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— Je crois que ça a une bonne chance de marcher, mais nous ne pouvons pas envoyer Togo. Tout le monde remarquerait son absence et en déduirait qu’il est en mission spéciale pour moi.

— Qui, alors ? Il serait trop risqué de transmettre un message, j’en conviens. À la première ombre de soupçon, Boyens nous ferait un pied de nez. »

Iceni eut un geste détaché. « Pourquoi pas les colonels Malin et Morgan ?

— Deux des miens ? Pour une entrevue personnelle avec Black Jack ? » Son regard se fit plus aigu. « Vous prendriez le risque de me laisser leur confier un message différent ?

— Oui, répondit sereinement Iceni. Est-ce à dire que je ne devrais pas ?

— Je dis seulement que nous avons l’un et l’autre assez d’expérience pour ne pas tomber dans ce piège. Qu’est-ce qui a changé ?

— J’ai appris à mieux vous connaître. »

Drakon aurait aimé y croire, ce qui ne le rendit que plus circonspect.

« Quoi qu’il en soit, reprit Iceni, je peux faire poser à l’un de vos colonels un boîtier scellé qui enregistrera tout. De sorte qu’aucun message non autorisé ne sera transmis à Black Jack.

— D’accord. Je peux comprendre pourquoi vous avez avancé le nom de Malin. Mais… Morgan ? »

Iceni eut un sourire entendu. « Parce que, si l’un des deux avait un projet personnel à l’esprit, l’autre vous en ferait part.

— C’est assez vrai. » Drakon se repassa le plan mentalement puis hocha la tête. « Je suis d’accord. On remarquera sans doute l’absence de Morgan et Malin, mais on présumera qu’ils vaquent à mes affaires, dont sont exclues les forces mobiles.

— Les vaisseaux de guerre, rectifia Iceni. Je tiens à m’écarter le plus possible de la terminologie et des modes de pensée syndics. Je m’attends à recevoir bientôt des nouvelles de ce nouveau croiseur, en réponse à notre offre de le faire escorter jusqu’à sa destination par un de nos croiseurs lourds. Je vous ferai prévenir dès qu’il l’aura acceptée et nous pourrons alors chercher le moyen d’expédier vos colonels à Black Jack à l’insu de tous. »

Drakon réfléchit en se massant le menton d’une main. « Nous pourrions faire intervenir le nouvel officier de liaison de l’Alliance.

— Vraiment ? Mais oui, vous avez raison. » Cette fois, le sourire d’Iceni avait l’air parfaitement sincère. « Nous formons une bonne équipe, Artur. »

Marphissa se tenait devant le sas principal du Manticore et attendait que la navette eût fini de s’y accoupler. Que se passe-t-il, par l’enfer ? Pourquoi la présidente tient-elle tant à ce que j’aille inspecter personnellement les progrès accomplis dans la préparation de notre cuirassé au combat ?

Le Manticore avait mis deux jours à atteindre la géante gazeuse, où l’armement du nouveau cuirassé Midway avançait lentement. Marphissa se trouvait donc à deux jours de sa flottille et à des heures-lumière de toute nouvelle sur les événements qui se déroulaient à proximité du portail de l’hypernet.

La navette la conduisit directement à l’un des sas du Midway, où elle trouva le jeune et fringant levtenant-kapitan Kontos qui l’attendait sans escorte. « Par ici, kommodore. »

Ils entreprirent la traversée du cuirassé. En dépit de laprésence de travailleurs du chantier naval et d’un équipage réduit, de nombreux secteurs du Midway restaient déserts. Marphissa fut prise d’un curieux malaise alors qu’ils longeaient une coursive. Kontos n’avait jamais fait montre d’une dangereuse ambition personnelle et la présidente Iceni avait sans doute donné l’ordre à Marphissa d’inspecter le Midway, mais, à son goût, ces dispositions évoquaient un petit peu trop les occasionnelles mises au placard d’officiels syndics réputés tombés en disgrâce. En outre, certains « amis » de la kommodore – ayant entendu dire qu’Iceni n’avait guère apprécié le tour joué par Marphissa à Boyens lors de la fuite du nouveau croiseur lourd – lui avaient rapporté ces rumeurs. Même si elles étaient fondées, la présidente ne me ferait pas disparaître. Elle n’est pas comme les autres CECH. « Que se passe-t-il ? » demanda-t-elle à Kontos à voix basse.

