Выбрать главу

— Oui, mon général. » Maintenant que le secret était éventé, il parlait à toute vitesse. « Cette mission. Quand elle n’avait encore que dix-huit ans et qu’elle était dans les commandos, Morgan s’est portée volontaire pour une mission suicide destinée à en apprendre davantage sur l’espèce Énigma. Avec d’autres volontaires, elle a été placée en sommeil de survie. La mission a été annulée vingt ans après son lancement. Seuls Morgan et un autre commando ont pu être récupérés.

— Cela, je le savais déjà, dit Drakon. Mais on oublie aisément qu’elle a vingt ans de plus qu’elle ne paraît. Chronologiquement, évidemment, puisqu’elle n’a pas vieilli durant la cryogénisation. Mais… comment… ?

— Ma mère était un des médecins chefs affectés à la préparation de ces volontaires, reprit Malin. Pendant qu’elle préparait Morgan, elle a découvert que celle-ci était enceinte, à dix-huit ans et depuis si peu qu’elle n’en avait sans doute même pas pris conscience.

— Une dernière partie de jambes en l’air avant de s’envoler vers la mort.

— Vraisemblablement, mon général. Le règlement spécifiait que l’embryon, dans ces conditions, devait être détruit. Le médecin chef Flora Malin était elle-même incapable de procréer en raison des lésions, subies au cours de ce même projet de recherches, qui devaient finalement la tuer. Profondément touchée par le décès de son époux pendant la guerre, elle vit en la découverte de cet embryon un cadeau du ciel. Au lieu de le détruire, elle le préserva en secret et, quelque temps plus tard, se le fit implanter. Au terme de la gestation, elle me donna le jour. » Malin ferma les yeux puis les rouvrit pour fixer Drakon avec intensité. « Je n’en savais rien. Je n’en avais aucune idée, jusqu’à ce que je m’engage dans l’armée du Syndicat et que je quitte la maison. Ma mère m’a alors dévoilé la vérité, car il fallait que je sache qu’il existait des contradictions entre mon ADN officiel et ma véritable personne. Compte tenu de sa position au sein des services médicaux, Flora Malin avait réussi à garder ce secret sous le boisseau, mais, faute de reconnaître publiquement ma mère biologique, j’allais maintenant devoir le faire aussi. »

Incapable de parler pendant plusieurs secondes, Drakon se renversa dans son siège puis : « Et, là-dessus, Morgan est revenue.

— À peu près au même moment, mon général. C’est bien pourquoi je devais absolument préserver la supercherie. Ma mère Flora, puisqu’elle participait déjà à la mission initiale, a été rappelée pour aider à la réanimation de Morgan. » Malin eut un sourire désabusé. « Elle se sentait coupable. De ce qu’on avait fait à Morgan et de lui avoir pris son enfant. Elle a fait de son mieux pour l’aider. »

Un mystère de longue date s’éclaircissait de lui-même. « Morgan a été déclarée apte au service actif puis, un peu plus tard, qualifiée pour une promotion à un grade d’officier supérieur en dépit d’évaluations psychologiques limites ; elle n’avait pas de parrain susceptible de la pistonner. Votre mère appartenait aux services médicaux. C’est elle qui a tiré les ficelles pour lui décrocher son certificat d’aptitude.

— Oui, mon général. Mais ça n’aurait pas eu grande importance si, par la suite, vous ne lui aviez pas accordé une seconde chance malgré ses mauvais résultats aux tests psychologiques. » Malin baissa les yeux. « Après mon engagement dans les forces terrestres, j’ai mis un bon moment à localiser Morgan. Je mourais d’envie de la connaître. Ma mère, Flora, m’avait prévenu que je risquais de le regretter, mais, sur son lit de mort, elle m’a finalement pressé d’écouter mon cœur. Ce que j’ai fait en me faisant transférer sous vos ordres, où Morgan servait déjà. »

Malin laissa échapper un bref ricanement de dérision. « Et j’ai donc été amené à rencontrer ma vraie mère.

