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— Non, non, je ne lui rends pas visite. Je lui ai promis d’aller à Saint-Pancras voir sa logeuse pour lui donner les bonnes nouvelles et la liste des choses que Marjorie voudrait qu’elle lui apporte à l’hôpital.

— Bien sûr. Je comprends tout à fait. (Elle reprit son sac.) Mais vous serez là demain ?

Oui. Demain et après-demain et après-après-demain.[39]

— Annoncez à sir Godfrey que je serai à la répétition.

Et Polly partit en hâte. Elle devait rejoindre Merope et lui demander…

Une main lui agrippa l’épaule.

— Je t’ai cherchée partout, ragea Michael. Pourquoi t’es-tu enfuie comme ça ?

— Je te l’ai dit. Les contemporains que j’avais promis de retrouver : il fallait que je les prévienne que je ne pourrais pas venir.

Il ne l’écoutait pas.

— Ne me joue plus jamais un tour pareil ! J’ai passé trois semaines et demie à quadriller tout Londres pour te trouver. Je ne supporterai pas de te perdre.

— Je suis désolée.

Et surtout désolée que tu m’aies trouvée avant que je sois parvenue à déterminer…

— Michael, quand es-tu parti en mission à Douvres ?

— Juste après t’avoir croisée à Oxford.

Dieu merci !

Mais il s’agissait de voyage dans le temps. Il aurait pu se rendre à Pearl Harbor en temps-flash.

— Tu n’as pas réussi à convaincre M. Dunworthy de rétablir ton planning ?

Elle avait besoin de certitudes.

— Non, je n’ai même pas réussi à entrer pour le voir. (Il la regarda avec curiosité.) Pourquoi ?

— Je me demandais, c’est tout. On ferait mieux de rejoindre Merope. Elle va s’inquiéter.

Elle recommença de fendre la foule, espérant le semer de nouveau.

— Non, attends ! (Michael verrouilla une main sur son bras.) Je dois savoir…

— Polly ! cria Merope.

Ils se tournèrent tous les deux vers la jeune femme qui arrivait par l’escalier roulant, jouant des coudes pour en descendre et les rejoindre.

— Michael ! Merci, mon Dieu ! Je vous ai cherchés partout. L’homme à qui cette couverture appartenait est revenu et j’ai dû partir. Il disait que c’était son emplacement, et que sa femme avait fait la queue depuis midi pour le lui garder, et il n’y avait pas d’autre endroit pour s’asseoir, alors je me suis mise à votre recherche, mais je ne pouvais vous trouver nulle part, et j’ai eu peur de ne plus jamais vous revoir !

Elle éclata en sanglots.

— Ne pleure pas. (Michael lui entoura les épaules.) Tout va bien. Tu nous as retrouvés.

— Je sais. (Elle s’éloigna de lui et s’essuya les joues.) Je suis désolée. Je n’ai pas pleuré une seule fois depuis que je suis arrivée ici, même pas quand j’ai appris que tu étais retournée à Oxford, Polly. Je veux dire, je sais que tu n’y es pas allée, mais je croyais que oui, et que je restais toute seule ici…

Elle se remit à sangloter.

— Tu n’es plus seule, maintenant, dit Michael, qui lui tendait un mouchoir.

— Merci. Je sais. C’est ridicule de pleurer maintenant. C’est sûrement la réaction. Je suis désolée d’avoir perdu cette place où on était assis…

— Tout va bien, on en trouvera une autre. Que penses-tu de l’étage au-dessus, Polly ?

— On peut essayer.

Et Polly partit vers l’escalier mécanique.

— Attends ! s’exclama Merope, agrippant la main de Polly. Que fait-on si nous sommes séparés ?

— Elle a raison, dit Michael. Il faut décider d’un point de rendez-vous. Que diriez-vous du pied de l’escalier roulant ?

— Vous seriez d’accord pour l’étage le plus bas ? interrogea Merope.

Elle jetait des coups d’œil angoissés en direction du plafond et du grondement assourdi des bombes.

— Parfait, résuma Michael. Si on est de nouveau séparés, ou si quoi que ce soit se produit, on se rend directement au niveau le plus bas de l’escalier et on attend les autres. D’accord ?

