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Drakon s’assit sans la quitter des yeux. Ses premières paroles la rassurèrent : il avait vu et reconnu le signe. « Il y a de nombreux sujets dont nous ne devrions pas débattre, j’en suis conscient, commença-t-il sur le ton de la conversation. Parce que nous ne pouvons nous fier à personne.

— En effet, convint Iceni. À personne.

— Mais je me méfie davantage de certains. » Il jeta un regard vers la fenêtre virtuelle qui s’ouvrait derrière le bureau de la présidente et affichait pour l’heure la vue d’une plage de la planète ; des vagues venaient sans relâche se drosser puis refluer sur le sable. « Ça ne montrait pas une vue de la cité, avant ?

— Je l’ai changée, répondit Iceni. Il m’arrive parfois d’apprécier ce à quoi je ne m’attendais pas. »

Il reporta le regard sur elle et la scruta un instant avant de reprendre la parole. Si seulement je pouvais savoir ce que tu penses vraiment, Artur Drakon.

« Je suis venu vous dire que, même si j’ai été la cible des deux derniers attentats, il y a de bonnes raisons de croire qu’on continue de vous viser », déclara le général.

Au lieu de la peur, Iceni ressentit une sorte de lassitude. « Bien sûr. Est-ce que ça finira jamais ?

— Franchement, ça me dépasse. Je ne sais pas non plus qui nous prend pour cibles, mais mon état-major est persuadé qu’il y a plusieurs partis en présence avec des objectifs différents.

— Intéressant. » Malin m’a déjà donné cette information ce matin. Je me demandais ce qu’il dirait à Drakon, mais que celui-ci la partage avec moi ne me surprend plus. J’aimerais assez savoir pourquoi il le fait. « Qui d’autre à part les serpents ? »

Drakon fit non de la main. « Je l’ignore. »

Pas de serpents ? Malin lui avait aussi fait part de la même conclusion. Mais c’était avant qu’Ito ne tente de tuer le général, et Ito transpirait le serpent par tous ses pores. « Vous vous êtes excusé une fois de n’avoir pas partagé avec moi vos informations. À mon tour de… devoir m’excuser. » Elle avait eu le plus grand mal à articuler ce dernier mot. « Mes gens étaient censés avoir éliminé toutes les menaces. Au lieu de cela, j’ai laissé une meurtrière vous approcher. »

Comment Togo avait-il pu se montrer si négligent ? Iceni avait pris l’habitude de se reposer sur son impitoyable efficacité. Un peu trop peut-être.

Mais pourquoi Malin ne lui avait-il rien dit des soupçons qu’il nourrissait à propos d’Ito ? Pourquoi se livrer à une telle démonstration publique de l’insuffisance de Togo et de sa propre efficience ?

À moins que ce ne soit précisément le but de la manœuvre ?

« Il faudra qu’on en reparle plus tard, déclara-t-elle. Je dois procéder à certaines vérifications.

— Très bien. » Drakon se leva. « Gwen… Soyez prudente.

— Ne me la faites pas au sentiment, général. Je finirais par me poser des questions sur ce que vous méditez.

— J’aimerais assez le savoir moi-même. »

Drakon n’était pas sorti du bureau sécurisé d’Iceni que son unité de com se mettait à bourdonner avec insistance. De façon très pressante. « J’aimerais m’entretenir tout de suite avec vous dans votre bureau, mon général, lui dit Morgan.

— De quoi s’agit-il ?

— D’une menace vous concernant. Toute proche de vous.

— Morgan, il vaudrait mieux que…

— Vous vouliez une preuve. Je l’ai. »

Drakon marqua une pause. « Très bien. J’arrive. »

Ses pensées durant le bref trajet jusqu’à son bureau furent cacophoniques. Morgan avait-elle réellement trouvé des preuves tangibles contre Malin ? Ou bien s’était-elle finalement un peu trop avancée sur une voie qu’elle menaçait de prendre depuis un bon moment ? Je regrette sincèrement de n’en pas savoir davantage sur cette dispense médicale qu’elle a obtenue au retour de la mission qui l’a tant traumatisée. Il ne peut pas s’agir d’un parrain qui aurait tiré les ficelles en sa faveur. C’est donc qu’on avait de bonnes raisons de la déclarer apte au service. Mais je m’en suis étonné plus d’une fois, surtout dernièrement.

