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Ça y est, cette fois-ci, c’est la bonne. On rase-mottes. On s’élève. Le coucou se calme ! Les nues l’apprivoisent.

Victoire sublime du plus lourd que l’air ! Du beaucoup plus lourd…

End of the première partie[18]

DEUXIÈME PARTIE

AU COURS DE LAQUELLE MES ACTIONS NE SONT PAS COTÉES EN BROUSSE

CHATRIPE PREMIER[19]

À l’époque heureuse que j’étais mouflet, loin des cons et des salingues, bien préservé dans les amours maternelles, Félicie me lisait des bouquins formides, qui m’emportaient encore plus loin que l’enfance, au pays du rêve blanc-bleu ! Ça pullulait de tapis volants ! Aladin à la calbombe wonderful ! L’Ali Baba et son économie de chouravement ! Des trucs qu’on n’ose plus faire lire aux lardons d’à présent, crainte qu’ils vous balancent le bouquin à la frime en vous traitant d’horribles.

Les chiares de désormais, faut pas les écarter du réel. Ils préfèrent le catalogue du salon de l’auto aux contes de Pet-Rot. Pour eux autres, le père Noël, tiens, fume ! Ils en tiennent pour la science-friction, les vadrouilles cosmiques, les gerces à poil et en couleur !

Ils ont raison, car on a toujours raison de penser ce qu’on pense et d’être comme on naît !

N’empêche que, mézigue-pâte, ça me bottait chouette les géants de ma jeunesse, les nabots mignards : Lili Pute et consorts ! Toutes les bonnes tartines féeriques. Je m’en lassais pas des héros surnaturels bourrés de pouvoirs surprenants. Je me rappelle plus dans quoi c’était, le grand blond qui se déplaçait dans les airs à bord d’une barque pilotée par une fée. Le titre m’échappe, mais je revois la couvrante dorée à la feuille, avec une gravure collée en creux, qui représentait le héros et sa fée, cheveux au vent. On causait pas de leurs rapports sexuels, turellement, dans l’histoire. Mais ça se devinait gros comme Saint-Pierre de Rome qu’il s’embourbait la fée, à l’escale, le beau blondinet. Je m’en gaffais secrètement, sans trop savoir que ça existait, le zizi-panpan. Des émois imprécis. Des langueurs ! Je les imaginais l’un contre l’autre et ça m’accentuait le vagabondage. Dans le fond, en puissance, si je puis dire, je calçais la fée, moi aussi ! La faisais reluire pire que ses cheveux d’or ! Baguette magique, à mon tour ! Elle criait maman, toute fée qu’elle prétendait. Pourquoi j’y repense, au creux de ma somnolence ? Me semble la voir, Nadège, ou Kitège (elle portait un blaze de ce goût-là). Dressée en poupe de sa barcasse, la vitesse lui tirant ses écharpes en arrière, moulant ses formes à vous en faire goder un sénateur diabétique !

– Ça ne va pas ? me demande une voix familière.

Je rouvre les carreaux. Le président me regarde d’un air inquiet.

— Pourquoi ? articulé-je.

— Vous poussiez des cris…

— Je rêvais.

Là-dessus, votre San-A. se fourbit la rétine pour s’assurer qu’il a bien liquidé le songe en cours. Il y aurait de quoi en douter, car imaginez, mes bonzes apôtres, que Stockburne ronfle pire que le bimoteur, affalé dans un fauteuil.

« Sapristi, me dis-je fort civilement, si le pilote dort, loin des commandes, qui donc manœuvre icelles ? »

Je me dresse sur mon siège, et j’aperçois Anabelle, au manche à balai. La fée, quoi ! Kif-kif mon rêve ! Cheveux d’or et tout ! L’aube la nimbe d’ocre. C’est un spectacle rare !

— Mince, bavé-je, elle sait donc piloter ?

— C’est elle qui a amené l’avion depuis le Népal, affirme admirativement Savakoussikoussa. Anabelle sait tout faire.

M’est avis, z’enfants de l’apatride, que cette nana appartient à une race à part. On n’en trouve plus lerche, des équipières de cette envergure. L’aventurière genre Des Cobras ! Mam’selle Mystère-la-Fonceuse ! Peur-de rien ! Intrépide, pilotant avion, prototype, locomotive, croiseur de bataille, vedettes israélo-cherbourgiennes. Sautant du train en marche aussi bien qu’en parachute. Et reine du traversin, en suce ! Championne du coup de reins opportun ! Bravo ! On croit que ça n’existe pas, des femelles pareilles : moi le premier, affreux sceptique. Tiens, l’autre jour à la téloche, un film amerloque en gévachrome galvanisé, cette réplique magnifique d’un savant grave, à une ravissante pinope carrossée Bertone : « Les jeunes femmes océanographes possédant leur propre sous-marin sont rares, mademoiselle Boufbitt. » Je m’ai marré, j’avais tort.

