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Une autre heure s’écoula. Marphissa s’inquiétait de plus en plus de la lutte qu’il lui fallait livrer contre une fatigue physique que les patchs ne parvenaient pas à vaincre totalement. Peut-être Ki a-t-il appris que nous ne pouvions pas emprunter le portail et attend-il que nous ayons compris, en l’atteignant, que cette issue nous était interdite. Il disposera dès lors de plus de temps pour nous grignoter et attendre l’arrivée des renforts, tandis que, de mon côté, je devrai défendre nos cargos avec des vaisseaux dont l’équipage sera éreinté et moulu et dont les cellules d’énergie sont déjà tombées à un niveau inquiétant. Vers où diable pourrais-je bien sauter ? Jamais nous ne pourrons regagner le point de saut pour Kalixa en un seul morceau.

« Plus que deux heures », marmonna Diaz avant de cligner des paupières, de se redresser et de plaquer un patch neuf à son bras.

Le nœud de vecteurs des vaisseaux syndics, inchangé depuis des heures, changea brusquement.

« Ils reviennent à la charge ! aboya la kommodore. C’est peut-être leur dernière tentative. Ils vont tenter de forcer leurs passes de tir. Ne laissez passer personne ! »

Les vaisseaux syndics rescapés, soit trois croiseurs légers et quatre avisos, arrivaient sur ceux de Midway à toute allure. Marphissa les fixait, de plus en plus pénétrée de l’amère certitude que, cette fois, quels que fussent les risques, on n’éviterait pas le combat. S’ils ne détruisaient pas ou n’endommageaient pas les cargos maintenant, peut-être n’en auraient-ils plus jamais l’occasion.

Le croiseur léger que marquait le Manticore avait pivoté de côté et grimpé vers le haut puis plongé pour déjouer sa solution de tir. Diaz, le visage gris de fatigue mais l’œil vigilant, maintenait son vaisseau collé au vecteur de sa cible. « À tous les canonniers ! ordonna-t-il. Ouvrez le feu ! »

Deux missiles spectres jaillirent du Manticore ; le vaisseau filait vers une interception qui ne dura même pas le temps d’un clin d’œil, tandis que lances de l’enfer et mitraille se déchaînaient à la suite des missiles. Tout autour de l’assez lâche périmètre de défense, d’autres bâtiments se rapprochaient aussi du contact en se pilonnant à tout va.

Marphissa ne pouvait guère qu’attendre la fin de ces engagements, qui se déroulaient trop vite pour que les sens humains les enregistrent.

Le croiseur léger ciblé par le Manticore avait tenté une manœuvre évasive de dernière seconde, mais les missiles de Diaz avait tous deux fait mouche et infligé de lourds dommages au milieu du vaisseau ; les nombreuses frappes de lances de l’enfer et de la mitraille qui en avaient criblé la proue s’y étaient ajoutées. Toutes ses armes et de nombreux systèmes étaient désormais HS, et les impacts des missiles l’avaient arraché à sa trajectoire, de sorte qu’il culbutait à présent cul par-dessus tête, incontrôlable.

Derrière et dessous les cargos, les croiseurs légers Harrier, Milan et Aigle s’attaquèrent à un autre croiseur léger syndic en une succession de passes de tir séparées l’une de l’autre par quelques secondes, ne laissant dans leur sillage qu’une boule de débris pulvérisés marquant la position qui était la sienne avant la surcharge, consécutive à ces frappes, du cœur de son réacteur.

Un autre aviso syndic fut anéanti : un tir de barrage exécuté à la perfection par le Falcon avait quasiment vaporisé le petit vaisseau au mince blindage.

Mais le croiseur léger marqué par le Kraken revenait à la charge, remontant par-derrière et poursuivi par le vaisseau de Midway, et il assista à la mise à mort de ses deux congénères. Il avorta sa passe de tir et survola la formation, échappant au Kraken.

