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— Alors allons-y ! » Elle avait d’ores et déjà configuré la manœuvre sur son écran. « À toutes les unités de la flottille de Midway, ici la kommodore Marphissa. Exécution immédiate de la manœuvre jointe. Terminé. »

Quatre heures plus tard, sur la planète habitée, la présidente Gwen Iceni assistait au développement des événements qui se déroulaient à proximité du portail de l’hypernet et dont l’image lui parvenait enfin. Prévenue lors de l’émergence du nouveau croiseur, elle l’avait regardé détaler, puis la flottille syndic commandée par le CECH Boyens avait envoyé un assez fort détachement à ses trousses. Son écran lui avait confirmé qu’il était perdu, juste avant qu’elle n’y voie les vaisseaux de la flottille de Midway – ses vaisseaux – accélérer à leur tour sur une nouvelle trajectoire. Mais que fabrique donc la kommodore Marphissa ? Elle ne peut tout de même pas…

La présidente regarda d’un œil incrédule les vecteurs du petit groupe se stabiliser. Les bâtiments de Marphissa se dirigeaient droit sur le cuirassé de Boyens, désormais isolé mais largement assez puissant pour affronter toute la flottille de Midway.

Tout cela datait à présent de quatre heures. Les vaisseaux de Marphissa – non, mes vaisseaux – ont sans doute été anéantis depuis.

Chapitre six

« Si elle a réussi malgré tout à survivre, je la tuerai moi-même ! »

Debout devant Iceni, Togo ne réagissait à ses philippiques qu’en affichant un visage de marbre et il évitait sagement de proférer le premier mot.

Il était vraiment dommage que le sous-CECH Akiri, qui avait brièvement appartenu à l’état-major d’Iceni, eût été assassiné par un serpent quelques mois plus tôt. Pour l’heure, elle aspirait âprement à la présence à ses côtés d’un officier des forces mobiles sur qui déverser sa bile.

Sur l’écran qui surplombait le bureau de la présidente, la trajectoire de la flottille de Midway s’était stabilisée et accélérait vers une interception du cuirassé syndic. « Oh, merveilleux ! La cerise sur le gâteau !

— Madame la présidente ? s’enquit Togo.

— Regarde ! Tu vois ces deux symboles ? Ils signifient que deux de nos avisos vont télescoper le cuirassé syndic ! Pas pour une passe de tir rapproché ! Pour une collision ! »

Le front d’ordinaire parfaitement lisse de Togo se creusa d’une ride légère. « Comment la kommodore a-t-elle convaincu leurs équipages d’obtempérer à un tel ordre ?

— Elle n’en a pas eu besoin ! On peut les télécommander. Avec les codes d’accès, Marphissa peut s’emparer du contrôle des autres vaisseaux de sa flottille. Je les lui ai confiés, et elle s’en sert à présent pour une opération qui va me coûter un bras en soutien populaire ! »

Cette fois, Togo hocha la tête pour signifier qu’il comprenait. « Parce qu’on croira que vous avez envoyé vous-même ces équipages à la mort. Ceux des autres forces mobiles vont très mal le prendre.

— Et les citoyens aussi ! Je m’efforce de les garder de bonne humeur en procédant au goutte-à-goutte à des changements susceptibles d’améliorer leur sort et de leur accorder davantage de liberté. Si j’étais un CECH ordinaire, me voir jeter ainsi la vie de leurs concitoyens aux orties ne les ferait même pas ciller, mais ils s’attendent à ce que je me conduise différemment.

— N’avez-vous pas de codes permettant d’outrepasser ceux qui ont autorisé Marphissa à prendre le contrôle de ces avisos ?

— Il leur faudrait quatre heures pour les atteindre ! lâcha Iceni, les dents serrées. Trois de trop.

— Cette initiative ne ressemble guère à la kommodore Marphissa », fit remarquer Togo.

