Du coup, on se demande s’ils ne sont pas de véritables « sumoistes » en méforme obligés d’atteindre le poids minimal exigé par les canons de leur discipline. Bambois se serait-il fourré l’auriculaire dans le lampion, au lieu de s’en curer les baffles ? C’est ce que nous cherchons à déterminer.
Toujours est-il que ça jacte ferme chez les grassouilles ; la gonzesse surtout y va de la menteuse.
Ils sont encore en pleine gazouille lorsque le Gros se pointe avec sa marchesa. Je n’ai que le temps de décoiffer mon casque et de placer la mallette sous le lit. Comme quoi, ça sert d’avoir une voix de stentor, identifiable à dix lieues.
— Donnez-vous la peine d’entrer, ma p’tite fleur ! invite Galantinus. T’nez, prenez c’ fauteuil ! Inquiétez-vous pas si mon ami le vicomte est laguche : il a une émission d’ télé dont il voudrait pas manquer pour un nain pire.
Et il enclenche la téloche.
— Gêne-toi pas, mec, m’invite-t-il, fais comme chez vous. Moi et la marquise, on n’est pas contrariés par une tierce personne, n’est-il pas z’éguesacte, ma colombe ? Bougez pas, marquise, j’ vas vous dégauchir l’ cervelas promis. Du feurste. Mon charcutier est lyonnais, j’ peux pas mieux vous dire. Attendez, je l’ai planqué sur l’armoire, pas que ces friponnes de boniches m’ l’ secouassent. Merde, j’ le trouve plus. Ah ! si, l’ v’là. Il est un peu poussiéreux, vu qu’ le ménage sur les armoires, qu’on soye en Suisse ou chez les Berbères, c’est du kif ! Ces dames doivent z’avoir peur d’ craquer leur corset, j’ suppose. Le temps d’ souffler dessus vous le rend’ présentab’. Voilà, goûtez, ma gosse. Comparés à ça, vos salamis italoches, c’est du zob de girafle ! Vous sentez la pistache, grand-mère ? Ça s’ laisse vivre, non ? Bouffez, bouffez, r’tenez-vous pas ; j’ vais rec’voir un autre arrivage demain mominge.
Elle est dominée, la douairière. Docile tout pleine. Elle clape le cervelas du bout des doigts. Pendant ce temps le Plantureux la lutine. Main sous les jupes en un affectueux mouvement de va-et-vient (qui va plus loin qu’il ne revient).
— Eh ! dites donc, ma caille, ça n’ vous réussit guère la pension jockey ! J’ sens la viande qui pendouille comme une serpillière mouillée su’ un manche à balai ! V’s’ allez pas m’ rester dans c’t’ état, sinon vous trouverez plus personne pour le décarpillage. On dérape dans la tristesse, ma grande ! On va morfondre du calbute, à vous considérer l’étalage. Vot’ bascule, v’s’ en avez rien à branler, ma poule. Vaut mieux p’ser dix kilos d’ trop et avoir une bite dans l’ train, que de chiquer les mannequins en créant la panique autour d’ soye.
Il lui relève la jupaille jusqu’au nombril.
— Holà ! Poupette ! Oh ! la ! la ! qu’est-ce que vous m’offrez en guise d’ frivolité ! Matez voir un peu dans la glace d’ l’armoire ! Non, mais c’est la catastrophe dans toute son horreur ! Je berezine, moi, d’vant une calamité pareille ! C’t’ un épouvantail sous la pluie, vot’ corps d’albâtre, mémé ! La surprise du chef, elle va pas dans l’ sens d’ l’Histoire, croilliez-moi ! Pour la tringlette, va falloir qu’ j’éteignasse les calbombes. Et même dans l’obscurité, j’ devrai m’ raconter des épisodes libertins. Faudra bien vous rassembler la moniche à deux mains, tell’ment tout ça part à dache, ma pauvre ! Sana, t’en as encore pour longtemps ? Si moui, j’ vais aller brosser médème dans ta turne, biscotte le temps travaille contre elle. Si je frime encore une plombe ses abats en dérapage, j’ devrai m’ mett’ aux absents, j’ crains bien. D’autant qu’ la masseuse m’a essoré pas mal, comme t’as pu voir. Si j’ la fourre, c’est vraiment parce qu’elle est marquise et qu’à Saint-Locdu-le-Vieux, on a toujours respecté la noblesse. D’ la personne titrée, ça m’ ferait mal aux seins d’ la décevoir. Mais franch’ment, j’ prévoiliais pas de tels décombres sous ses frusques, mémère ! J’ m’attendais pas à la Lolo Frigida d’ la grande époque, naturliche, mais j’espérais t’encore du potab’. Là, c’ qui m’ reste comm’ consolance, c’est d’ m’en faire une crêpe, un cataplasse. J’ m’ l’entortille autour du moustachu et j’ l’actionne av’c les moiliens du beurre.
