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« Oui. Visionnez-le puis dites-moi ce que vous en pensez. » Elle pressa quelques touches et l’image de Black Jack se matérialisa au-dessus de la table.

Le ton et le maintien de l’amiral Geary étaient aussi compassés qu’à l’ordinaire. « Présidente Iceni, général Drakon, j’ai deux problèmes à vous soumettre. Tout d’abord, présidente Iceni, je dois vous informer que, lors de notre passage dans l’espace contrôlé par les Énigmas, nous avons repéré et libéré quelques-uns de nos congénères qu’ils retenaient prisonniers, sans doute à des fins d’étude. Tous, hormis ceux nés en captivité, venaient de colonies ou de vaisseaux syndics. Nous les avons examinés aussi consciencieusement que possible, sans trouver en eux aucune trace d’une contamination biologique ou autre.

» Je dois souligner qu’aucun ne savait rien sur les Énigmas. Ils étaient cloîtrés à l’intérieur d’un astéroïde creux et n’ont jamais vu leurs geôliers. Ils ne peuvent donc rien nous en apprendre. Tous ont été traumatisés physiquement, mentalement et affectivement par leur longue incarcération. Compte tenu de leur état de santé, j’ai l’intention d’en ramener la majorité dans l’espace de l’Alliance, où je pourrai leur faire prodiguer des soins avant de les rapatrier dans leur système d’origine, un peu partout dans les Mondes syndiqués. Trois d’entre eux, cependant, affirment que leurs parents sont natifs de Taroa, et quinze autres déclarent venir de Midway. Ces dix-huit personnes aspirent à rentrer chez elles dès à présent. Nous serions d’accord pour exaucer leur vœu, mais, avant tout, j’aimerais savoir tout ce que vous pourriez m’apprendre sur les conditions qui règnent actuellement à Taroa et, ensuite, m’informer de vos intentions concernant les quinze de Midway. Je me sens obligé de veiller à ce qu’ils soient convenablement traités maintenant que je les ai libérés. »

Geary marqua une brève pause. « Le second problème concerne l’officialisation de nos relations avec le nouveau gouvernement de Midway. »

Ce n’était sans doute pas la première fois qu’Iceni entendait ces mots, mais son cœur bondit dans sa poitrine. Officialiser nos relations. Il reconnaît donc formellement que Midway est indépendant et que Drakon et moi en sommes les dirigeants légitimes. C’est mieux que je n’espérais.

« Je me propose d’affecter à votre système un officier supérieur de l’Alliance, afin de pérenniser notre engagement envers Midway et pour vous prodiguer, tant en matière de défense que dans votre transition vers une forme plus libérale de gouvernement, tous les conseils et l’assistance dont vous auriez besoin. Cet officier est le capitaine Bradamont, qui commandait naguère le croiseur de combat Dragon. Ses états de service sont excellents et, dans la mesure où elle a été un temps prisonnière de guerre, elle a d’ores et déjà établi des contacts avec certains officiers des Mondes syndiqués et peut donc travailler avec eux. Le capitaine Bradamont a accepté cette fonction, mais il me faut aussi votre consentement à son affectation, qui, selon moi, devrait bénéficier aux deux parties. Les émissaires du gouvernement de l’Alliance qui accompagnent la flotte ont eux aussi approuvé la nomination du capitaine Bradamont, de sorte qu’il ne nous reste plus qu’à obtenir l’accord de votre gouvernement.

» Dans l’attente de votre réponse à ces deux questions, en l’honneur de nos ancêtres, Geary, terminé. »

Drakon resta quelques secondes assis sans mot dire après la fin du message, puis il se tourna vers Iceni. « Officialiser notre relation. Cela veut-il bien dire ce que je crois ?

— Oui. Il nous fait là un cadeau de valeur : notre reconnaissance officielle par l’Alliance et Black Jack en personne, mais avec deux complications.

— Expédions déjà la plus facile, suggéra Drakon. Ces gens que détenaient les Énigmas.