Celui-ci lui adressa un regard énigmatique. « Je ne peux pas vous le dire. C’est très important. Vous allez… rencontrer un autre officier. Elle est censée vous rejoindre ensuite à bord du Manticore. »

C’était plutôt rassurant, dans la mesure où ça sous-entendait qu’elle retournerait sur son vaisseau en un seul morceau et sans les fers aux pieds. Du moins fallait-il l’espérer.

Kontos sortit une enveloppe qu’il lui tendit. « Vos ordres. Je ne les ai pas lus, à l’exception d’un document de travail spécifiant que je devais vous les remettre.

— Des ordres écrits ? » Marphissa prit l’enveloppe et la contempla.

« On ne veut pas risquer de compromettre ce qu’ils contiennent.

— Ça crève les yeux ! Je n’avais encore jamais vu d’ordres couchés sur le papier. »

Kontos fit halte devant une écoutille. « Elle est dans cette cabine. Je suis le seul à bord à l’avoir vue.

— Qui diable est-ce donc ? La présidente serait-elle montée en secret à bord du Midway ?

— C’eût sans doute été moins surprenant, déclara Kontos avant de saluer. Je dois vous introduire, sceller hermétiquement l’écoutille puis attendre votre appel. Il y a à l’intérieur un panneau de com opérationnel, connecté à mon fauteuil de commandement de la passerelle. C’est là que je l’attendrai.

— Dois-je lire ces ordres avant de rencontrer cette personne ?

— Je l’ignore, kommodore.

— Parfait. Je vous appelle dès que j’ai terminé. » Stupide obsession du secret, songea-t-elle. Qu’est-ce qui peut bien être assez confidentiel pour justifier toutes ces précautions… ?

Elle fit deux pas à l’intérieur du compartiment et se pétrifia, à peine consciente que Kontos refermait l’écoutille derrière elle.

Un capitaine de la flotte de l’Alliance se tenait près d’une des tables boulonnées au pont, vêtue de son uniforme réglementaire.

Marphissa inspira profondément. Un officier de l’Alliance. Elle avait vu des prisonniers de guerre, affronté ses vaisseaux en bataille rangée, mais jamais elle ne s’était entretenue avec un de ses officiers, ni d’ailleurs avec aucun de ses ressortissants. La guerre avait duré un siècle. La population de l’Alliance n’était pas seulement l’ennemi, elle était depuis toujours une menace pour elle et sa patrie. Trouver un Énigma dans le compartiment ne lui aurait pas paru plus surprenant que d’y rencontrer cette femme.

Mais elle était là sur l’ordre de la présidente Iceni. Il devait y avoir une bonne raison à cela.

J’ai regardé la mort en face. Je peux bien affronter un officier de l’Alliance.

« Je suis le capitaine Bradamont, se présenta la femme en se mettant au garde-à-vous.

— Kommodore Marphissa », répondit machinalement celle-ci. Son regard se porta sur le sein gauche du capitaine Bradamont, où s’alignaient médailles et décorations. Mais, là où, sur une tenue syndic, ces récompenses auraient constitué un résumé parfaitement compréhensible de la carrière de leur propriétaire, celles de l’Alliance, inconnues de Marphissa, formaient comme un barbouillage bariolé qui n’avait aucun sens pour elle. Qui donc était cette femme ? « Pourquoi êtes-vous là ?

— Vous n’avez pas reçu d’instructions ?