Je moule un instant son merveilleux monologue pour coiffer l’écouteur. Ça cause toujours chez les Jaunets, et à tout berzingue. Tu croirais qu’ils jouent du xylophone, les trois ! Donc, je dois demeurer au poste, fidèle.
Comme pour procéder à cette opération j’ai dû m’accroupir derrière le plumzingue, Dudule oublie ma présence ; tous les animaux sont ainsi : ils ne sont conscients que de ce qu’ils voient. Sa Majesté vient d’entraîner sa piètre conquête blasonnée jusqu’à sa couche. La signora proteste un peu, en rital, pour la forme, établir son sens de l’honneur ; mais Belle-Pomme lui stoppe les giries péremptoirement :
— Ah ! non, ma belle, pas s’av’c moi ! J’ veux bien vous épousseter les toiles d’araignée pour vous faire une fleur, mais si faut t’encore que j’insistasse pour grimper un produit qui s’est fait virer de chez Vivagel d’puis des illustres et des illustres ; je crille pouce ! Au lieu d’ chiquer à la jeune fille violée, v’ fereriez mieux de copérer ! Commencer à m’ démarrer à la manivelle, merde ! C’t’ inhumain, quéqu’ part, d’embroquer un’ vieille serpillière comme vous, marquise. J’ vous le dis sans jambage. Enl’vez-moi vot’ dentier, chérie, et entr’prenez-moi au calumet de l’happé, qu’ sinon vot’ trappe s’ra trop pétroite pour m’empiffrer le joufflu. Voualà ! Bravo ! Vous avez tout pigé. Dès l’instant qu’ vous y mettez du vôt, ma Révérente, on est partis pour la gagne !
Ce qui suit n’est pas très plastique, au plan formel, comme on cause dans les galeries de peinture, mais mérite le voyage. Moi, vautré sous le pucier, près de l’attaché-case enregistreur, je me fais l’effet de Bourvil dans la Jument verte, quand sa brave mère se fait loncher par un soldat alboche qui la lime en tant qu’uhlan. Alexandre-Benoît Bérurier est un forniqueur d’élite, un vaillant qui sait surmonter les difficultés et les désillusions. L’extrême sensibilité de ses organes lui permet de s’adapter aux situations les plus critiques. J’ignore quelles images supplétives déferlent dans son imaginaire pour qu’il puisse venir à bout de ce catafalque ambulant, il n’en reste pas moins qu’il comble la marchesa avec brio, lui arrachant des plaintes, des soupirs et des cris qu’on n’oserait espérer d’une femme de sa condition, latine, certes et même chaude latine, mais appartenant à une caste où l’on prend son pied en sourdine, sans rameuter le voisinage.
Elle émet des râles kif les actrices putasses des films pornos, lesquelles enregistrent le son « après « le savant coït pour qu’il fasse plus authentique. C’est très profitable à Sa Majesté. Voilà qui le stimule ! Il s’enrogne d’amour, le Sauvage, comme toujours dans les étreintes capiteuses. Faut qu’il débonde à bloc, l’artiste.
— Ah ! t’en veux, vieille seringue ! Y t’ fait fumer l’ réchaud mon braczif géant ! Tiens, carnemolle ! N’en voualà ! Chope, morue, c’est bon pour ton fion poussiéreux ! Tu t’ régales, hein, vieux tableau ! T’y croilliais plus, une bitée d’ c’t’ importance, sorcière ! C’est plus mouillant qu’ la tour d’ Pise, hein, carabosse ! Qu’est-ce tu croives, catastrophe : l’Italie, l’Italie ! Zob, à la fin ! T’es z’en train d’ te goinfrer français, mégère ! Pas un Macar calamistreux qui t’eusse voulu fourrer, sac à mites ! J’ sus pas pressé, la mère. J’ peux t’ braquemarder jusqu’à ce t’aies un brasero dans la chaglatte. Quand j’ m’en irerai de ta molluxe, tu pourras pas t’asseoir su’ aut’ chose qu’ de la crème glacée, l’ancêtre !