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Touduku, très vif d’esprit, propose que pour glorifier la terrible chute du président, on la baptise la pelle du 18 juin (en Europe, c’est l’automne, mais ici c’est le début de l’été).

Ainsi naissent les légendes et se fixent les événements historiques dans la mémoire des hommes.

Grâce à un système de palans hâtivement conçus et réalisés (la brousse rend ingénieux) Savakoussikoussa est hissé dans sa résidence. Nous suivons par l’échelle d’honneur dont chaque barreau a été revêtu de peau de lézard ; alors que l’échelle de service, elle, a été enduite d’huile de palmes académiques pour en rendre l’escalade périlleuse aux petites gens. L’ascension est longue car le palais est très haut. Mais franchement, les gars, ça mérite le détour ! On a bien fait les choses, jugez-en (par contumace) plutôt : imaginez, entre les branches du fromager dont le plus léger rameau a la dimension d’un chêne centenaire, une plate-forme d’à peu près quatre cents mètres carrés de superficie. Sur cette plate-forme, une maison de style colonial à un étage. Le bas comprend les pièces de réception et la chambre du général-président. Le haut les appartements réservés aux invités.

Ce luxe, madame !

On se croirait chez Jean Marais ! Y a des peaux de zèbre et de lion partout ! Les tables ont pour pieds des défenses d’éléphant et leur plateau est en acajou taillé dans la masse. Une patte d’éléphant sert de porte-parapluies ! Une oreille d’éléphant de coupe à fruits et une autre d’éventail. Une trompe d’éléphant a été utilisée comme pense-bête (ou plutôt pense-bêbête) pour rappeler aux messieurs de ne pas prendre de somnifère ou de ne pas lire le Figaro Littéraire en se couchant. Des cornes de gazelles (utilisées comme portemanteaux) sont là pour leur signifier ce qu’ils encourent à négliger leurs devoirs conjugaux. Tandis que des cornes d’anti-lopes protègent les jeunes gens contre d’éventuels assauts homophiliens.

Quel raffinement, hein ? Je vous passe sur la rhubarbe ! Sur les tapis de raphia ! Les salles de bains en ébène (toute la tuyauterie est en bambou) ! La bibliothèque est une pure merveille avec ses livres en silex numéroté, entièrement gravés à la main et dont le clou est sans conteste les « Aventures rupestres de Tin Tin » en huit tomes d’une tonne. Je ne vous parlerai pas, non plus, du lit présidentiel capitonné avec de la peau de missionnaire ; ni de la cuisine où, faute de chambre froide, on conserve les phacochères vivants, taillant dans leurs jambons au gré des appétits (c’est ce qui peut s’appeler une cuisine dernier cri). Sachez seulement que la tribu de Touduku a magnifiquement préparé la venue (et l’avenue) du président Savakoussikoussa.

D’ailleurs, dès l’arrivée, quand on voit la sentinelle au garde-à-vous devant la porte, on comprend que rien n’a été négligé. Ses guêtres blanches sur ses pieds nus sont du plus bel effet, de même que ses gants immaculés et que son cache-sexe constitué par une hotte à vendange dont on a enlevé le fond pour que l’intéressé ne se blesse pas. Il a fière allure, ce Noir, avec son casque de pompier orné d’une queue de cheval et sa hallebarde de suisse. Impavide (et je l’en plains), il a du mérite à demeurer immobile puisqu’on l’a barbouillé de miel sauvage pour lui permettre de concentrer sur sa personne toutes les mouches, moustiques et autres insectes désagréables du secteur afin d’éviter leurs menus sévices aux occupants du palais.

— Le ségent Vâ-Pona, présente rapidement Touduku. Un bave ! C’est lui la gade pésonnelle du pésident !

On installe le blessé, toujours inconscient dans sa chambre, ensuite de quoi, morts de fatigue, nous grimpons dans la nôtre.

Beaucoup plus modestes, les appartements du haut se composent d’une seule pièce. Mais vaste ! Pas de lits : les peaux de bête sentant encore le fauve tanné.

Anabelle choisit une pelure de lionne sur laquelle on a peint des rayures noires pour faire accroire que c’est une peau de tigre[21].

— J’ai le coup de pompe, déclare-t-elle.

Stockburne, quant à lui, ronfle déjà.

Sans pudeur, l’amazone dégrafe sa culotte de cheval, exécute des reptations salaces pour l’ôter, puis déboutonne sa chemise. Si je vous disais qu’elle n’a pas de soutien-loloches, la brigande ? En slip arachnéen elle repose sur la fourrure, sublime, tentante, offerte ! La fatigue rend son visage pathétique. Dieu, la belle garce !

