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— Qu’ils y croient. Oui. Nous avons besoin de ça. Voilà un penchant dont le Syndicat n’a jamais vraiment apprécié la nécessité chez les citoyens, même si ça obsédait les CECH des rangs les plus élevés. » Tous deux se dirigeaient vers les impressionnants véhicules qui les attendaient. « Vous montez avec moi ? » demanda Iceni.

Drakon lui adressa d’abord un regard interloqué puis hocha la tête. Il ordonna à son propre chauffeur de les suivre puis grimpa avec Iceni à l’arrière, passablement spacieux, de la limousine VIP classe un. « J’ai vu des chars moins massivement blindés que ces limousines classe un », lâcha-t-il en s’asseyant en face d’elle.

Gwen eut un sourire en coin puis tapota la fenêtre virtuelle qui s’ouvrait près d’elle. Celle-ci semblait réelle, comme si l’on jouissait d’une vue panoramique distincte de l’extérieur à travers une vitre transparente, alors qu’en fait elle se superposait comme le reste au blindage. « N’avez-vous jamais vu en ces limousines une sorte de métaphore de nos vies ? demanda-t-elle. Du dehors, on a une certaine vue de l’intérieur, on a même la certitude qu’elles sont en partie transparentes, alors que ce qui s’y passe est en réalité très différent.

— L’idée de nous voir voyager ensemble ne semblait guère enthousiasmer votre état-major ni le mien, répondit Drakon. Je suis convaincu que ça reflétait leur intime conviction. »

Elle éclata de rire. « Ils cherchent à nous protéger. J’espère du moins que c’est ce qui les anime. De manière assez singulière, ils nous contrôlent.

— Ouais, convint Drakon en s’adossant à un coussin qui épousa aussitôt son anatomie, si confortablement qu’on en prenait à peine conscience. « Ils fixent notre emploi du temps, filtrent les informations qui nous parviennent, prennent même en notre nom des décisions qui ne nous reviendront peut-être jamais aux oreilles. Ça me turlupine parfois quand j’y pense. »

Iceni opina puis lui coula un regard en biais. « Je tenais à vous remercier encore de n’avoir pas hésité une seconde à me confier le Pelé. Il reste de nombreuses avaries à réparer, mais il sera opérationnel avant le Midway. Ce sera un grand pas en avant s’agissant d’assurer notre sécurité. » Elle laissa échapper un soupir excédé puis se pencha vers lui. « Bon sang, Artur, dites-moi la vérité. Pourquoi ne vous inquiétez-vous pas plus de me voir contrôler une telle puissance de feu, comparativement à la vôtre ? Ne craignez-vous donc pas que je vous désarçonne du tigre ? »

Il chercha un instant ses yeux puis se pencha à son tour, de sorte qu’ils étaient à présent aussi près l’un de l’autre que le leur permettaient les dimensions de la limousine. « Parce que je sais que, si vous aviez voulu me tuer, Gwen, vous auriez déjà réussi.

— Mignon tout plein, répondit-elle dans un éclat de rire. Peut-être ai-je seulement l’intention de faire de vous mon subordonné docile et soumis.

— Hah ! Vous savez sans doute aussi que je ne serai jamais le toutou de personne.

— En ce cas, pourquoi… ? » Elle chercha le mot juste.

« Pourquoi est-ce que je vous fais confiance ? » Au tour de Drakon d’éclater de rire. « Je vous l’ai déjà dit. Je me fie à vous, Gwen. Vous me planteriez un poignard dans le dos si je vous trahissais, et vous feriez sans doute en sorte de toucher un organe vital. Mais, selon moi, vous ne me trahirez pas si je reste réglo. » Il haussa les épaules. « Je dois être stupide, j’imagine.

— Non. » Ne le dis pas. Ne le dis pas. « Vous êtes bon juge des caractères. Et je peux m’estimer heureuse de vous avoir pour… pour… partenaire. » Pourquoi est-ce que ç’a t’a échappé, idiote ! Tu lui fournis un moyen de pression !

