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— Peut-être même que Sonja acceptera de parler devant ma caméra. C’est quand même grâce à elle que nous avons pu découvrir RESET. T’as envie de m’accompagner ? Ça te changera les idées. »

Istanbul

« Qu’auriez-vous fait à leur place ? » demanda Bollard. De la fenêtre de sa chambre, il pouvait voir descendre le soleil incandescent derrière les toits de la ville.

« Je ne connais pas le dernier stade des analyses de RESET, répondit Manzano en visioconférence avec le fonctionnaire. Avez-vous pu en reconstituer les éléments ?

— Les premières parties, oui.

— On y parle des attaques des semaines passées ?

— On ne sait pas encore. Ce sont des milliers de conversations avec des développeurs et des millions de lignes de code. Qu’est-ce que vous voulez savoir ?

— Les attaques ont l’air de s’être toutes produites le premier jour. Avons-nous des indices laissant à penser que les terroristes continuaient de manipuler les systèmes ?

— Non.

— Vous m’avez demandé ce que j’aurais fait à leur place : j’aurais fait en sorte que les cyberattaques puissent continuer, même si je n’avais plus été en mesure de le faire moi-même. J’aurais placé des bombes à retardement dans les systèmes électriques qui exploseraient sitôt les réseaux de nouveau en état de marche et dans le cas où je serais incapable de les déconnecter une fois de plus. »

Bollard fixa l’écran quelques secondes. Les terroristes n’avaient pas eu tout à fait tort sur ce point : Manzano pensait comme eux. À moins qu’il ne soit devenu purement et simplement paranoïaque après tout ce qu’il avait enduré.

« Lors de ma première visite sur RESET, je suis tombé sur une discussion où il était question d’une backdoor, poursuivit l’Italien. À quoi bon une porte dérobée lorsqu’on est déjà à l’intérieur ?

— Pour s’infiltrer lorsque tout le monde croit que les systèmes sont de nouveau sûrs… » compléta Bollard.

Manzano haussa les épaules.

« Je ne suis certainement pas le premier à penser comme ça. A-t-on des pistes pour Pucao, Jusuf et von Ansen ? »

Bollard répondit par une question : « Vous pensez que ce n’est pas encore fini ?

— Je ne sais pas. Je pars pour Bruxelles. Je vous fais signe de là-bas. »

L’écran devint noir.

Pour la énième fois, Bollard composa le numéro de son contact à la Croix-Rouge.

« François, le salua à l’écran un visage ridé aux cheveux gris, je suis désolé. Nous n’avons pas encore trouvé tes parents ni tes beaux-parents. »

Orléans

« Non ! » cria un soldat à quelques personnes des premiers rangs, suffisamment fort pour que Doreuil et les Bollard l’entendent. Pour l’instant, personne ne peut retourner dans la zone interdite !

— Mais où va-t-on aller, alors ? demandèrent quelques personnes.

— Rester ici !

— Je ne reste pas une seconde de plus », lança Doreuil à ses amis, en criant, afin de couvrir le brouhaha.

Vincent Bollard ne répondit pas. Elle put lire dans ses yeux l’angoisse de ne plus jamais pouvoir retourner chez lui.

« Il n’y a que cent trente kilomètres pour aller à Paris. On peut y arriver, d’une façon ou d’une autre. Puisqu’il y a de nouveau du courant, on peut faire le plein. On peut peut-être prendre un taxi ou louer une voiture. Je payerai le prix qu’il faut ! Ou peut-être même y a-t-il de nouveau des trains. »

Bollard agita la tête, en signe de doute.

« Notre appartement est dans tous les cas plus confortable qu’ici ! » s’écria-t-elle. Elle remarqua qu’elle avait dit « notre ». Elle n’avait pas encore vraiment réalisé que son époux n’était plus. Elle ne pouvait se faire à l’idée d’être seule.

