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— Et voilà le travail, ronchonne Sirk.

C’est plus Sirk Hamar, les gars. C’est Sirk Amer. Peut-être que ce nouveau calembour va défriser les grincheux, je préfère les avertir que j’en ai rien à fiche de leur mauvaise humeur.

S’ils aiment le beau, le bien léché, le profond, le pur gaullien, qu’ils se rabattent sur la prose de M. François Mauriac de l’Académie Française et de l’Élysée réunis. Parce qu’au fait, faut que je vous en accuse, mais il y a des tas de pisse-chagrin, d’empêcheurs de peloter en rond, d’affligés de l’entresol, d’invertébrés de la membrane, de tourmentés de la coiffe, d’endeuillés du slip, de consternés, de mortifiés, de refoulés, d’éduqués, de subjonctifiés, d’engrisaillés, de documentés, de blasonnés, de cloisonnés, de hémerpés, de senten-deux, de puristes, de claudéliens, d’aspostolicromains, de chagrins, de pamalins, de bilieux, d’aqueux, de végétariens, de jamairiens, de grammairiens, des tas de Comtes, des tas de jaloux, de poux, de hiboux, de genoux, de choux-aigres, des qui ont un Mallet et Isaac à la place du cœur, le Littré à la place du cerveau et un faire-part de deuil à la place du scoubidou-verseur ; des qui n’aiment pas rire de peu et qui sont obligés de se faire chatouiller la plante des pinceaux avec une plume de paon quand ils se font photographier pour ne pas ressembler à une réclame de laxatif ; des qui disent que le français est le peuple le plus spirituel de la terre ; des qui le croient, qui l’affirment ; des qui prennent leurs cellules grises pour le clapier de l’intelligence ; des qui se font amidonner la hure pour être sûr de ne pas rire d’un rien ; des qui croient à ce qui est grand, à ce qui est beau, à ce qui est généreux ; des qui aiment la force, des qui aiment les frappes, des qui aiment la force de frappe, la brosse à défriser, la brosse à reluire et qui n’aiment pas se faire reluire ; des qui ont des lettres (celles des autres, of course) ; des qui veulent préserver le patrimoine, les moines et la patrie ; des qui ont des fers à repasser la morale dans le tiroir de leur kangourou ; des qui ont des tronches de carême ; des qui prétendent que Bardot n’a pas un joli c… ; des qui en ont un pas comestible ; des qui boivent de l’eau (bénite de préférence) ; des qui ont honte d’être des hommes et qui pourtant sont fiers d’habiter Auteuil ; des qui léontrichent dans l’Aurore parce qu’ils ne sont même pas de l’académie des farces et attrapes ; des qui massacrent les poissons le Vendredi Saint, des qui roulent en Cadillac parce que le métro se paie comptant[7] ; des qui mobilisent ; des qui immobilisent ; des qui prophétisent ; des qui bêtisent et quelques autres encore dont je tairai les noms, pour ne pas avoir de procès, prétendent que ma prose n’est pas orthodoxe.

Ces petits popes de la syntaxe, ces pépiniéristes du style réprouvent le langage de Bérurier et mon esprit libertin. C’est leur droit. Ce que je leur reproche, c’est de prétendre que c’est leur devoir. Je voulais leur dire (car ils me lisent, bien entendu) que, par les temps qui se traînent, je suis heureux de pouvoir sans-antoniaiser en trempant ma plume dans du fluide glacial.

J’écris relaxe, pour user des tournures publicitaires, j’écris facile, c’est vrai. J’écris Vermot. Et puis, au fait, je n’écris pas : je me contente de mettre du poil à gratter sur le quotidien défraîchi.