— Et vous avez trouvé Morgan.

— Et j’ai trouvé Morgan. »

Drakon dévisageait Malin en même temps qu’il ranimait des souvenirs. « Morgan vous a détesté dès le premier moment.

— Je me suis demandé si elle avait seulement ressenti quelque chose, avoua Malin.

— Et vous n’avez pas tardé à lui rendre la pareille.

— C’est Morgan, général.

— Et votre mère. » Drakon frappa le bureau du poing. « Cet incident sur la plateforme orbitale ? Vous ne vouliez pas la tuer, mais la sauver. Sauver…

— Ma mère. »

Drakon le scruta de nouveau. D’autres souvenirs refaisaient surface. « Vous êtes resté tout ce temps sous mes ordres pour protéger votre mère… C’est Morgan, Malin !

— Je sais. » Il donnait l’impression qu’on cherchait à l’étrangler.

« Et elle ne se doute de rien ?

— Consciemment ? Non, mon général. Mais je suis sûr qu’elle le sait à un niveau subconscient.

— Je dirais plutôt qu’il est fichtrement certain qu’elle le sait même si elle n’en est pas consciente ! explosa Drakon. Elle s’en prend d’habitude aux gens avec une redoutable efficacité, mais, vous, elle vous hait. Pourquoi diable êtes-vous resté auprès d’elle ? Pourquoi vous sentez-vous obligé de la protéger ? »

Malin baissa de nouveau les yeux et s’étreignit si violemment les mains que muscles, veines et os ressortirent distinctement. « Ma mère, Flora, n’est pas la seule à se sentir coupable. »

Aucune dissimulation notable, le prévint le matériel de Drakon.

Malin releva les yeux et se détendit. « Et, en apprenant à mieux vous connaître tous les deux, j’ai ressenti une obligation de vous protéger d’elle. »

Aucune dissimulation notable.

« Qu’elle soit votre mère biologique joue un rôle là-dedans ? s’enquit Drakon. Dans cette obligation de la protéger que vous éprouvez ? »

Cette fois, Malin marqua une pause avant de répondre. « Oui, mon général. Je me rends compte que c’est absurde, mais… oui. »

Aucune dissimulation notable.

Drakon soutint de nouveau son regard en se demandant ce qu’il devait faire. Falsifier un dossier officiel était une infraction aussi sérieuse que réelle. Mais les mobiles de Malin restaient compréhensibles. Si Morgan avait été ma mère, je n’en aurais pas moins fait pour dissimuler ce lien de parenté.

Mais Morgan était la mère de Malin. Ça expliquait pas mal de choses. Dont certaines similitudes qui avaient turlupiné Drakon avant qu’il ne les balaie pour les attribuer à de simples coïncidences.

La pomme Malin était-elle tombée si loin du pommier Morgan ? Drakon avait toujours cru que ces deux-là se surveillaient l’un l’autre, mais, si Malin se sentait des obligations envers Morgan, jusqu’où allaient-elles ? Il avait cru comprendre leur synergie, mais il se posait à présent des questions. Je ne m’étais pas rendu compte qu’il y avait entre eux un lien aussi important. Qu’est-ce que j’ignore encore ? Y a-t-il d’autres squelettes derrière l’écran où je me projetais un film sur leur relation réelle ?

Le colonel Malin finit par se gratter la gorge pour rompre le silence qui s’éternisait. « Mon général, si je suis venu dans votre bureau, c’est précisément dans le but de vous protéger de Morgan. Il y a une chose que vous devez savoir à son propos. »

Drakon se plaqua les mains sur le visage et laissa leur pression apaiser un instant son esprit enfiévré. « J’ai hâte de l’apprendre et je suis sûr que vous disposez de preuves tangibles. Au moins puis-je avoir la certitude qu’elle n’est pas encore la mère de quelqu’un d’autre. »

Le silence perdura jusqu’à ce que Drakon abaisse les mains pour fusiller Malin du regard. « De quoi s’agit-il ?