— Supposons que le président clabote, dis-je en m’efforçant (sans y parvenir) de regarder ailleurs, votre micmac tombe à l’eau, je pense ?

— Pas du tout ! répond-elle. J’en ai rien à foutre de ce vieux bougnoule. Avec ou sans lui, nous irons jusqu’au bout.

— Jusqu’au bout de quoi, chérie ?

— Du programme !

Elle me virgule un petit clignement de z’œil qui m’incandescente le pourtour et l’épicentre.

— Quel programme ?

— Trop curieux, San-Antonio. Chaque chose en son temps !

Dites, je me goure peut-être, mais ça ne serait pas une invite ?

Histoire de m’en assurer je rampe jusqu’à elle. La pogne investigatrice, les gars. Quand on a un doute de ce genre, faut toujours contrôler au toucher.

C’était bien une invite ?

Donnez-vous la peine de passer dans le chapitre suivant.

Je vais vous raconter ça.

CHARPITE DEUX

Je vous vois venir, mes gamins ! Déjà brandonnant du calbar à l’idée de descriptions zozées. Le poignet de cuir arrimé ! La route du frère béante ! Paré pour la passionata séminariste ! Reste plus que d’éteindre les calbombes et d’envoyer le film ! Qu’est-ce qu’il va nous turpituder, encore, le sacré bougre de San-A. ? Quels genres de délices il va nous causer, le vilain ! De quels exploits fumants ! Y a que ça qui vous fascine, mes monstres : le moule à tringle ! Hardi petit ; la marche des queutards ! Fignedé for ever ! Fignedé mit uns ! La fleur à la braguette ! Fermeture-Éclair ? Trop long ! Pas sûre ! Coinçante ! Tout le monde en pagne ! Rideau ! Tu lèves d’abord, frapper les trois coups ensuite ! Et davantage selon tes humeurs. Du zizi ! Du panpan ! Encore ! De plus en mieux ! Par cargaisons ! Des rangées de braquemuches étincelants, rubiconds, joufflus. Des piles de cognotes à moustaches ! Blotties dans leurs cressonnières pour se pas fendre davantage. The sexe, very beaucoup, pour tous les chacuns-chacunes ! Ce que vous trouvez pas à l’étalage, venez le troncher à l’intérieur ! Du membre luxuriant, luxurieux, dans les baveux papier couché (et pour cause), dans les films, sur scène ! La vie glandulaire en ferment ! Le bouillonnement foutral ! Revues danoises qui dégoulinent ! Et floc ! Et flaques à enjamber ! Nuée ardente. Suée hardée. Viceloque en plein, bien furtif dans le copulage. Gauloiseries ? Finish ! Rabelais ? Fermé pour cause de déchets ! L’amour solide, à grandes braquées viriles ? Trop fatigant ! On palpe, on suinte, on camelote en couronne, narines plus ouvertes que les jambons. Faut laisser passer leur rage. Bavouiller en grande conscience pour maintenir les traditions ! Moi, Anabelle, je lui débite ma chanson de « gestes » traditionnelle ; super-classique ! Mise en boutanche au donjon ! La prise de contrat façon tamanoir, pour se dire bonjour, que tout va bien et qu’on fourmille de tendresses. Appelez-moi Fritz Langue et n’en parlons plus ! Je lui délimite les zones rurales ! Lui implante le centre administratif ! Fais le tracé de ses terrains de loisir. Je l’urbanise superbement ! Deviens le Corbusier de son lotissement. Elle en trémousse de partout ! Elle épluche la peau de lionne, la détigre à pleines mains. Ce sont les couples fatigués qui reluisent le mieux. Lorsque les nerfs sont bien affûtés, la glandoche survoltée, bon Dieu de bois t’atteins les vrais sommets himalayesques ! Là-haut, où l’air te manque à force d’à force ! Tu te surpasses ! Te dépasses ! Tu vas t’attendre plus loin ! C’est merlifique ! Une vraie furie, Anabelle, quand on lui fait toucher les deux épaules. La défunte dame lionne sur la dépouille de qui on frénétise n’a jamais eu des réactions plus terribles du temps que son teigneux superbe et généreux l’assurait de ses sentiments les meilleurs. Jamais ! Impossible ! Anabelle rugit plus fort qu’elle. Miaule ! Feule ! Barrit ! Glapit ! Hulule !

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21

Car il n’y pas de tigre en Afrique, sauf dans certains bouquins de confrères mal informés.