Merope et Polly acquiescèrent, et ils gagnèrent l’étage supérieur. Tout aussi bondé.

— Lorsque le trafic s’arrêtera, on pourra peut-être se glisser en douce près de la rue, proposa Polly. Il n’y aura plus que le garde pour surveiller la station.

— Et les raids ? demanda Merope, effrayée.

— Oxford Circus n’a pas été touchée…

— Tu disais que Padgett’s ne l’avait pas été non plus, l’accusa Merope.

Et Michael secoua la tête pour avertir Polly avant d’avancer :

— Je ne crois pas que monter soit un bon plan. On ne peut pas trouver quelque chose en bas ?

— Non.

Polly regardait les entrées des couloirs et elle tentait d’imaginer lequel pourrait…

Elle fronça les sourcils. Sous ses yeux, émergeant du sud, sortaient les deux vauriens que le garde avait pourchassés. Comment étaient-ils arrivés là ? Le garde avait affirmé qu’ils s’étaient « dissous dans l’air ».

— Attendez, j’ai une idée. Restez ici.

Et, avant qu’ils puissent émettre une objection, elle se précipita dans le couloir.

À mi-chemin, elle découvrit une porte en métal gris qui portait l’inscription « Sortie de secours » et, sous celle-ci : « Accès interdit ». Assis devant, sur un plaid écossais, un couple relevait plusieurs assiettes renversées et tamponnait une mare de thé.

Polly rejoignit en courant Merope et Michael.

— Je crois que j’ai trouvé quelque chose, annonça-t-elle.

Elle tendit son sac à Merope.

— Pourquoi me donnes-tu ça ?

— Tu verras. Suivez-moi. (Elle les emmena dans le couloir et s’arrêta à quelques mètres de la porte.)

— Affirme à ces gens que tu es un employé du métro, chuchota-t-elle à Michael, et que tu as besoin de passer. Ensuite, entre dans mon jeu.

Ce qu’il fit…

— Mission officielle.

— Nous sommes à la recherche de deux enfants, ajouta Polly. Ils ont volé mon sac.

— Qu’est-ce que je t’avais dit, Virgil ! s’exclama la femme. Que c’étaient des voleurs, pas vrai ?

— Vous ne les trouverez pas là-dedans, signala Virgil. Ils en sont sortis comme des diables il y a quelques minutes, et ils ont envoyé valser toutes nos affaires.

— Et cassé mon assiette à fleurs !

— Ils sont partis par là, déclara Virgil en pointant du doigt la direction. Mais vous ne risquez pas de les attraper, pas ces deux-là !

— Nous prévoyons de leur tendre un piège, expliqua Michael. Voulez-vous nous laisser entrer ?

Le couple entreprit sur-le-champ de remballer son panier et de s’écarter de la porte.

— Si vous réussissez à les avoir, j’espère que vous les bouclerez, gronda la femme alors qu’ils ouvraient et passaient de l’autre côté. Petits vandales !

— Pourquoi faut-il que d’horribles gamins infestent tous les lieux où je vais, se lamenta Merope quand ils furent à l’intérieur.

Elle se figea et observa leur environnement faiblement éclairé. Ils se tenaient sur un palier, au-dessus et en dessous duquel montait et descendait un escalier de métal en colimaçon, à perte de vue.

Polly traversa la plate-forme pour regarder du haut en bas des marches, mais à part les enfants, personne ne semblait avoir encore découvert l’endroit et, avec un peu de chance, Virgil et sa femme en maintiendraient quiconque éloigné, au moins à ce niveau. Il y avait évidemment des portes aux autres paliers, sinon les enfants n’auraient pas pu se servir de ce passage comme raccourci. Et s’il s’agissait d’un escalier de secours, il rejoignait donc la surface, des dizaines de mètres plus haut.

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39

« Tomorrow and tomorrow and tomorrow » : Polly fait allusion ici au célèbre soliloque de Macbeth dans la pièce du même nom de William Shakespeare, acte V, scène 5, notre traduction. (NdT)