— Ce serait la plus facile, selon vous ? » Elle soutint fermement son regard. « Croyez-vous Black Jack quand il affirme qu’ils ne savent rien des Énigmas ?

— Oui. » Drakon fit la grimace. « Pas parce que je suis enclin à me fier aux officiers de l’Alliance, mais parce qu’il ne lui servirait à rien de nous mentir à ce sujet s’il compte vraiment nous les remettre. S’il les gardait par-devers lui ? Alors là, oui, je serais méfiant. Mais, quand il les aura mis à notre disposition, nous pourrons leur poser toutes les questions que nous voulons.

— Black Jack donne encore la preuve qu’il est un brillant politique. Il nous dit vrai en même temps qu’il nous propose un marché que nous ne pouvons pas refuser. » Iceni pianota sur l’appui-bras de son fauteuil. « Ces citoyens. Nous devons les accepter. Si le bruit se répandait que Black Jack a offert de nous les rendre et que nous avons décliné, ça pourrait nous coûter très cher. On nous accuserait d’avoir conspiré avec lui pour garder sous le boisseau ce qu’ils savent des Énigmas.

— Il est retors, comme vous dites.

— Où les mettre s’il cherche à nous forcer la main ? Où a-t-il dit que les Énigmas les détenaient ?

— À l’intérieur d’un astéroïde creux. » Drakon réfléchit un instant en se massant le menton. « Il semble qu’ils y soient restés très longtemps. Ils n’aimeraient sans doute pas qu’on les libère à la surface d’une planète. Tous ces grands espaces les affoleraient.

— Qu’en savez-vous ? Black Jack a certes affirmé qu’ils avaient été très affectés par leur emprisonnement, mais sans plus de précisions. »

Drakon marqua une pause comme pour se demander s’il devait répondre, puis il haussa les épaules. « J’ai connu des gens qui avaient été libérés au terme d’une très longue claustration dans un camp de travail. Ils se sentaient très désorientés dès qu’ils n’étaient plus entourés de quatre murs. »

Iceni se demanda comment réagir. Combien sommes-nous à connaître quelqu’un qui a été envoyé dans un camp de travail ? Mais nous ne sommes pas si nombreux à avoir rencontré un rescapé. Beaucoup y ont trouvé la mort. « Des amis à vous ?

— Ouais. » Drakon baissa les yeux, le visage dur et fermé.

D’accord. N’en parlons plus. Je vais même changer de sujet pour te faire plaisir. « Alors, que proposez-vous de faire de ces ex-prisonniers des Énigmas ? »

Le général releva la tête, visiblement soulagé qu’Iceni n’ait pas cherché à creuser davantage. « La principale installation orbitale. Ses dimensions restent restreintes, elle ressemble peu ou prou à ce dont ils avaient l’habitude, c’est une station mixte, occupée à la fois par des militaires et des civils, et assurer sa sécurité ne sera pas trop problématique puisqu’on pourra aisément en contrôler l’accès. En outre, personne ne pourra nous accuser de les claquemurer pour servir nos propres objectifs.

— Hmmm. » Iceni sourit. « Nous pourrions même augmenter notre capital de sympathie auprès des citoyens. Voyez ! Des gens ont été ramenés pour la toute première fois de l’espace contrôlé par les Énigmas. Et ils sont ici, à Midway, de nouveau libres, grâce à notre relation avec Black Jack. »

Drakon hocha la tête puis la regarda fixement. « Ce n’est pas vraiment la première fois.

— Qu’on ressort de l’espace Énigma ? demanda Iceni. Le colonel Morgan aurait sans doute le droit d’y prétendre. Mais vous ne m’avez pas dit pour quelle raison. Savez-vous pourquoi elle s’est portée volontaire pour cette mission suicide alors qu’elle avait à peine dix-huit ans ?

— Non. Morgan a grandi dans un orphelinat de l’État. Ses parents sont morts tous les deux pendant la guerre, mais elle n’en parle jamais. Malgré tout, elle a réussi à décrocher ensuite un certificat médical l’autorisant à briguer une nouvelle affectation.