Les trois avisos syndics rescapés qui, déjà, arboraient tous des balafres consécutives à leurs accrochages avec leurs homologues de Midway, y réfléchirent à deux fois et détalèrent à leur tour, qui vers bâbord, qui vers tribord et qui sous le ventre de la formation adverse.

Marphissa inspira profondément, non sans se demander depuis quand elle retenait sa respiration. « Je me demande si nous avons eu Ki.

— Peut-être se trouvait-il à bord d’un des croiseurs légers que nous avons abattus, avança Diaz. Ou de celui qui a préféré sauver sa peau.

— C’est un serpent », convint Marphissa. Elle se frotta les yeux et accommoda de nouveau sur l’écran. « Ils pourraient encore nous atteindre. » Elle enfonça ses touches de com d’un geste précautionneux. « À toutes les unités, ici la kommodore Marphissa. Beau travail. Mais il est trop tôt pour nous détendre. Nous n’arriverons au portail que dans quarante-cinq minutes. Je vous attribue de nouvelles cibles. Assurez-vous que ceux qui nous attaqueront encore n’y survivent pas. »

Elle désigna pour cible au Manticore et au Kraken le seul croiseur léger syndic rescapé puis affecta ses propres croiseurs légers et ses avisos à la surveillance des trois avisos ennemis survivants. Sommes-nous à l’abri ? Ils ne devraient plus être en mesure de nuire aux cargos. Mais je ne peux pas baisser ma garde, ni me persuader qu’ils n’agiront pas par pur désespoir. Peux pas me détendre. Pas le droit. Pas encore.

« Kommodore ? »

Elle scruta le technicien qui venait de l’interpeller en clignant des paupières et s’efforça de rediriger ses pensées, qui, jusque-là, s’étaient concentrées de manière quasi obsessionnelle sur la flottille syndic. « Quoi ?

— Kommodore, notre clef de l’hypernet signale que le portail de Midway est accessible.

— Il est… » Elle détacha le regard des vaisseaux syndics pour le reporter sur le portail qui, maintenant, se dressait non loin, massif.

« Nous y sommes, déclara Diaz d’une voix teintée d’incrédulité. Nous sommes au portail.

— Quand pouvons-nous l’emprunter ? s’enquit-elle. A-t-on entré notre destination ?

— Dès que vous en donnerez l’ordre, kommodore. Elle est entrée : Midway. »

Elle eut un dernier regard pour les vaisseaux syndics, qui commençaient à perdre du terrain et à creuser l’écart. Les siens étaient encore loin des cargos, certes, mais dans un rayon suffisamment proche du portail pour l’emprunter. « Allons-y, alors. À toutes les unités. Maintenant ! »

Le système nerveux ne recevait pas une sorte de choc électrique comme à l’entrée dans l’espace du saut, mais elle doutait de toute façon qu’elle l’aurait ressenti. Elle fixait son écran, d’où le système stellaire d’Indras et les vaisseaux syndics avaient disparu avec tout le reste.

Le Manticore, les cargos et tous les bâtiments de la flottille de récupération étaient à l’abri dans l’hypernet : nulle part.

Bradamont aida sans doute Marphissa à se relever, mais, dès qu’elle fut sur pied, elle dut s’appuyer à la kommodore tout autant que Marphissa à elle. « Je vous avais bien dit que vous en étiez capable », déclara Honore d’une voix qui semblait lui parvenir à travers plusieurs couches de gaze.

Marphissa réussit à se redresser et à se tourner vers ses techniciens. « Je n’aurais rien pu faire sans vous, dit-elle. Nous l’avons fait ensemble… Je vais aller me reposer à présent. Et vous aussi, kapitan Diaz.

— À vos ordres, kommodore. Technicien Lehmann… convoquez le levtenant Pillai… pour prendre le commandement de la passerelle. Et renvoyez l’équipage à ses tâches régulières. » Diaz se leva à son tour, légèrement chancelant, en affichant un large sourire niais, tout content d’avoir réussi à donner ses ordres de manière peu ou prou cohérente.