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Etreinte de qualité, entre pros animés des meil-leures intentions. Passons. Je ne peux sempiternellement te narrer mes coïts flamboyants, que tu finirais par me classer exhibitionniste au petit pied, mesquin comme je te connais ! Sache simplement, pour ta gouverne (voire pour ta gouvernante si tu la tronches), qu’on agit dans le classique. On baise Pléiade. Sans coup de semonce ni papouilleries pour bandeurs mous.

Nous sommes en pleine ardente, et foin des préli-mi-naires recherchés. La force de nos désirs nous transporte. Pour débuter, une minette de reconnaissance, mais à gros traits, juste histoire de reconnaître le parcours et conditionner le forage. Violette s’inscrit illico pour la décarrade somptueuse en râlant de bonheur, manière de se faire la voix (les plaintes, dans ces cas précis, sont les vocalises de l’amour).

Elle en émet une petite série à tirage limité non numéroté, puis se lance carrément dans l’exhortation sauvage, de celle qui te flagelle le sensoriel et dont tu me permettras d’occulter le bas vocabulaire charretier, du genre « fourre-moi à fond, salaud ! » « défonce-moi le pot » (j’en passe et de moins élégantes).

Très vite, elle me refoule pour se placer à genoux, mains à plat, dans la posture bébête qui constitue, crois-je-t-il, une manière de summum dans l’acte de chair (à appâter). Et alors là, c’est le déferlement ! N’insiste pas, je ne te raconterai pas cette charge héroïque, cette fantasia éperdue, cette chevauchée cosaque dans la toundra enneigée. Toujours est-il que c’est une superbe manifestation de l’instinct de reproduction. Bien qu’étant bas et neuf, le lit craque, la verrerie tintinnabule, le fond de l’air effraie. Assez dantesque sur les bords. Wagnérien ? Ça, sans aucun doute ! Le vaisseau fantôme qui prendrait l’eau !

Pointée à mort, « l’élève » d’Achille rameute à tous les échos, appelant indistinctement : sa maman, sa vieille grand-mère, son parrain qui est maréchal des logis, le président Mitterrand et Jacques Attali, son précieux gardien de but, le docteur Gaitautroux, son gynéco, la musique de l’hagarde républicaine, M. Haroun Tazieff de l’Académie française (hein ? il est pas de l’Académie ? ben il devrait !), l’adorable Jean d’Ormesson (qui lui en est, par contre), Bérurier, le comte de Paris, Fidel Castro et moi ! Oui : moi, tu as bien lu. Elle m’appelle alors que je suis là ; mieux que présent : in ! Ça ne rigole pas, le cul, mon vieux ! Ça déménage et ça t’embarque.

Superbe prestation dont je ne saurais te préciser la durée ayant omis de déclencher mon chrono. On arrive ensemble, gavés, comblés, exténués, radieux.

On chancelle mollement, puis on glisse sur le côté sans se désenchevêtrer, notre enfilade monstre continuant de courir sur son erre (d’en avoir deux !). Quel-ques ultimes aller-retour mouratoires. On spasme en camarades, essoufflés mais victorieux. Somno-lence d’après baise. La meilleure ! On croit rêver. On rêve ! Merci, Seigneur.

Mais j’ai mal à la tête. Me serais-je fait sauter un vaisseau menu dans la caberle en suractivant de la baratte bretonne ? C’est toujours ma crainte : craquer un plomb ! Pour, ensuite, me retrouver chanstiqué en long ou en large dans une mignonne voiturette chromée. Même équipée d’un moteur et d’un cerveau machinchose te permettant de la piloter avec ta bite ou le bout de ton pif, c’est pas extra comme mode de locomotion.

Bon, je m’éveille, vraiment mal à l’aise. Je vais pour éclairer ma lanterne de chevet, mais un bruissement ténu stoppe mon geste. A cul de loup, je me mets sur mon séant. Un rai de lumière filtre sous la porte. Il est coupé d’un trait sombre qui remue kif la queue d’un reptile. Je me lève et m’avance vers « la chose ».

