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— En prenant les mesures politiques de rigueur, on pourrait endiguer ça, interrompit le chancelier.

— Si la majorité en était d’accord… Je crains que beaucoup de gens, y compris dans cette pièce, ne réalisent pas encore à quel point ces événements peuvent engendrer des effets à long terme, quelles conséquences ont eu autrefois des situations sociales et économiques analogues. Mais ce n’est pas une fatalité, et j’aimerais le rappeler.

— Et d’où viendra l’argent pour les programmes d’aide ? demanda le ministre des Affaires étrangères. La plupart des États étaient déjà lourdement endettés avant les événements, ou même en faillite. »

Domscheidt évita le regard de son interlocuteur, en montrant une mine taciturne. « Le ministre des Finances pourra vous répondre, j’imagine. »

Istanbul

« Qu’est-ce que c’est que ce code de blocage ? Et que se passe-t-il lorsqu’il n’est pas activé ? » demanda Bollard.

Penché au-dessus de la table, il s’appuyait d’un de ses bras, tapant de l’index de sa main libre sur la feuille imprimée.

« J’ai déjà dit que j’en savais rien », répondit l’homme, un des terroristes français. Bollard pouvait s’entretenir avec lui dans sa langue maternelle. Il était en colère que le suspect français appartienne au groupuscule. Depuis toujours, ses compatriotes avaient provoqué les changements à grands renforts de violence et de brutalité.

« Écoutez-moi bien, murmura si doucement Bollard que les micros des caméras de surveillance ne pouvaient rien entendre, et il l’attrapa par le col. Si, où que ce soit en Europe ou aux États-Unis, il y a une nouvelle coupure de courant et que des gens meurent encore parce que vous ne me dites pas à quoi sert ce code de blocage, alors je peux procéder autrement. Tout autrement. Et je vous assure que vous ne savez pas de quoi nous sommes capables. »

On pouvait être traîné devant les tribunaux pour de telles menaces ; Bollard n’était pas sans le savoir. Il relâcha l’homme, en colère contre lui-même.

« Vous n’avez pas le droit de me menacer de me torturer ! s’écria le hacker.

— Qui vous menace ?

— Vous ! C’est contraire aux droits de l’homme. »

Bollard se pencha de nouveau dans sa direction, son front presque en contact avec celui de l’autre.

« Vous me parlez de droits de l’homme ? Les millions de personnes affamées, assoiffées, gelées, ces malades morts faute d’avoir été pris en charge, ces gens innocents, ils n’avaient pas de droits ? À quoi sert ce code de blocage ?

— J’en sais vraiment rien », réaffirma-t-il. Son visage était blême, son front couvert de sueur. Il n’avait pas été entraîné à subir des interrogatoires musclés. Il n’allait pas tarder à lâcher le morceau. Le fonctionnaire se demanda jusqu’où il pouvait aller pour lui arracher tout ce qu’il savait.

Mais si ce type n’était réellement au courant de rien ?

Berlin

« La bonne nouvelle, entama Volker Bruhns, secrétaire d’État au ministère des Finances, c’est que la plupart des banques ont rouvert. L’approvisionnement de la population en argent est assuré. Mais, comme vous pouvez vous en douter, il y a de moins bonnes nouvelles. Afin d’éviter un retrait massif aux conséquences néfastes, il est provisoirement limité à cent cinquante euros par personne et par jour. Les bourses européennes et américaines restent fermées jusqu’au milieu de la semaine prochaine. Techniquement, elles pourraient rouvrir, mais les marchés doivent d’abord respirer et digérer tout ça avant de pouvoir de nouveau fonctionner. Au dernier jour d’ouverture, vendredi dernier, les plus importants indices européens et américains ont perdu environ soixante-dix pour cent. Certaines entreprises allemandes qui pesaient encore des dizaines de milliards voilà deux semaines, eh bien ! le premier super riche venu pourrait se la payer en petites coupures. L’euro s’est effondré, bien que la Banque centrale ait inondé les marchés. C’est naturellement une catastrophe du point de vue de l’importation indispensable de pétrole et de gaz, qui ont augmenté astronomiquement selon ces mécanismes, avec la probabilité que notre approvisionnement soit coupé, parce que nous ne pouvons plus payer. Heureusement, si nous sommes cyniques, le dollar a suivi également cette semaine, après l’attaque contre les États-Unis. Ça réduit un peu les coûts de l’import, dans la mesure où les transactions de pétrole et de gaz s’effectuent en dollars. Ajoutons tout de même que nos réserves stratégiques suffisent encore pour les prochains mois et que l’augmentation des prix ne sera effective que plus tard, dans la mesure où ils ont été définis par des contrats à longue échéance. »

Il reprit son souffle et continua sans presque marquer d’arrêt : « L’évolution des marchés de valeurs et de matières premières n’est pas prévisible. Peut-être, après la fin du black-out, y aura-t-il des réactions positives. D’autre part, les marchés n’ont pu réagir à la dégradation de la situation des semaines passées. Les putschs militaires au Portugal, en Espagne et en Grèce, par exemple, ne resteront pas sans conséquences. Le prix des obligations, y compris des obligations allemandes, est loin au-dessous de celui des grecques, des irlandaises, des italiennes ou des espagnoles à la pire période de la crise financière. De facto, il nous est impossible de nous financer pour l’instant grâce au marché financier. Ça signifie que l’Allemagne ne pourra plus, d’ici quelques mois seulement, honorer ses crédits ni payer ses fonctionnaires et ses retraités. De nombreux États européens ont été confrontés à ce problème par le passé. Les marchés financiers internationaux se trouveront alors au bord de l’effondrement, en comparaison duquel toute la crise économique que nous avons traversée ne sera rien. Il appartient maintenant aux politiques d’éviter le pire. Les scénarios possibles — il regarda sa montre — doivent être présentés et discutés dans quatre heures lors d’une visioconférence avec les chefs de gouvernement des États du G20, des représentants de la Banque centrale européenne, de la Réserve fédérale et du Fonds monétaire international. »

Paris

Le trajet en train entre Orléans et Paris dura une éternité.

Ils atteignirent la capitale dans l’après-midi. Entourés de plusieurs dizaines d’autres voyageurs, les Bollard attendaient à la station de taxis, tandis que Doreuil retournait dans le hall de la gare afin de trouver quelqu’un susceptible de leur venir en aide. Même les guichets étaient ouverts. Mais tant de gens s’y pressaient qu’elle renonça et rejoignit les autres. Lorsqu’une voiture apparut, une bousculade éclata. Deux autres véhicules arrivèrent. Ils s’arrêtèrent alors qu’ils n’avaient pas de lumineux, l’un d’entre eux directement devant Vincent Bollard. Le chauffeur abaissa la vitre et leur demanda leur destination.

Annette lui donna l’adresse.

« Cent cinquante euros, demanda l’homme.