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Ah ! comme je voudrais des interviewes en muet. Un carton avec ces mots :

« San-Antonio, êtes-vous heureux ? »

Réponse : ma gueule, mon regard et mon poing avec le doigt du milieu dressé.

Deuxième carton :

« Vous gagnez beaucoup d’argent ? « (leur dada !).

Réponse : gros plan de ma dextre saisissant mes bourses à poignées, puis gros plan d’un clin d’œil.

Troisième carton :

« C’est quoi, l’amour, pour vous ? »

Réponse : je frétille de la menteuse comme quand je lèche une chatte de bon aloi !

Quatrième carton :

« Et Dieu ? »

Réponse : ma gueule figée, juste une larme qui perle.

Comme ça, l’interview de mes rêves. Dans un formidable silence pour cause de reproduction du son non encore inventée. Chaplin, quoi ! On a demandé à Chaplin ce qu’il pensait de Dieu, devant une caméra ? J’imagine d’ici sa réponse en noir et blanc. Le cinéma est mort en devenant bavard.

Or donc, le lendemain…

Dispositifs importants. Le grand jeu. The big game. Que je t’explique.

J’embusque Violette et Simon Cuteplet dans le « grenier » du comptoir des tapis. Elle est la seule du groupe qui connaisse Lady Fog. Munis de jumelles, les deux protagonistes du corps franc surveillent — l’entrée de la pension « Tu Tue ». Dès que la vioque pointera le bout de son blair, ils nous préviendront par talkie-walkie. Nous, c’est-à-dire Blanc, Mathias et moi qui sommes planqués à l’intérieur d’une fourgonnette stationnée à quelques encablures de là. Prêts à l’action.

Et Béru ? me demanderas-tu. Le Gros jouit d’un statut spécial, bien dans ses cordes : il tient l’éventaire ambulant d’une vieille marchande de beignets à laquelle nous avons filé le pactole pour qu’elle l’accepte comme assistant. Les vieilles musulmanes ont une qualité essentielle : quand tu leur flanques un paquet d’artiche pour les aider dans leur boulot, elles l’enfouillent sans chercher à comprendre.

Certes, il a modifié son look, Alexandre-Benoît, à mon instar, comme on disait dans les romans de jadis. « A l’instar. » Dedans, y a « star » qu’est ronflant. Son rôle est indéterminé, au Béru. Il est placardé presque face à Windsor Lodge « en couverture », prêt à interviendre (assure-t-il). C’est Grouchy à Waterloo. On espère seulement qu’il sera moins con que lui dans ses interventions !

Je pense que nous n’avons rien laissé au hasard. Dans l’entrepôt aux tapis, Violette a le cul nu, ce qui lui convient parfaitement. Il s’agit là d’une précaution. Si le couple est surpris, il alléguera qu’il cherchait un petit endroit tranquille pour ses ébats. Je lui ai adjoint le nouveau venu afin que Cuteplet puisse se familiariser avec les allées et venues de la pension, ce qui lui permettra d’agir « utilement » le moment venu. J’ai exigé que les talkies-walkies demeurent branchés en permanence, voulant capter intégralement la situation. Tout le monde, sauf Bérurier, ce qui est paradoxal, est muni d’un thermos de thé froid et d’un fort sandwich.

Nous attendons, assis sans broncher, dans le fourgon surchauffé. La sueur ruisselle sur nos faces crispées, malgré le léger courant d’air que nous avons essayé d’établir par un système de vitres ouvertes.

— Ça manque d’un ventilo, soupire Mathias.

Blanc est celui qui transpire le plus. On dirait un bronze d’art fraîchement sorti du four.

Pour se distraire, on tend l’oreille. Violette qui se sait esgourdée ne s’exprime que par monosyllabes. Simon, baroudeur, homme et con, ne s’embarrasse pas de précautions. Il dit :

— Vous avez un cul formide ! C’est dommage.

Profond soupir.