Vite je pige. Il s’agit en réalité d’une extrémité de tuyau de laquelle (si on se réfère à l’extrémité) ou duquel (si on prend le tuyau en considération), s’échappe un gaz. Non mais, ils sont marrants dans ce bled ! Voilà qu’on nous asphyxie pendant notre sommeil. Moi, de deux choses l’autre : ou bien je délourde pour m’élancer sur le gazier gazeur, ou bien je reste peinard et me défends contre l’émanation avec les moyens du bord. Je me résous à la deuxième propose. Pour déponner, il faudrait que je tire le verrou et actionne la clé, gestes ne pouvant passer inaperçus du gars qui, de l’autre côté de l’huis, manœuvre la bouteille de gaz.

Alors tu sais quoi ? Je fonce sans bruit à la salle de bains qui, Dieu thank you, se trouve juste à l’entrée de la chambre. J’arrache le tuyau de la douche, reviens au tube, qu’avec des gestes quasiment chinois j’enquille dans le flexible de la douche. N’après quoi, je dérive l’extrémité de ce dernier dans la salle de bains dont je débonde la fenêtre et ferme la porte. Une couverture roulée et plaquée contre celle-ci achève de nous protéger des infiltrations possibles. Bien que notre chambre soit pourvue de l’air conditionné, je me hâte d’ouvrir en grand les deux baies vitrées.

Assise sur le lit, Violette me regarde agir sans proférer un son. Elle a tout pigé et me laisse l’initiative. Je me suis saisi d’une statue en faux albâtre et — j’attends derrière la porte, prêt à interviendre. Pour moi, — l’affaire est claire. Après le départ de Violette du Windsor Lodge, la vieille rombiasse qui le gère a donné l’alerte, comme je le craignais, et ses beaux messieurs ont revalu à Violette sa politesse en la recherchant dans les hôtels d’Istanbul, comme elle-même a recherché le faux ecclésiastique.

S’agit-il d’une anesthésie ou d’une exécution ? Je l’apprendrai bientôt. Si on a seulement voulu nous endormir, nos ennemis pénétreront dans la pièce après son gazage. Si au contraire on a décidé de nous carboniser, ils plieront bagage et fileront sans ton bourrin ni ton poète (comme dit Alexandre-Benoît Bérurier).

Attente.

Nous nous sommes habitués à la pénombre, Violette et moi. Maintenant nos regards s’entrecaptent. Le sien est tranquille, pas le moins du monde apeuré.

Du temps passe. J’ai posé le pied sur le flexible de la douche, sans appuyer, me promettant de le faire au moment où nos enfumeurs retireront leur embout.

Un frémissement du bout de tuyau. Je maintiens le flexible plaqué au sol. On retire l’embout. J’ai tous mes muscles bandés (sauf un, parce que j’ai déjà donné). Le rai lumineux se remet à souligner la porte sans autre perturbation. Et maintenant ?

Je perçois un léger flottement dans le couloir et le silence revient, intégral. On se tait encore un moment. Mais non : c’est fini.

— Il s’agissait d’un assassinat, murmuré-je.

— Qu’est-ce qui vous a alerté ? demande Violette.

Je tapote mon pif.

— Ce machin-là. S’il ne fonctionne pas, on meurt jeune dans ce boulot, chérie.

Elle soupire :

— En ce qui me concerne, il sera toujours en panne après qu’on m’ait fait l’amour comme vous venez de me le faire. C’était inouï !

— Merci.

La v’là qui rembrunit.

— Maintenant, nous sommes brûlés, n’est-ce pas ?

Je gamberge à sa question avec d’autant plus d’acuité que j’étais juste en train de me la poser.

— Il y a peut-être encore un brouillon d’espoir.

Je m’asseois près du téléphone et recompose le numéro de Mathias. Ça fait long à répondre. Et puis j’ai la voix de sa femme :

— Ici Angélique Mathias.

Les cent dix points d’interrogation qui succèdent sont toujours d’elle.

— C’est encore moi, ma tourterelle, susurré-je.

— Ah oui ? elle rétorque d’un ton neutre.

Je me dis qu’elle n’a pas réalisé son bonheur.

— Moi, San-Antonio ! précisé-je.