Morgan l’attendait déjà dans son bureau à son entrée.

Distrait par ses pensées taraudantes, Drakon n’avait pas remarqué que Malin lui avait emboîté le pas sans se soucier de ce qui s’était produit auparavant. Il ne s’en rendit compte que lorsque celui-ci prit la parole, dès que la porte se referma, sur le ton le plus coutumier du monde. « Mon général, je…

— Je t’ai enfin démasqué ! glapit Morgan. Je sais qui tu es vraiment. »

À la surprise de Drakon, Malin dégaina son arme en un clin d’œil et, le visage blême et tiré, la braqua sur le crâne de Morgan.

Celle-ci ne fut pas moins prise de court, mais sa stupeur ne dura qu’un instant : les lèvres retroussées en un rictus effrayant, elle changea aussitôt de posture, les mains prêtes à administrer un de ces coups mortels qui avaient déjà tué maintes fois, et qui tueraient Malin tout aussi sûrement si elle s’en prenait à lui.

« Arrêtez, tous les deux ! » hurla Drakon.

Malin n’eut pas l’air d’avoir entendu : le visage crispé, il continuait de braquer son arme droit sur la tête de Morgan sans la quitter une seconde des yeux.

Prête à bondir, irradiant la haine et le mépris, elle soutenait son regard sans ciller.

« Colonel Malin, baissez votre arme, reprit le général d’une voix qu’il maîtrisait sans doute davantage, mais qu’il avait chargée de tout le poids de son autorité. Colonel Morgan, vous êtes priée de ne pas l’attaquer quand il l’aura lâchée, ou je vous abats moi-même. Maintenant, vous allez obtempérer tout de suite tous les deux ou vous regretterez d’être nés. »

Malin prit une longue et profonde inspiration, cligna des paupières comme s’il sortait d’une transe et recula d’un pas en même temps qu’il abaissait sa main armée, l’air de l’avoir oubliée.

Les yeux de Morgan se reportèrent fugacement sur Drakon, le temps de prendre la mesure de la férocité qui brillait dans ceux du général. Elle baissa à son tour les bras, qui vinrent baller le long de ses flancs, et elle battit en retraite.

« Si jamais ça se reproduit, reprit Drakon d’une voix qui ne sonnait plus tout à fait comme la sienne, vous dégagez d’ici tous les deux. C’est bien compris ? De ce QG, de cette planète, de ce système stellaire, et ce dans un rayon de cent années-lumière. Est-ce clair ?

— Oui, mon général, répondit Malin d’une voix désormais posée et égale.

— Oui, général Drakon, marmonna Morgan.

— Le Syndicat s’apprête à agresser de nouveau Midway. L’attaque pourrait se produire à tout moment. Nous devons nous y préparer et concentrer tous nos efforts là-dessus plutôt que sur des rivalités internes et un comportement à ce point déplacé que je me demande encore pourquoi je vous accorde une seconde chance. Mais vous n’en aurez pas d’autre. Maintenant, rompez avant que je vous fasse arrêter tous les deux, et, pendant les deux jours qui viennent, ne vous approchez pas à moins de cent mètres l’un de l’autre. »

Morgan secoua la tête. « Je suis ici pour une bonne raison, mon général. Une raison de première importance. » Elle toisa de nouveau Malin d’un œil méprisant. « Le colonel Malin doit répondre à certaines questions et, une fois que vous aurez lu ceci… (elle brandit une disquette) vous tiendrez assurément à les lui poser.

— À quel propos, ces questions ? s’enquit Drakon, peu disposé à lui céder.

— D’ADN, répondit Morgan. L’ADN actuel du colonel Malin, que je me suis procuré récemment en prélevant un échantillon sur son poignet quand je l’ai agrippé, ne correspond pas à l’ADN référencé dans le dossier officiel du colonel Bran Malin, dit-elle sur le ton et la cadence d’un juge prononçant la sentence d’un condamné. N’est-ce pas ? défia-t-elle son collègue.