Je suis le bicarbonate de soude de la littérature, je ne fais pas penser, je fais roter ! Et c’est à ce titre-là que je soulage. C’est à ce titre-là que j’ai tant d’amis. J’accomplis ma mission, la main dans la main du cassoulet toulousain. Tâchant à peindre en rose cette humanité scatophagique, en rose ou en bleu. En joyeux, quoi ! Nous sommes tous dans une salle d’attente. Voilà pourquoi il faut écrire pour les chemins de fer ! Vive la littérature essènecéeff ! La seule ! La vraie ! L’unique ! Celle qui nous cache un instant l’effroyable danse des poteaux télégraphiques le long de la voie et que vous pouvez abandonner sans arrière-pensée dans le filet ! Qu’est-ce que ça peut foutre que j’aie l’à-peu-près approximatif ? Mes jeux de mots, messieurs les sévères, vous les regretterez au moment de la mise en caisse ! Vous pigerez alors que ça n’est pas avec Proust que vous aurez fait le petit voyage, mais avec les calambouriens chevronnés. Le temps d’un sourire, elle aura duré votre petite trajectoire minable de brandon qui s’éteint à peine allumé. Et si vous n’avez pas ri (fût-ce de mes pauvretés) pendant cet éclair, vous mourrez cocus, les gars ! Faites gaffe !

Cessez de vous prendre au sérieux et laissez-vous aller dans la tarte à la crème. Quoi de plus onctueux ? De plus confortable ? Le dunlopillo, c’est de la gnognote à côté de la Chantilly. En vérité, je vous le dis : quand ça ne carbure pas, mettez le nez dans un San-Antonio. Et faites-le en vous disant que si c’est de la m… ça vous portera peut-être bonheur !

Bon ! Je tenais à vous dire tout ça. C’est pas que ça fasse du bien, mais ça soulage.

On va continuer, dénouez vos cravates, posez vos godasses si vos cors vous taquinent. Tournez le bouton de la T.V. où l’on est en train de vous jouer « Mon Culte suprême sur la Commode  » et revenez avec Sirk, Béru et le gars Mézigue dans ce palais de l’émir Obolan qui, pour l’instant, ne ressemble pas, mais alors pas du tout à celui des mille et une nuits.

En effet, les sbires en arme nous font descendre un escalier suintant taillé dans le roc. Nous arrivons dans un sous-sol immense divisé en cellules. Ces compartiments sont constitués par d’énormes grilles dont le plus humble barreau a le diamètre de mon poignet.

J’aperçois quelques loqueteux dans les cellules, ou plus exactement dans les cages. Ils sont accroupis, sombres et prostrés sur le sol riche en salpêtre.

— On est revenu au Moyen Age ! m’exclamé-je.

Nous sommes bouclés dans l’une des cages. Le préposé aux clés actionne une serrure grosse comme un poste de télé.

— Si on faisait ça, chez nous, aux contribuables qui ne répondent pas à leurs percepteurs, soupire Sa Majesté, il y aurait du pet.

— Tu nous a mis dans de beaux draps avec ta grande gueule et ton coup de poing automatique, lamenté-je. Il faut toujours que tu t’assoies dans le plat de langouste, mon pauvre homme !

Je considère Sa pomme, adossée aux barreaux de la cellote.

Jamais il n’a eu davantage l’air d’un primate.

C’est le primate des Gaules, en somme ! (Vous voyez, je continue !).

Hamar retrouve des gestes héréditaires. L’atavisme, c’est comme la syphilis : les enfants trinquent. Il s’assied, les genoux remontés, les bras autour des genoux, le front sur les genoux.

On dirait l’une des deux parties d’un serre-livres. Il a le coup de pompe, Sirk. Son étoile, il n’y croit plus. Il l’a laissée au-dessus du Sacré-Cœur de Montmartre.

— Dis-voir, mon mec, l’interpellé-je, toi qui es du bled, raconte un peu ce que nous sommes en droit d’espérer ou de redouter ?

Il ne relève même pas la tête.

— Rien à espérer, tout à redouter ! fait-il.

— Tu pessimises ! rétorque l’Enflure. Leurs taxes, on va les payer, puisqu’ils le prennent sur ce ton, et tout sera classé.

— Vous oubliez les gnons aux gardes fiscaux, lamente Hamar. Ça aussi, faites confiance, on va vous le faire payer !

Le Gravos se met à arpenter la cellule.

— Et Pinaud ? fait-il, qu’est-ce qu’il va devenir ?

— J’espère qu’il s’en tirera, souhaité-je. S’il a la bonne idée de ne pas retourner à notre tente et de récupérer en douce un des dromadaires, il peut rebrousser chemin.

— C’est pas l’homme à filer sans nous ! affirme le Confiant.

Et il murmure sombrement :

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7

Je ne pense à aucun producteur de films en particulier en écrivant cela.