Выбрать главу

« Pourquoi nous a-t-elle conviés à ça ? » s’enquit sombrement Morgan.

— Pour bien nous montrer que le général Drakon est le codirigeant de ce système stellaire, répondit Malin de sa voix la plus condescendante.

— Pas des forces mobiles, en tout cas, rétorqua Morgan. Serait-ce censé nous faire accroire qu’il jouit sur elle de quelque autorité ? Une sorte de comédie destinée à ce que le général se sente apprécié, alors que ça ne signifie strictement rien ?

— Ce n’est pas le propos de la présidente Iceni.

— Et comment pourrais-tu bien connaître ses intentions ? » demanda Morgan, l’œil soudain soupçonneux.

Malin lui servit le regard de l’innocent qui cherche désespérément à comprendre de quoi on l’accuse. « J’écoute. J’ai des informateurs et je prête l’oreille. Si tu faisais comme moi, tu saurais que la présidente Iceni s’efforce de précipiter la nomination de son groupe d’ex-superviseurs pour les envoyer sur le croiseur de combat, afin de le rendre opérationnel aussi vite que possible.

— Tu écoutes ? » Morgan lui adressa un sourire si peu sincère que Drakon lui-même aurait éclaté de rire s’il ne s’était pas retenu à temps. « Moi aussi, j’écoute. J’entends beaucoup de choses. Entre autres, qu’un des informateurs d’Iceni dans le Syndicat aurait envoyé un message depuis le dernier cargo qui a traversé notre système stellaire. Un message disant qu’une autre attaque syndic contre nous serait en préparation en ce moment même. Tu veux savoir ce que j’ai appris sur toi ?

— Si c’est quelque chose dont tu as la preuve, tu aurais déjà dû en faire part au général, répliqua froidement Malin.

— Tenez-vous correctement, tous les deux, leur ordonna Drakon. Je ne voudrais pas que la présidente voie mon état-major s’entre-déchirer comme deux gamins dans une cour de récréation.

— À vos ordres, mon général, répondit Morgan, image même du sérieux. Mais c’est lui qu’a commencé. » Elle partit d’un rire aigu.

Ils pénétrèrent dans l’auditorium de taille relativement modeste qui avait été sélectionné pour la cérémonie. La présidente Iceni venait précisément d’entrer par une autre porte, suivie de Togo, son assistant et garde du corps. Sous les yeux de tous, trois rangées d’anciens superviseurs syndics (naguère encore cadres et sous-CECH) se tenaient au garde-à-vous dans leur nouvel uniforme de kapitan ou de kapitan-levtenant.

Le colonel Rogero, qui les attendait aussi, salua à la vue de Drakon.

Iceni fit halte près de Rogero. « Il n’est que trop juste que l’homme qui a joué un si grand rôle dans le sauvetage de ce personnel détenu dans un camp de prisonniers de l’Alliance soit présent quand il rallie nos forces », affirma-t-elle.

Drakon, que Rogero avait informé de son invitation, lui retourna son salut et adressa un signe de tête à Iceni. « La kommodore ne devrait-elle pas être présente ?

— La kommodore est avec sa flottille, répondit la présidente. Nous avons reçu des rapports affirmant que le Syndicat risquait de nous attaquer à tout moment.

— Vraiment ? » Drakon se tourna vers Morgan et Malin pour donner discrètement acte de l’exactitude de l’information et surprit la première à toiser Rogero comme si elle s’attendait à une traîtrise de sa part.

Alors qu’il reportait les yeux sur les rangées d’officiers nouvellement promus, il repéra une femme qui semblait à peine capable de contenir sa joie. Il la reconnut grâce aux rapports que Rogero lui avait fournis. L’ex-cadre exécutif Ito. Elle croisa son regard et lui adressa un sourire fugitif avant de rendre à son visage sa rigidité militaire.

Iceni faisait un discours. Drakon sentit son attention chanceler : il scrutait les nouveaux officiers en se demandant ce qui avait bien pu les pousser, en dépit des risques encourus, à combattre pour Midway au lieu de regagner l’espace encore contrôlé par le Syndicat. Tous avaient été soigneusement inspectés pour vérifier qu’ils leur étaient loyaux, à Iceni et lui, mais Drakon savait depuis beau temps qu’il ne faut jamais tenir ces assurances pour acquises.