« Céleste et toi, vous venez ! Vous logerez chez nous… chez moi… jusqu’à ce que vous puissiez regagner votre maison. »

Bruxelles

Manzano enlaça le vieil homme, le sourire aux lèvres.

« Je n’étais encore jamais venu à Bruxelles, commença Bondoni, en souriant. Je me suis dit, tu vois, que c’était l’occasion. Il fit une tape amicale sur l’épaule de son voisin. T’as pas l’air en pleine forme, mon vieux ! C’est vrai, tout ce qu’on raconte ? Tu as mis les terroristes hors d’état de nuire à toi tout seul ?

— Je m’en suis même pas approché », répondit Manzano. Il étreignit la fille de Bondoni, qui partageait avec son père une suite luxueuse à l’hôtel, en attendant que l’eau coule de nouveau chez elle.

« Tes copines ont pu rentrer saines et sauves également ?

— Parfaitement !

— Puis-je te présenter Antonio Salvi ? demanda Bondoni en poussant devant lui l’homme mince aux cheveux fins qui se tenait en retrait. C’est sa chaîne qui paye tout ici. Il désigna la chambre du menton. Y compris le retour d’Innsbruck en jet privé. Il voudrait faire un reportage sur moi. Il a appris je ne sais pas trop comment que ma vieille Fiat t’avait conduit jusqu’à Ischgl, d’où… »

Berlin

Le secrétaire d’État Rhess a au moins perdu six kilos au cours des derniers jours, pensa Michelsen lorsqu’il se leva.

« D’abord, une bonne nouvelle. Les systèmes de communication fonctionnent de nouveau dans de vastes régions. Nous tous, ici, avions déjà la chance de pouvoir téléphoner à nos proches et à notre famille, de lire les informations sur Internet et de regarder la télévision, même de manière aléatoire. Nous devons donner le plus de renseignements possibles sur ce que nos citoyens doivent faire dorénavant, notamment concernant l’approvisionnement en eau et en vivres. Sitôt que les médias informeront sur l’ampleur de la catastrophe, nous serons la cible de blâmes et de critiques croissants. Pour le gouvernement, comme pour toutes les organisations d’État, c’est à la fois un grand danger et une grande chance. De nombreuses questions vont nous être adressées. Pourquoi nos systèmes étaient-ils si fragiles ? Quelles responsabilités portent les compagnies d’électricité, et à quelles conséquences devront-elles faire face ? Pourquoi les systèmes d’urgence étaient-ils si insuffisants ? Pourquoi les réseaux téléphoniques ont-ils si vite cessé de fonctionner ? Comment de tels accidents ont-ils pu se produire dans des centrales nucléaires qui avaient pourtant brillamment réussi tous les tests de sécurité ? Jusqu’à quel point les compteurs communicants et le réseau électrique intelligent du futur sont-ils intelligents ? Et, surtout : sont-ils réellement sûrs ?

— On n’a pas fini d’en débattre, s’immisça la ministre de l’Environnement. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est le système actuel qui a été déconnecté. En conséquence de quoi, il n’était pas plus sécurisé que ceux du futur. Ça ne peut qu’être mieux, non ?

— Je ne suis pas ici pour prendre position, répondit calmement Rhess. Mais pour nous préparer aux discussions à venir. Celle-ci en fera partie. »

Bruxelles

Angström réalisa qu’elle riait trop et trop fort, mais, après le cinquième verre de vin, ça n’avait guère d’importance. Fleur van Kaalden, Chloé Terbanten, Lara Bondoni et Lauren Shannon n’en seraient pas indisposées. Elles avaient bu davantage.

L’hôtel avait rapidement repris du service. Les réserves d’alcool n’avaient pas souffert du black-out ; elles étaient donc au bar, occupées à descendre le contenu de leurs verres, relâchant la pression. Angström n’était pas étonnée que les gens soient si joyeux, comme si rien ne s’était passé. Aujourd’hui, ils voulaient simplement chasser l’angoisse, la torture, les doutes des semaines passées.