De quoi s’ouvrir jusqu’aux oreilles, hein ? Ben, à la réflexion (comme disait un miroir) c’est valable. À preuve Anabelle. Te vous drive le coucou déplumé de première ! Son fume-sèche au bec.

J’ai dû roupiller longtemps. Une fois de plus le jour se lève. Sous nous, c’est la forêt à peu de chose près équatoriale, dense comme une toile de bâche et verte à vous dégoûter de la chlorophylle. Je remarque que le bimoteur décrit une large courbe dans le ciel blanc et qu’il perd de l’altitude.

— Je crois qu’on arrive ! fait Savakoussikoussa.

— On se pose dans les branches, comme les canaris ? demandé-je.

Il hausse les épaules. L’avion fait drelin-drelin, pire qu’au décollage. Son long trajet a fini de le défistoler. Seul avantage : ayant sucé son carburant, il s’est allégé.

Je sonde anxieusement la forêt éperdument compacte. Où diantre va-t-elle nous poser, la reine du manche à balai ? L’avion descend de plus en plus. Les frondaisons se précisent. J’y distingue des singes roux affolés par le fracas des moteurs et qui sautent d’arbre en arbre comme s’ils étaient à ressort. On dirait des puces paniquées par une giclée de D.D.T.

— Mais bon Dieu, où se pose-t-on ? m’enrogné-je.

— Vous allez le voir dans un instant, promet mon auto-kidnappeur. Tenez, sur la droite…

Je découvre une trouée, tout à coup dans la forêt. Rectiligne, très longue, étroite, à peine discernable. Faut vraiment être au-dessus pour la voir.

— Le lit du Grosso-Modo, révèle le président. Il est à sec une grande partie de l’année.

Un tourbillon géographique virevolte dans ma mémoire, comme le tourniquet d’un présentoir de cartes postales.

Le Grosso-Modo, tout au nord du Kuwa, dans la zone subjonctive. Cette région où la main de l’homme n’a presque jamais mis les pieds est grande comme deux fois virgule quatre la France. C’est un territoire encore vierge où la maison Coca-Cola ne possède pas de concessionnaire, ni le Club Méditerranée de village.

— Voulez-vous dire, Excellence, que nous allons essayer d’atterrir dans le lit rocailleux d’un torrent ?

— Il est sablonneux sur quatre-vingt-six kilomètres trois cent cinquante ! rectifie Savakoussikoussa. Et des Noirs ont damé le sable après l’avoir arrosé de sirop de défoutraillés géants, ce qui l’a rendu pratiquement aussi dur et résistant que du béton, car il est très riche en silisboutz de chpaf.

Nous nous taisons, conscients de la gravité de la manœuvre. Après un minutieux repérage de la chaude piste, Anabelle plonge dans la trouée. Rien de plus délicat car il ne reste pas dix mètres de marge entre le bout des ailes et les frondaisons. Mais avec une pilotesse de cette classe, mes amis, on atterrirait sur l’extrémité d’un paratonnerre.

Tout à coup nous abandonnons la lumière pour nous fondre dans une ombre végétale. On dirait que le crépuscule nous choit sur la coloquinte, alors qu’en fait le jour n’a pas fini de se lever. Je vois défiler des arbres gigantesques et il me semble qu’on va plonger dans les troncs (ce qui porte bonheur, dit-on). Mais aucune anicroche ne se produit. Les roues de notre carcasse volante touchent le sol. L’avion en tremble de plus belle jusque dans son infrastructure[20]. Et il roule, roule… Quelques indigènes habillés de rien, avec juste une fleur de fraisier sauvage en guise de cache-sexe gambadent le long de la piste. On continue de rouler éperdument.

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18

Les personnes qui voudraient connaître la fin de l’histoire sont priées de ne pas jeter ce livre pendant l’entracte.

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19

Le mot « Chapitre » revenant sempiternellement dans un livre, afin de varier un peu j’ai décidé, à titre temporaire, de l’anagrammer au cours de cette seconde partie. J’espère que mes lecteurs apprécieront cette heureuse initiative qui témoigne de ma verve créatrice.

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20

De temps à autre, l’emploi d’un terme de ce genre vous donne l’impression que je suis instruit.