Iceni avait terminé. Les nouveaux officiers la saluèrent puis crièrent en chœur : « Au nom du peuple ! »

Les rangs se rompirent et ils se mirent à bavarder entre eux avec excitation.

Iceni se retourna pour s’adresser à Togo.

Le kapitan-levtenant nouvellement promu Ito se dirigea à grandes enjambées vers Rogero en lui souriant largement puis piqua sur Drakon. Elle le salua fièrement. Le général lui retourna le geste, conscient que Malin s’était rapproché de quelques pas comme pour se préparer à lui faire une remarque.

Ito s’avança encore d’un pas vers Drakon sans cesser de sourire, et elle leva légèrement la main droite pour la lui tendre. « Général, puis-je me permettre de vous poser… »

Malin réagit si vite qu’on vit à peine ses mains bouger. Une seconde plus tôt, il se tenait près d’Ito et Drakon et, la suivante, il happait de la main droite le poignet droit du kapitan-levtenant, et, de la gauche, s’emparait de son arme de poing et en plaquait le canon à sa tempe.

Chapitre dix-huit

Nul ne broncha pendant quelques secondes, encore que Togo donnât l’impression de s’être téléporté entre Iceni et Malin, une main passée sous sa veste.

Iceni finit par prendre la parole d’une voix courroucée. « Un autre de vos officiers a dégainé son arme en ma présence, général. Que signifie ?

— Colonel Malin ? interrogea Drakon en s’assurant que son ton témoigne de son attente d’explications sérieuses de sa part.

— C’est un serpent, affirma Malin, d’une voix aussi paisible que s’il s’était livré à un briefing de routine. Examinez sa paume droite. Prudemment, sans la toucher. »

La main d’Ito se crispa et les muscles de son bras se tendirent pour tenter de l’arracher à l’étau de fer de celle de Malin, mais celui-ci la paralysait.

Iceni fit un geste à Togo. « Vas-y. »

Sans rien trahir de ce que lui inspirait la réaction de Malin, Togo s’avança pour inspecter la paume d’Ito à l’aide d’un instrument qui venait d’apparaître dans sa main gauche, puis il baissa la tête pour l’étudier de plus près. « Poison, affirma-t-il. Poison par contact. Il se diffuse à travers la peau.

— Comment peut-elle en avoir sur sa paume ? demanda Rogero, l’air sidéré.

— Il y a une mince pellicule protectrice dessous. » Togo sortit un couteau et, de la lame, entreprit d’ouvrir délicatement le talon de la paume d’Ito. La lame glissa puis ressortit, emportant avec elle ce qui ressemblait à une fine couche d’épiderme translucide. « Quiconque aurait été effleuré par sa paume serait mort presque aussitôt d’un infarctus foudroyant. »

Drakon examina la paume d’Ito, que Malin maintenait toujours d’une poigne ferme de manière à la tendre vers lui. « Comment as-tu su ? » demanda le général.

Malin n’avait pas bougé d’un iota et son arme était toujours collée au crâne d’Ito. « J’ai traqué longtemps des serpents, mon général, comme vous me l’avez ordonné en insistant sur la mission de débusquer leurs agents opérant en sous-marin dans les forces mobiles et terrestres. Le cadre supérieur Ito avait déjà attiré mon attention avant le départ de la flottille de réserve, car le nombre des superviseurs de son vaisseau soumis à des interrogatoires ou tout bonnement arrêtés par des serpents était plus élevé que la moyenne. Mes investigations m’ont appris qu’Ito elle-même avait fait des déclarations critiquant le gouvernement. Malgré tout, elle n’avait jamais été appréhendée.

— Une provocatrice », lâcha Morgan d’une voix dégoulinante de mépris.

Drakon hocha la tête, conscient de fixer lui-même Ito d’un œil noir. Ces gens-là présentaient l’image d’une oreille compatissante dans le seul but d’extorquer à leur interlocuteur des commentaires « subversifs », puis ils les livraient aux serpents.