a une voie d’eau à la suite de ces voies de fait !

Tout compte fait, au lieu de vouloir l’estourbir, le gravos, je ferais mieux de le praliner à bloc. Il constitue une cible magnifique. Hélas ! votre San-A. est un hypersensible, mes poules roses. Abattre un mec non prévenu, c’est de l’équarrissage. Alors j’attends.

Le v’là. Il est à ma hauteur. Il me dépasse. Vas-y, mec ! Je bondis, mais sans ma spontanéité coutumière. J’ai une espèce de retenue, si vous voyez ce que c’est. Un certain mou dans la détente. Et ça m’est fatal, mes câlines !

Je sens vos cœurs battre à mon unisson, fillettes chéries, vos yeux s’embuer, vos mignons nez se froncer et rien que d’y penser ça me porte aux sens. Je me contrôlerais pas, sûr que je vous débiterais des turpitudes à la crème de glandes. J’en connais des chouettes et j’sais bien les dire. Ainsi, tenez, il m’est arrivé d’envoyer des souris aux extases, par téléphone, officiel ! Prendre son panard par l’intermédiaire des pététés, dites, faut le faire ! Je connais pas un seul gazouilleur de radio capable de cet exploit. Une Julie qui take son fade par la trompe d’Eustache, ça bat des records, hein ? Faire reluire via le tympan, c’est un procédé unique au monde, breveté Lépine (de cheval). Mais enfin, bref, c’est pas le moment de vous entreprendre. Pas le moment du tout, oh que non !

Donc, je bondis, bras levé. Hélas ! trois cent mille fois hélas ! le poildock polyvalent, ça, vous avez fait suffisamment de botanique pour ne pas l’ignorer, est couvert de ronces. Les perfides m’agrippent les fringues, entravant ma ruée. Si bien que mon coup de goumi atterrit sur l’épaule du gros marin, et pas sur sa cafetière ainsi que souhaité. Lui, ne perd pas le quart d’un millième de seconde à réfléchir. Il pivote à toute vibure, en tenant sa carabine à deux mains.

Je chope la crosse au creux de l’estomac.

Blouaff gniafff !

Comme si on venait de m’enfoncer un harpon dans le gosier pour essayer de pêcher mes tripes. Et on y parvient sans nulle peine. À preuve, je me sens soulagé tour à tour, et très vivement, de mon foie, de mon duodénum, de ma vésicule biliaire, de mon cholédoque, de mon pancréas, de mon côlon sigmoïde, de mon iléon, ainsi que de plusieurs autres bricoles dont j’avais pris l’habitude.

Je me mets à trépigner au sol. À baver. À manger du sable, à cracher des bribes de moi, à implorer un éventuel sauveur.

Il se présente sous la forme de la satanée crosse. Ah, on peut dire qu’il m’en cherche, le gros goret ! Bzzoum ! Sur la noix, cette fois. J’en prends plein mon bocal, je suis anesthésié. Pas out complètement, seulement hors d’usage ; en marge, quoi !

Je trempe dans de l’extrait de suie. Me fous de tout ! Souffre à peine ! Vazouille…

Je voudrais bien m’abstraire pour tout à fait. Fermer les yeux ! Oui, au moins fermer les yeux : m’offrir une belle portion d’opacité. Pas mèche. Un brimborion de lucidité, tenace, implacable, me préserve du néant.

Je perçois des cavalcades ! Des exclamations ! On me va et vient autour. À la fin, deux solides paires de paluches me saisissent aux chevilles et me traînent.

Où qu’on va ?

Bloum ! Ça ç’est ma tronche sur un banc du barlu. Le moteur éclate, rageur.

Ça me vibre terriblement sous la tronche. J’avise le gros lard, debout devant le volant. Il porte des favoris gris, très frisés. Il est basané. Pas noir, sombre seulement. Il a une grosse brioche que son futal a renoncé d’escalader. Il conduit sec ! Le canot bondit sur les flots naguère berceurs. Je remue un peu la tête. Et Maâme Pulchérie ?

Elle est là.

Elle vient d’allumer un gros cigare.

Elle a arraché sa perruque.

Merde, je suis mort ou j’hallucine ?

Pulchérie n’est autre que le président Savakoussikoussa. Soi-même !

CHAPITRE 10

« Vous êtes vraiment le meilleur coup-de-théâtreman de la littérature », me disait l’autre jour le président Ducon-Seille que j’avais rencontré à une battue aux pigeons sur la place de l’Hôtel-de-Ville.

Toute modestie mise à part (ce qui ne m’est pas commode car la mienne est encombrante) je dois bien admettre, quand je relis la fin de mon chapitre 9, que cet estimable personnage n’a pas tout à fait tort.

Surtout, mes crêpes-trop-cuites, croyez pas que je vous berlure : on me lit dans les z’hautes sphères. J’en reçois les vibrants témoignages chaque jour. Pis, ou plutôt mieux : j’influence. Tenez, je prends le Figaro de this morninge, je me jette sur la critique de M. Jean-Jacques Gautier (j’adore, surtout lorsqu’il ne cause pas de moi !) et que lis-je ? Je ne vous le donne pas en mille, je vous le reproduis :

« … des figurants aboient, chuintent, soufflent, sifflent, halètent, font des pschtt ou des zseu-zseu-zseu… imitent le chat, le coucou, la souris, le bébé, glougloutent, vagissent, grondent, grognent ; des sons qui font songer à des bruits d’intestins en difficulté… ça flûte, ça fifre !… »