Iceni fixait l’écran d’un œil noir. « Que ça lui ressemble ou pas, elle l’a prise. Je veux certes me débarrasser de Boyens et de sa flottille, mais pas en fragilisant ma propre position. La nouvelle de cette affaire se répandra dans les systèmes voisins et on me regardera partout comme une vulgaire CECH.

— On vous respectera si vous…

— Je n’ai pas assez de puissance de feu pour régner sur cette région de l’espace par la peur ! » Et je n’y tiens pas non plus. Cela m’obligerait à prendre des mesures pour la renforcer, et j’en ai déjà trop fait dans ce sens. Togo était sans doute informé de certaines de ces initiatives puisqu’il avait fréquemment suivi ses ordres pour les mener à bien, mais il ne savait pas tout. Loin s’en fallait. « Ce sacrifice pourrait réduire à néant toutes nos chances de parvenir à une alliance renforcée avec Taroa. »

Iceni se contraignit à s’asseoir et à respirer posément. Comment gérer les retombées de ce désastre ? Pas seulement la perte d’une bonne partie de ma flottille, mais encore l’usage délibéré de deux de mes vaisseaux comme projectiles.

Togo se gratta prudemment la gorge. « Certains des vaisseaux syndics changent de cap. »

Iceni reporta le regard sur l’écran et constata que les croiseurs lourds et les avisos qui poursuivaient le nouveau venu étaient en train de rebrousser chemin. « Ils vont renforcer les défenses autour du cuirassé. » Mais les vaisseaux de Marphissa poursuivaient leur course effrénée vers le cuirassé, même si, désormais, leur mission semblait non seulement désespérée mais manifestement impossible. Où veut-elle en venir ?

La réponse s’imposa à Iceni quelques secondes plus tard, quand elle constata que les vaisseaux de la kommodore avortaient leur assaut pour regagner l’orbite. « C’était du bluff. Bon sang ! Elle a fichu la trouille à Boyens de sorte qu’il a laissé filer le croiseur.

— Sa fuite va beaucoup contrarier le CECH Boyens, lâcha Togo.

— Oh, il sera très fâché, en effet. » Est-ce que ça peut me servir ? Oh que oui ! L’allégresse se substituait à la brève fureur de tout à l’heure. Non seulement Marphissa s’était montrée plus maligne que prévu, mais encore les derniers événements avaient-ils inspiré à Iceni un moyen de sortir enfin de l’impasse où Boyens et sa flottille acculaient Midway. « Il faut que je contacte le nouveau venu. Ce croiseur peut nous être très utile. Préviens le général Drakon que je dois m’entretenir avec lui en tête-à-tête. Rien que nous deux. Ne me regarde pas comme ça. Il reste des serpents en activité et je ne peux pas prendre le risque de leur dévoiler le plan que je viens d’échafauder.

— Si madame la présidente ne daigne plus me compter parmi… » Togo était encore plus raide que d’ordinaire et sa voix plus compassée.

« Ce n’est pas ça », le coupa-t-elle. Mais bien plutôt qu’il s’agit très exactement d’une situation où je peux me servir à mon avantage de la position d’informateur du colonel Malin tout en réduisant les possibilités de deviner ce que je projette. Elle réussit à adresser à Togo un sourire rassurant. « Tu m’es trop proche. Si on te sait impliqué, on cherchera à découvrir ce que ça cache. »

La minable excuse n’eut pas l’air de rassurer Togo. « Je dois vous prévenir, madame la présidente, que le général Drakon œuvre très certainement contre vous. Il pourrait mettre à profit toute intimité apparente entre vous deux.

— Quelle intimité ? demanda Iceni d’une voix tranchante.

— Des… bruits ont couru.

— Il en courra toujours. Je ne peux pas permettre à des ragots de cours d’école d’empiéter sur mes décisions ! Envoie ce message au général Drakon pendant que je contacte le nouveau croiseur. »

Drakon fixait Iceni sans ciller tout en retournant sa proposition dans sa tête. Je ne suis pas technicien en tactiques des forces mobiles, mais le concept m’a l’air solide. « Vous croyez que ça peut marcher ?