Oh, la ferme ! Je suis lasse des petits jeux, des intrigues et des combines sournoises !

Drakon la dévisagea, sincèrement surpris. « Merci. C’est sans doute inepte de ma part, mais je vois mal ce qu’un homme dans ma situation pourrait répondre à un tel compliment de la part de quelqu’un dans la vôtre.

— J’accepte le remerciement », fit Iceni en souriant. Ce sourire s’effaça dès qu’elle prit conscience de son désir pressant (et inquiétant) de se pencher davantage pour embrasser Drakon. Elle se rejeta vivement en arrière pour mettre un peu plus de distance entre eux.

« Un problème ? s’enquit Drakon.

— Non. Non, tout va bien. » Parle d’autre chose. N’importe quoi. « J’ai cherché un commandant au Pelé. Je crois que je vais ordonner le transfert de Kontos à son bord et le bombarder kapitan. »

Drakon se redressa à son tour, manifestement déconcerté par son brusque coq à l’âne. « Hummm… À vous de voir. La loyauté de Kontos est incontestable. Mais son ascension a été passablement météorique, ne trouvez-vous pas ? Le commandement d’un croiseur de combat sera-t-il dans ses cordes ?

— Maintenant qu’elles sont de retour, j’ai posé la question à la kommodore Marphissa et elle en a discuté avec le capitaine Bradamont. Toutes deux l’en croient capable, du moment que les autres officiers de ce bâtiment jouissent d’une expérience suffisante.

— À qui reviendra le cuirassé ?

— Je n’en sais rien. Je cherche parmi les rescapés de la flottille de réserve en m’efforçant de rétrécir le champ de mes investigations. Avez-vous déjà rencontré la sous-CECH Freo Mercia ? Elle occupait la fonction de second d’un de ses cuirassés.

— Pas que je me souvienne. Vous la connaissez ?

— Je l’ai croisée. Elle m’a impressionnée à l’occasion de cette brève rencontre. Si les comptes rendus des survivants de son vaisseau sont exacts, elle en a assumé le commandement quand son commandant a été mis hors de combat, et elle a fait du très bon travail jusqu’à ce que la bataille prenne un tour désespéré, puis elle a réussi à le faire évacuer par autant de spatiaux qu’elle le pouvait.

— Hors de combat ? » demanda Drakon.

Iceni fit la moue. « Abattu par le chef des serpents du vaisseau dès qu’il a donné l’impression d’hésiter à faire son devoir. Freo Mercia a descendu le serpent tout de suite après, elle a ordonné à son équipage d’achever les autres et elle a poursuivi le combat contre l’Alliance jusqu’à ce que son cuirassé soit trop désemparé.

— Un très bon choix, me semble-t-il.

— Compte tenu de la puissance de feu que vous comptez placer entre ses mains, vous méritez au moins une occasion de l’évaluer vous-même. Je vous l’enverrai pour un entretien en tête à tête. Nous allons ramener les survivants de la flottille de réserve à la surface de la planète, puisque la kommodore Marphissa a d’ores et déjà escorté les cargos en orbite. J’ai cru comprendre que le colonel Rogero vous avait rejoint sain et sauf ?

— Le capitaine Bradamont et lui, acquiesça Drakon. Que vous inspire cette émeute à bord du cargo ?

— Le ressentiment à l’encontre d’un officier de l’Alliance pourrait suffire à l’expliquer, répondit lentement Iceni. Mais…

— Ouais… Mais… Le colonel Rogero a recommandé un filtrage scrupuleux de tous les gens de ces cargos, filtrage auquel vous procédez déjà. »

Leur véhicule ralentit puis fit halte sans à-coups. « Nous y sommes, dit Iceni. Vous pouvez retrouver la sécurité de votre QG et moi rassurer mon état-major sur mon intégrité physique après ce long conciliabule avec vous.

— Gwen…

— Oui ? »

Drakon secoua la tête. « Rien. »

Il la laissa s’interroger sur ce qu’il avait failli lui dire.