— Pourquoi est-il dommage de posséder un fessier que vous jugez avenant ? s’étonne Violette, très seizième.

— Dommage que je peuve pas m’en occuper ! déplore le tueur professionnel diplômé de l’Etat.

— Qui vous en empêche ? chuchote l’insatiable. Nous sommes à l’abri des regards et nous avons du temps. Il vous serait loisible de me prendre en levrette pendant que je surveillerais les abords ?

— Je vous dis pas, mais je suis inapte à l’amour depuis que deux rebelles africains m’ont châtré.

— Oh ! Seigneur, quelle horreur ! perd-elle tout contrôle. Comment cela s’est-il passé ?

— Ils m’ont claqué les gesticules entre deux pierres tranchantes.

— Ouille ! compatit Violette.

— Ouais, c’est ce que j’ai dit ! Ce qui m’a consolé, c’est qu’un des bougnoules s’est sectionné un doigt dans sa rage.

— Et depuis, plus rien ?

— Rien !

— Vous avez essayé, naturellement, de faire un état des lieux ?

— Je suis été voir une pute à Niamey, sitôt que j’ai revenu de mission : elle a escrimé sur mon zob, mais il est resté chique molle.

Hésitation de ma précieuse auxiliaire (elle, c’est l’auxiliaire « être »), puis, altruiste jusqu’aux glandes salivaires, elle murmure :

— Souhaiteriez-vous que je procède à une nouvelle vérification ? Il se pourrait qu’un « petit quelque chose subsiste » et qu’un regain de… de vitalité apparaisse ?

Il manque de foi, Simon :

— Vitalité mon zob ! Je préfère pas ; ensuite je désempare de m’être trouvé tout con devant une jolie fille.

— Qui ne tente rien n’a rien, Simon. Peut-être que, même si votre membre reste inerte, une délicate fellation vous causera une ombre de plaisir. La volupté est nuancée ! Allons, allons, bon ami, ne faites pas de chichis. Une femme est toujours doublée d’une infirmière, c’est en tant que telle que je vais essayer de réchauffer vos ardeurs. Laissez-moi agir et surveillez bien ce maudit hôtel !

« Oh ! mon Dieu ! Une braguette à boutons ! Encore ! En pleine fin de siècle ! Ma première, Simon ! Et il faudrait qu’elle ne défende rien ? Quelle misère ! Laissez-moi faire. Ne vous occupez que du Windsor Lodge, mon grand ; uniquement. Tenez, asseyez-vous sur cette caisse, soldat ! Et il porte un caleçon-caleçon, l’amour ! Un vrai ! En coton ! Et… mais oui : long ! Mais vous êtes donc un grognard de l’Empe-reur fourvoyé dans cette stupide époque ? Voyons l’appareil !

« Oh ! pauvres testicules profanés, saccagés ! Attendez… Ça ne vous fait pas mal quand je les palpe ? Il n’y a pas que de la peau, militaire ! Je sens comme une induration. Et si les misérables nègres vous avaient laissé par mégarde un brimborion de rouston, mon chou ? Hein ? Et si ? Voyons ce membre… Oui, bon, passons, ça n’a jamais dû être Byzance, si je puis parler ainsi à Istanbul. Du petit paf de sous-officier, sans vouloir vous vexer. Certes, la mutilation dont vous avez souffert n’a rien ajouté à sa gloire, mais tout de même, la modestie a toujours dû être sa qualité dominante. Il va me rappeler l’époque où je fumais des cigarillos.

« On n’est pas très à son aise pour pomper cette bricole, sergent. Saisir ça entre le pouce et l’index ressemble à de la minauderie de salon. Une bite se saisit à pleine main et il doit en rester suffisamment à l’air libre pour qu’on la puisse entonner jusqu’à la glotte. Franchement, c’est la première fois que je m’attaque à une queue aussi minuscule. Vous ne deviez pas faire le flambard lorsque vous déballiez cet outil à une femme, non ? »